Il est toujours passionnant de parler aux professionnels du funéraire, car, à travers ce qu’ils disent, chacun dévoile son regard sur la réalité et la place qu’il veut y occuper. Dernièrement, au cours de la formation du personnel de mairie, un constat que j’avais déjà fait a été renouvelé. Certains parlent de leur action en termes émotifs et d’autres en termes stricts et administratifs. Une voie médiane existe-t-elle ?
L’action des émotions peut être très forte. Certains professionnels veulent aider leur prochain pour faire cesser une situation difficile ou réparer ce qui apparaît à leurs yeux comme une injustice. Être au plus près des besoins des personnes en deuil devient alors un objectif. Les besoins identifiés sont perçus comme "prioritaires" et il faut atténuer la douleur.
D’autres professionnels restent imperturbables. Ils basent leurs rapports sur une gestion stricte et administrative qui se veut efficace et rationnelle. Ils appliquent le cadre que fixe leur contrat de travail et aucun écart n’est toléré. Il ne faut pas compter sur eux pour jouer les "mère Teresa". Maintenir l’organisation pour assurer l’ordre et prévenir toute dérive est le moteur de leur action.
Une voie médiane entre les deux approches décrites ci-dessus existe-t-elle ?
Notre expérience nous pousse à dire : oui. Cependant, quelques mises au point sont à faire avant d’aller plus loin.
En effet, appliquer le cadre réglementaire met à l’abri de certaines dérives. Mais dans certains cas le cœur l’emporte. L’envie "d’aider" comporte un risque : quitter le cadre réglementaire. Le dépassement du cadre peut avoir un prix et la première évaluation se fera par la prise en compte des limites qui sont dépassées et du risque encouru par le dépassement de ces limites.
Certains dépasseront le cadre de la réglementation pour des intérêts commerciaux, alors que d’autres le feront pour aider autrui. Peu importe la raison qui motive cet élan vers l’autre, la réalité est la suivante : le professionnel s’engage dans une voie non décrite par la réglementation et le chemin peut contenir certains dangers dont fera fi le professionnel.
L’application de la réglementation peut être un domaine où la "voie médiane" peut aussi résoudre des difficultés. Les professionnels des pompes funèbres, mais aussi ou encore ceux de la gestion des installations funéraires comme les cimetières ou les crématoriums, déplorent le fait que la loi ne couvre pas tel domaine ou tel cas.
Les professionnels font alors face à une suite d’inconnues et le "problème de la limite" réapparaît. Il faut alors trancher et répondre à une demande qui n’est pas clairement traitée par la réglementation. L’inquiétude gagne alors l’esprit de plusieurs professionnels : que vais-je répondre à mon interlocuteur ?
La réponse à cette question donne un indice : quel rôle l’État occupe-t-il dans le domaine funéraire ?
Prenons un exemple : L’aspect culturel des opérations est laissé au libre choix des endeuillés. L’entreprise de pompes funèbres ne pourra donc pas chercher de réponse dans ce que lui permet ou non la réglementation. La question est plutôt dans ce que l’entreprise est capable de réaliser. À une question comme : "Puis-je organiser une messe de funérailles dans un jardin public ?". La réponse n’est sûrement pas non plus dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). À l’opposé, l’aspect sanitaire des opérations est strictement contrôlé par l’État et ce contrôle se reflète dans la réglementation.
En conclusion
La réglementation n’a pas réponse à tout pour la seule et bonne raison qu’elle ne peut pas contrôler tous les aspects d’une situation et on ne lui en donne pas le mandat. Mais elle propose une direction dans laquelle la collectivité peut emboîter le pas. Elle fixe la limite entre ce qui sera encadré et ce qui correspondra au libre arbitre, aux choix du citoyen ou aux tendances proposées par la mode. Le professionnel, de cette façon, sait quels sont les domaines où la réglementation risque de poser une limite et quels sont ceux où la tradition, la culture ou les habitudes auront le dernier mot.
Yves Messier
Formateur-consultant auprès des collectivités et associations de maires
Responsable de cimetières
Résonance n° 182 - Juillet 2022
Résonance n° 182 - Juillet 2022
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