C'est la question à laquelle nous avons essayé de répondre dans notre étude. Pour cela, nous avons réalisé un sondage en juillet et août 2022, le but : réfléchir sur le futur de la cérémonie civile. Nous avons obtenu plus d'une centaine de réponses de la part de professionnels du funéraire - que je remercie d'ailleurs, car le formulaire était assez long.
Nous avons également sollicité l'avis de deux professionnels du secteur, qui ont aimablement accepté d'apporter leur contribution à notre analyse : François Michaud-Nérard et Philippe Gentil.
Je vous propose de faire un état des lieux de ces chiffres et de partager avec vous mes réflexions sur ce sujet. Dans un deuxième temps, nous allons essayer d'imaginer ensemble ce que sera la cérémonie en 2032, dans 10 ans.
1. État des lieux de la cérémonie civile aujourd'hui
Qui sont les personnes ayant répondu au sondage ?
Les sondés exercent en grande partie au sein des crématoriums et des cimetières, ce qui est assez logique, car de fait il est rare que les maîtres de cérémonie soient en charge des services religieux. Bien que les communes soient incitées à mettre à disposition des salles, éventuellement gratuitement, il semble que cette pratique n’ait pas beaucoup pris.
À noter que les cérémonies peuvent avoir des configurations très différentes selon la région et les habitudes locales. Mon objectif est d'apporter un éclairage sur la réalité d'aujourd'hui et d'anticiper les pistes de réflexion pour la cérémonie de demain.
2. État des lieux
Il faut savoir que près de deux tiers des cérémonies civiles sont organisées par un maître de cérémonie. Les familles s’appuient donc clairement sur un professionnel pour organiser ce type de cérémonie, car il s'agit d'un moment délicat et l'émotion rend l'organisation plus compliquée. Pour avoir une idée de comparaison, même si la comparaison a ses limites, sachez que pour les cérémonies de mariage civiles, le taux de cérémonies organisées avec un maître de cérémonie est inférieur à 10 % (source : Wedding Academy).
A. La cérémonie : quels sont les enjeux ?
Une cérémonie ne s'improvise pas. Selon notre étude, dans 67 % des cas, le maître de cérémonie procède à un échange physique avec la famille. Je dois vous avouer que je ne m'attendais pas à une telle quantité de rendez-vous physiques. Il faut savoir que le maître de cérémonie peut être rattaché aussi bien à l'établissement funéraire qu'au crématorium (indépendant de l'entreprise funéraire).
Il semblerait que deux approches se distinguent :
• D'un côté, un travail approfondi réalisé avec la famille avec un rendez-vous physique ;
• De l'autre, un échange plus rapide peu de temps avant la cérémonie.
Avec des familles systématiquement différentes, on peut se rendre compte de la complexité du métier de maître de cérémonie. Lorsqu'on rentre dans les éléments pratiques de la cérémonie, on se rend compte que le sujet le plus compliqué, le plus important et le plus stressant, est l'élaboration de l’hommage. Tout le reste semble secondaire alors que la musique est très souvent évoquée.
C'est là un sujet important : comment parler de quelqu'un qu'on ne connaît pas, sans prendre aucun risque afin de ne froisser personne ? La réputation du maître de cérémonie - et par extension de l'entreprise de pompes funèbres ou du crématorium - est en jeu lors de l'hommage. Par ailleurs, certains maîtres de cérémonie ont parfois des cas de conscience, car ils peuvent être confrontés à des textes problématiques. Sur ce point, on touche à du personnel et chaque maître de cérémonie possède sa propre ligne de conduite.
B. Cérémonie : existe-t-il des besoins spécifiques ? une recherche d’originalité ?
Dans deux tiers des cas, les demandes sont habituelles ; le nombre de familles qui souhaitent sortir du cadre proposé par l'établissement funéraire est assez peu élevé, car les demandes originales sont assez rares. Ces demandes originales peuvent être des lieux hors du commun, des rites exceptionnels (par exemple en incluant une moto dans l'assemblée pour rendre hommage à un motard ou bien en dispersant les cendres dans le ciel), etc.
C'est un sujet délicat : personne ne veut prendre de risque de peur de heurter la famille. À garder en tête que souvent c'est sur ces demandes originales que l'entreprise de pompes funèbres peut se distinguer.
Selon l'étude, un maître de cérémonie a besoin en moyenne de 55 minutes pour organiser une cérémonie funéraire. L'écart varie fortement mais ce laps de temps est très différent en fonction de la disponibilité de la famille et de son intérêt pour le sujet. Il faudrait approfondir la question et distinguer le nombre de familles qui laissent totalement la main au maître de cérémonie. Près de 50 % des maîtres de cérémonie remarquent qu'il est compliqué de collecter l'information auprès de la famille. C'est un sujet très sensible car sans information précise sur le défunt, il est difficile de raconter autre chose que des banalités.
C. Durée de la cérémonie ?
La durée de la cérémonie est selon notre étude d’approximativement 30 minutes ; c’est à la fois peu et beaucoup. En effet, pour une personne seule sur laquelle on dispose de peu d’informations, il n'est pas évident de proposer une longue cérémonie de 30 minutes ; à l'inverse, dans le cas d'une personne très appréciée de sa communauté, 30 minutes semblent bien courtes.
D. Qualité du maître de cérémonie ?
Voici un tableau récapitulatif sur les compétences attendues pour exercer le métier de maître de cérémonie. Celui-ci est avant tout un organisateur : il doit anticiper et s'assurer que tout se déroule dans le bon ordre, selon un cadre précis.
E. Rôle du maître de cérémonie ?
À la lecture de ces chiffres, tout dépend des attentes de la famille :
• Soit elle souhaite tout déléguer ;
• Soit elle souhaite que le rôle du maître de cérémonie concerne uniquement l'accueil et l'organisation, la famille se chargeant du contenu.
In fine, j'ai le sentiment qu'avec le cadre relativement bordé d'une cérémonie, le contenu (texte, musique, etc.) est géré par la famille ; mais par défaut, c'est au maître de cérémonie de s'en occuper.
On remarque que la famille peut difficilement organiser seule la cérémonie et surtout la présider. Comme le dit François Michaud-Nérard : "Le rôle du maître de cérémonie en tant que tiers non impliqué émotionnellement est essentiel. Son altérité lui permet de parler au nom de l'ensemble des personnes endeuillées, il représente le corps social et c'est une vraie aide pour le travail de deuil que vont devoir accomplir les proches".
F. Quand la musique est bonne ?
À ma grande surprise, la musique n'est pas un élément compliqué pour les maîtres de cérémonie et, visiblement, c’est la famille qui prend l’initiative sur ce sujet à plus de 93 %. À savoir que, dans trois quarts des cas, la musique est apportée par la famille en clé USB. Choix ou contrainte ? Le secteur funéraire sur ce point est un peu en retard
.
Idem concernant les photos : la clé USB reste l'outil le plus utilisé. On a le sentiment que beaucoup d'échanges (photos, discours, musiques, hommages) s'organisent à la dernière minute et que le stress doit être souvent le sujet principal des maîtres de cérémonie.
G. Hommages et cérémonie réussie ?
On observe une grande diversité sachant que pour le coup, les familles peuvent se sentir plus libres sur ce sujet. D'après François Michaud-Nérard : "le plus facile est de faire pleurer avec des photos et de la musique, mais là où est le vrai rôle du maître de cérémonie, c'est de donner du sens et cela ne peut se faire qu’au travers de lectures de textes signifiants et de prises de parole performatives".
Ainsi il est difficile de résumer la cérémonie à quelques chiffres. On peut pourtant en conclure qu'une fois l'organisation mise en place par le maître de cérémonie, la réussite d'une cérémonie dépend essentiellement de l'hommage à la mémoire du défunt et donc du talent du maître de cérémonie…
3. Se projeter en 2032 ?
Je vous invite à vous projeter dans 10 ans, soit en 2032. Pour imaginer comment seront les cérémonies laïques dans une décennie, nous pouvons nous appuyer sur quelques évidences :
A. Taux de crémation à plus de 50 %
Cette évolution connaît une progression linéaire depuis 2010. L'augmentation continue du taux de crémation implique un nombre croissant de cérémonies organisées dans les crématoriums, et donc un développement par nature des cérémonies civiles.
B. Part du religieux en forte baisse
La part des enterrements religieux va fortement baisser, à la fois du fait du nombre d'officiants (qui sont de moins en moins nombreux), mais aussi de la sécularisation de la population française. L'évolution de la part des baptisés dans les naissances illustre cette tendance de fond.
Le déclin de l'influence sociétale du catholicisme est décrit avec précision dans l'ouvrage de Jérôme Fourquet, "La France sous nos yeux", avec notamment le remplacement du baptême par le tatouage du prénom ou des marches blanches à la place des processions sécularisées. Cette baisse de la pratique religieuse va forcément impliquer une augmentation du nombre de cérémonies civiles.
C. Des personnes de plus en plus nombreuses et âgées
Le fait que les personnes décèdent à un âge de plus en plus élevé implique que les personnes seront de plus en plus seules, avec un niveau de conscience plus limité. Cela influencera clairement la cérémonie, car les amis et les proches du même âge que le défunt seront de moins en moins nombreux. La société s'adapte aujourd'hui à cette évolution ; mais en ajoutant trois à cinq ans d'espérance de vie, un éclatement des familles et un vieillissement général de la population, il est indéniable que la part des personnes âgées seules va continuer à fortement croître.
Ainsi, le nombre de décès sans cérémonie devrait aussi connaître une croissance importante et il est possible que les personnes deviennent les prescripteurs de leur propre cérémonie.
D. Des personnes technophiles (enfin !)
En 2032, on peut aisément deviner que le nombre de consommateurs (personnes autour de 50/60 ans) n'ayant jamais utilisé Internet se sera effondré ; au contraire, nombre d'entre eux auront même une expérience digitale importante. Nous observons sur notre outil tarificateur (pour le voir : QR code avec le lien) une augmentation continue du taux de cérémonies civiles. C'est là une tendance de fond. Il est possible que la proportion soit légèrement supérieure à la moyenne nationale (qui est elle-même très variable selon les régions), en raison de la connaissance numérique des utilisateurs.
Que conclure de cette analyse ?
On assiste à un changement lent mais en profondeur du secteur funéraire : ainsi, la cérémonie civile va continuer à se développer et notamment donner un rôle de plus en plus important au maître de cérémonie.
Comme l'explique Philippe Gentil : "C'est à l'opérateur funéraire ou aux crématoriums d'accompagner les familles dans la construction de cérémonies civiles personnalisées qui non seulement rendent hommage à la mémoire du défunt mais créent aussi une émotion collective positive dont l'assistance se souviendra. C'est avec ce type de service que les entreprises du secteur se distingueront les unes des autres".
C’est aussi sans doute une clé pour l'avenir économique du funéraire. Notre conseil : "au travail pour proposer les meilleures cérémonies possibles aux familles en deuil" !
Charles Simpson
Fondateur de Meilleures Pompes Funèbres
Résonance n° 184 - Octobre 2022
Résonance n° 184 - Octobre 2022
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