Nous sommes probablement à la veille de difficultés majeures dans l’évolution du prix des funérailles. Pas besoin de turban sur la tête et d’une boule de cristal pour deviner les ondes de choc économiques qui se profilent à l’horizon et qui limiteront les marges de manœuvre en matière de profitabilité de l’activité de pompes funèbres. C’est pour cela, entre autres raisons, qu’il faut réfléchir sur l’équation fixation des prix et acquisition de clientèle…
La crise économique de 2008 a marqué un virage significatif dans le rapport des Français au coût des obsèques. Dans un de mes éditoriaux courant de la première décennie des années 2000 sur Funéraire Magazine (FM), j’avais comparé les chiffres d’une étude publiée par la Société de Thanatologie en 1986 (les Français, l’argent et la mort, P.-J. Poinsignon) et la moyenne annoncée vingt ans plus tard concernant le coût des obsèques également au niveau national. La comparaison était édifiante, avec des prix multipliés par cinq en monnaie courante et multipliés par 2,58 calculés en monnaie constante (après correction de l’inflation).
En prenant comme base de comparaison la notion d’équivalent-salaire, la moyenne de règlement des obsèques représentait 1,5 mois de salaire net d’ouvrier spécialisé en 1986, et vingt ans plus tard deux mois de salaire net d’un directeur d’agence de pompes funèbres. En net actuel, le SMIC est à 1 269 €. Grosso modo, la moyenne nationale du coût des obsèques représente 3 fois le SMIC net, soit un impact financier pratiquement doublé depuis 1986.
Cette comparaison est incontournable. Elle ne débouche pas pour autant sur la désignation d’un abus général venant des professionnels de pompes funèbres, car la profitabilité d’exercice de leur métier stagne, voire régresse depuis une tendance ayant émergé en 2009/2010.
Je vous ferai grâce des références savantes et des chiffres tirés des différentes études sur le sujet, au nombre desquelles je veux citer néanmoins les analyses annuelles menées par la CSNAF d’une part et l’organisme Xerfi d’autre part.
Grosso modo, pour ne parler que de la profitabilité de l’activité de pompes funèbres, l’analyse d’un grand groupe a toujours dégagé des résultats supérieurs à ceux du reste de la profession, et, néanmoins, à l’échelle d’une PME, un résultat net de 7 à 10 % est dans la norme, ce qui est très satisfaisant comparé à la profitabilité moyenne des entreprises spécialisées dans les services aux personnes (un peu moins de 4 % pour ces dernières).
L’importance accrue du prix comme atout concurrentiel
Le virage des mentalités françaises concernant le prix des funérailles s’est amorcé en 2010, en conséquence retardée mais directe de la crise boursière de 2008. La stagnation du pouvoir d’achat lors de cette période a en effet influencé les achats de seconde nécessité. Rappelons que le coût des funérailles est à cheval entre la première nécessité (donner une ultime destination convenable au défunt) et la seconde nécessité (consentir un niveau de dépenses révélant une volonté expressive d’hommage).
Lorsqu’il y a 15 ans mon éditorial sonnait l’alarme à propos de l’inflation des prix dans l’activité de pompes funèbres, c’était essentiellement pour mettre en lumière l’existence d’une tension croissante entre l’offre des professionnels et la capacité de financement des ménages. Bien sûr, cette remarque valait à l’échelle globale et nationale. Il fallait la nuancer selon les caractéristiques de chaque entreprise. Dans une étude réalisée par FM à la même période, le constat était dressé sur l’existence de différences entre Paris et la province, entre l’urbain, le semi-urbain et le rural, entre la tarification des pompes funèbres solo, des marbriers devenus pompes funèbres et travaillant en mixte, entre les acteurs isolés et ceux travaillant en réseaux et, enfin, entre la crémation et l’inhumation.
Cette diversité des profils de tarification et d’exploitation (ceci expliquant souvent cela) se poursuit encore à l’heure actuelle. Néanmoins, vous noterez que le revirement de profitabilité de l’activité des pompes funèbres, amorcé il y a plus de dix ans, va s’accentuer :
- parce que le pouvoir d’achat des ménages a globalement reculé pour une majorité d’entre eux,
- parce que, collectivement et dernièrement, notre économie a subi le choc de l’épidémie de la Covid-19, et subit désormais celui de la guerre d’Ukraine.
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Si le choc économique à venir est comparable au choc pétrolier des années 70, n’oubliez pas qu’à l’époque, le marché funéraire était régulé (modéré et soutenu à la fois) par le système du monopole communal. Attention désormais ! Aujourd’hui et demain, les professionnels funéraires travaillant en libre concurrence évoluent sans filet de sécurité en matière de prix, sauf dans la gestion des crématoriums, qui continue à obéir à la garantie d’équilibre budgétaire des services publics.
Vous devez donc considérer la fixation de vos tarifs de prix comme une liberté à hauts risques, car la pression du marché va s’intensifier. Nous entrons de plain-pied, chaussés de nos pompes, dans une période de revanche de la demande sur l’offre.
Le rapport de force dans la négociation commerciale entre la famille et l’entreprise de pompes funèbres commence à s’inverser. Maintenir une exigence tarifaire, fût-elle fondée, risque de renvoyer les familles chez le concurrent.
Accepter ou jouer sur des prix promotionnels, dits "solidaires", c’est infléchir à vos risques et périls la rentabilité d’exercice de l’entreprise (tactique dont les effets sont rarement maîtrisés dans l’immédiat, mais parfois douloureusement constatés après coup). Ce dilemme va se poser dans la stratégie de tous les professionnels, installés de longue ou de nouvelle date. Le but d’une réflexion à ce sujet est alors de vous aider à y voir clair avant que vous preniez une décision dans ce domaine.
Plusieurs niveaux d’analyse entrent en jeu :
- comprendre l’incidence des facteurs de détérioration des prix dans la situation particulière de votre entreprise sachant qu’elle est plus ou moins vulnérable selon les moyens dont elle dispose en propre (niveau de valeur ajoutée, qualité de l’outil de travail, souplesse des charges salariales) ;
- mesurer l’impact du prix sur un marché particulier, celui que vous visez, en analysant les atouts dont vous disposez à titre personnel (qualifier votre différence concurrentielle et votre capacité à la faire reconnaître) ;
- maîtriser l’ensemble des outils vous permettant une performance en matière d’offre et de coût (rappel du mix marketing étudié le mois dernier).
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L’impossible sagesse des prix
L’augmentation des charges d’exploitation les plus diverses vont porter à conséquence sur l’équilibre de gestion des entreprises, et par voie de conséquence sur l’offre des fournisseurs en amont et des détaillants en aval face à des clients eux-mêmes en difficulté. Or le prix des funérailles n’a jamais pu être fixé psychologiquement à l’échelle d’un pays, comme cela existe dans les achats de consommation courante.
La difficulté pour un particulier d’estimer a priori le coût des funérailles réside premièrement dans le fait que ce n’est pas une dépense habituelle et agréable, et deuxièmement parce que ce coût est issu d’un canevas de décisions dont l’incidence intervient à chaque détail d’organisation pour déboucher sur un coût final qui est variable par voie de conséquence. D’où l’incapacité de maîtriser les coûts en matière de funérailles avec des devis-types, puisqu’on le sait, chaque facture est calculée individuellement, selon le canevas choisi par la famille et selon les circonstances dans lesquelles surviennent les décès.
Structurer une offre aux familles par des devis-types ou des forfaits relève d’un parti pris (parti prix aussi ...) qui consiste à équilibrer le résultat d’un certain nombre de facturations insuffisantes par un autre nombre de facturations excédentaires qui compensent les premières, le tout devant dégager un bénéfice global d’exercice dans la durée. Ce type de démarche commerciale offre l’avantage de la simplicité, et la capacité d’être agressif commercialement. D’autant plus que le contact commercial qui débute sur Internet pousse à l’utilisation des devis-types tout comme le législateur pousse de longue date dans ce sens (voir la nouvelle loi datant de février dernier, commentée par Jean-Pierre Sueur dans Résonance).
Une telle démarche, qui rappelle l’utilisation de devis-types dans le vieux système monopolistique aboli en 1993, ne correspond plus aux réalités d’un marché pleinement concurrentiel et dépourvu de repères de consommation comme nous venons de l’expliquer plus haut (défaut de prix psychologique combiné à la nature inévitablement originale des niveaux de facturation d’un décès à l’autre). Or le développement à marche forcée vers l’utilisation des devis-types menace doublement l’équilibre financier des opérateurs funéraires :
- faute de prix psychologique, la surenchère d’offres attractives sur base de prix sacrifiés tourne le dos à la nécessité de dégager à terme un bénéfice d’activité (sauf à viser la désarticulation commerciale d’une concurrence locale, politique agressive où la disposition d’une trésorerie adaptée s’impose). La déflation menace les pompes funèbres qui sont prises dans la tourmente d’une remise en question constante de la justification de leurs tarifs ;
- également faute d’un prix psychologique sur le marché funéraire, les tarifs ont pu s’envoler dans les décennies précédentes, que l’on peut qualifier d’euphoriques.
Ce défaut de repères sages et solides sur le marché funéraire a autorisé jusqu’à ce jour des investissements mal calibrés et des niveaux d’amortissements qui risquent de devenir problématiques à court terme pour de nombreuses entreprises. La capacité de désendettement des entreprises est alors à la merci d’une dépression de la consommation funéraire, tout comme, pour compliquer le tout, la dématérialisation des circuits commerciaux risque de mettre en péril progressivement la profitabilité des agences physiques. Il est alors à craindre la fragilité d’un retour correct sur investissement dans le pari des rachats d’entreprises quand le fonds a été surestimé dans sa valeur, ou quand les investissements physiques risquent d’être trop lourds dans un contexte concurrentiel devenant compliqué.
Mécaniques ancrées sur le marché
Le service public communal imposait un négociation à l’échelle locale, et réservait le recours à des prix politiques sur ce qui relevait des produits et prestations sous contrôle public. Les professionnels de pompes funèbres rentabilisaient leurs activités sur le "libre", dont le niveau de prix rattrapait l’insuffisance de tarification sur ce qui était négocié à l’échelle collective. En libéralisant le marché des pompes funèbres, le législateur n’a pas prévu que les prix de base s’aligneraient sur le niveau de tarification du "libre", créant à la sortie du monopole un appel d’air en matière de rentabilité, qui a déclenché ensuite une avalanche d’appétits d’investissements sanctionnés à court terme par son corollaire : la valorisation des entreprises à leur vente ou revente.
Cette orientation du marché s’est traduite par une inflation générale des prix soutenus par des augmentations coordonnées en concurrence et permettant des effets leviers pour investisseurs. Nous arrivons au bout de cette logique qui a pu dépasser les limites du raisonnable et du possible avec la perspective de corrections pouvant être brutales dans un avenir proche.
Les "contre-pouvoirs" en faveur des consommateurs vont probablement augmenter en intensité et se combiner :
- la négociation à l’échelle collective va revenir en force en remplaçant différemment l’ancienne tutelle communale par d’autres niveaux d’organisation groupée, tels que les plateformes d’assistance et les institutions financières en amont de l’exécution des funérailles ;
- l’importance accrue du droit de la consommation, à l’origine de la sortie du monopole communal, favorise le réflexe consumériste et le recours à des dynamiques commerciales identifiées à l’échelle nationale par des enseignes qui communiquent sous cet angle. En outre, l’information des familles via Internet influence de plus en plus fortement leur choix en faveurs de formules économiques ;
- la progression de la crémation impacte le bouquet de produits et services des professionnels funéraires par sa nature technique et par la motivation d’économie qui anime souvent le choix d’y recourir. D’où le rattrapage habile de plus-value sur le cycle complet des funérailles en gérant le crématorium local ;
- enfin, le communautarisme et la fracturation du marché traditionnel des pompes funèbres avec une archipel de sociétés habilitées et cependant à caractère confessionnel, d’une part brouillent les politiques de prix (situations d’investissements croisés dans certains cas, de ponts budgétaires et de travail bénévole ou dissimulé), et d’autre part retranchent de la concurrence normale une part de plus en plus importante des funérailles. L’incidence du nombre de funérailles pratiquées par des opérateurs à caractère confessionnel n’est plus du tout marginale à l’échelle nationale.
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La solution individuelle en trois fonctions : renseignement, personnalité et management
- Seul compte le périmètre du marché concerné…
En matière de ventes d’articles funéraires, une promenade dans les allées du cimetière local devrait vous renseigner sur la nature des articles devant composer l’essentiel de votre stock en magasin. C’est un exemple de l’intérêt à étudier les particularités du marché auquel vous vous intéressez. Ce marché tient compte des habitudes de la population, mais aussi des caractéristiques de l’offre de vos concurrents directs.
Cette règle vaut notamment en matière de fixation du prix local des funérailles.
Le niveau moyen des facturations aux familles résulte toujours d’un dosage original basé sur le niveau de richesse dans le périmètre concerné et sur les styles habituels de dépenses servant de référence comparatrice dans le secteur. Une population de classe ouvrière peut être plus dépensière en funérailles qu’une classe sociale plus favorisée. Dans un autre cas, attention de ne pas vouloir tondre un œuf. Le renseignement sur le marché en question est capital pour la réussite de l’entreprise. Il l’est tout autant pour celui qui s’installe dans un secteur que pour celui qui y est implanté de longue date.
La masse d’informations à rechercher porte sur tous types de préoccupations, et le prix en fait partie, mais jamais à l’état brut. Un prix seul ne veut rien dire. Il faut le situer dans le contexte et le contenu de l’offre. L’expérience me démontre que les concurrents sur un secteur mesurent trop souvent leurs performances respectives sur le seul critère du prix. Autre erreur courante, le professionnel évalue souvent son niveau de réponse concurrentielle sur son secteur en ne s’appuyant que sur sa façon personnelle de raisonner. Il s’auto-évalue à travers le prisme de son propre système de valeurs et d’objectifs personnels, au détriment de l’avis réel des familles ayant eu affaire à ses services et à défaut de "sentir" l’évolution future de son marché local.
Cette situation souligne le danger que représente l’installation de certitudes internes à l’entreprise qui découle de son histoire au péril d’une capacité constante d’évolution et d’adaptation. Cette situation est d’autant plus illogique que nous sommes entrés dans un système de communication constante par voie de publicités et par la nature d’un métier au contact permanent du grand public comme c’est le cas dans les pompes funèbres.
Les moyens d’en savoir beaucoup sur les clients et les concurrents sont aujourd’hui très nombreux :
- avis sur Internet et sur les réseaux sociaux,
- recours aux sites institutionnels comme Infogreffe,
- visites des sites des concurrents sur Internet,
- entretiens réalisés auprès des clients pour savoir ce qu’ils pensent de vos concurrents,
- pratique de clients mystères portant sur les attitudes, les aptitudes relationnelles, l’éditions de devis, la configuration des locaux, etc.,
- échanges avec l’environnement spécialisé (gardiens de cimetière, personnel des mairies, thanatopracteurs itinérants, fournisseurs, experts, etc.),
- recueils des éléments de communication des concurrents, flyers, presse, avis de décès.
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Tout concurrent devrait faire l’objet d’un dossier documenté et le plus détaillé possible, avec suivi et historique. Le renseignement est une fonction trop souvent négligée et malmenée, parce que le professionnel se laisse accaparer par les contingences du quotidien. De plus, étudier la concurrence directe ou la clientèle potentielle à acquérir relève d’un besoin évident. Mais discerner la concurrence indirecte est une autre paire de manches.
Je veux dire par là surveiller ceux qui s’adressent à votre client potentiel par un chemin différent mais en répondant comme vous au besoin d’organiser des funérailles. Beaucoup d’entreprises n’ont compris que tardivement le danger des interférences locales dans la réalisation des funérailles venant de l’intervention des plateformes d’assistance liées aux contrats obsèques. Là encore, il s’agit d’observer son marché et de mesurer l’impact progressif de pratiques silencieuses, mais bien réelles et conséquentes.
Dès lors, comment un professionnel ayant des lacunes dans l’observation de sa concurrence physique peut s’en sortir lorsqu’il est indispensable de mesurer l’effet d’une concurrence invisible par nature mais conséquente dans ses effets concrets ?
Lutter contre ce type d’évolution commerciale revient à vouloir briser un pot de fer avec un pot de terre. Alors, comment maintenir l’attractivité locale de l’entreprise de pompes funèbres dans un contexte de mutation des circuits commerciaux ?
Une ébauche de réponse consiste à constater les faiblesse du système de gestion à distance des funérailles : l’incapacité à garantir correctement les travaux de cimetière, car ces derniers relèvent d’une connaissance précise des us et coutumes et la mise en œuvre de moyens matériels nécessitant disponibilité et expertise. Le cimetière comme bouclier concurrentiel local, pourquoi pas, mais à condition d’y consacrer les moyens techniques adaptés. Ce qui nécessite des investissements et des charges de personnel obérant toute politique de prix bradés, notez-le bien.
Mais en outre, connaissez-vous un observatoire aussi fiable que le planning des travaux d’inhumation dans un cimetière ou de crémation dans un crématorium ? Se renseigner avec fiabilité sur les dynamiques concurrentielles dans un secteur donné, en matière de pompes funèbres, revient à observer le marché non pas seulement depuis l’endroit où sont survenus les décès (quantification d’un potentiel d’activité), mais aussi et surtout depuis l’endroit où aboutissent les funérailles (quantification des impacts réels d’activité des concurrents sur un marché donné).
Être fidèle à soi-même
Soyez clair avec vous-même, et la plupart des familles comprendront d’autant mieux que c’est à vous qu’elles doivent s’adresser pour bien placer leur confiance.
Vous devez vous positionner en comprenant et affirmant clairement votre différence et votre apport original de compétence et de solutions pour les familles. Le prix de vos prestations et produits n’est qu’une composante de votre proposition. Ce prix doit être en cohérence avec la réalité de ce que vous fournissez. Si ce n’est pas le cas, le terrain concurrentiel corrige toujours la situation en mettant en face de vos lacunes un concurrent qui vient les exploiter.
Il est donc impossible de dresser un portrait-type d’entreprise gagnante sur un marché donné, alors qu’en outre il n’existe pas un marché de pompes funèbres, mais bel et bien un voisinage de marchés locaux qui se distinguent avec des particularités originales d’un secteur à l’autre. |
Une étude marketing m’avait frappé en 1990, celle de la Cofremca pour le compte d’un grand groupe qui isolait des socio-styles, comme les crématistes, les traditionnalistes, les écologistes, etc. J’ai pensé à l’époque que la segmentation de clientèle était l’avenir des pratiques commerciales dans les pompes funèbres. Je me suis en partie trompé, puisque la grande majorité des opérateurs funéraires ont continué à servir tous types de clientèles (sauf ceux qui se sont spécialisés pour servir les familles selon une appartenance religieuse).
Pour autant, je continue à croire qu’une entreprise doit être clairement identifiable auprès des familles avec son histoire, ses valeurs, ses caractéristiques techniques telles que les agences et les chambres funéraires, le tout s’accordant à un niveau de tarification qui doit être ressenti comme légitime. Si c’est le cas, les publicités tapageuses basées sur le prix seront moins fortes qu’une excellente réputation de professionnalisme. Une entreprise est une personne à part entière, autant par et pour ceux qui y travaillent, que dans l’esprit des familles et dans le regard que porte sur elle l’ensemble de la société.
Gérer avec souplesse sa politique tarifaire
La toute première nécessité consiste à n’user de la publicité tarifaire qu’avec parcimonie et justification temporaire. Vous pouvez utiliser l’arme du prix d’appel quand vous êtes confronté à une concurrence très agressive. J’ai suivi cette piste lorsqu’il m’a fallu contrecarrer une collusion préjudiciable entre un établissement de soins et un concurrent indélicat. En plaçant la barre concurrentielle au niveau de propositions au ras du prix de revient, je savais que la concurrence ne pourrait pas tenir l’équivalent et assumer en même temps "d’autres types de dépenses".
Mais de manière générale, retenez que la très grande majorité des familles ne place pas le prix dans ses priorités quand il faut choisir un organisateur de funérailles.
Ce qu’elles recherchent, c’est tout d’abord d’être sérieusement prises en considération dans leurs besoins. Les proches du défunt ont besoin d’être rassurés, aidés, informés, le tout sans hésitations et complications, que ce soit par téléphone, sur Internet ou en agence.
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Nous touchons alors le point capital à propos du prix des funérailles : la qualité du personnel au contact de la famille. C’est ici que vous pourrez essentiellement défendre l’intérêt de votre entreprise. Donc, prendre le taureau par les cornes concernant votre performance commerciale passe tout d’abord par un accord franc et serein avec les conseillers funéraires. Ces derniers doivent être profondément convaincus par les valeurs reconnues par l’entreprise sans être gênés par la conception et l’application du tarif général. Ce que le droit de la consommation nomme "documentation générale" et que les professionnels appellent le tarif de l’entreprise doit être connu sur le bout des doigts par tous les commerciaux. Connu et approuvé, doit-on ajouter.
Le dirigeant d’entreprise ne peut pas être constamment derrière le conseiller funéraire lorsqu’il reçoit une famille. Déduction, soit ce dernier est le premier à convaincre à propos de la politique tarifaire, soit l’entreprise s’expose à subir des conflits, des démissions ou, pire, une résistance passive parmi le personnel commercial. N’oublions pas que le funéraire touche des notions sensibles à propos desquelles le personnel de pompes funèbres ne peut pas faire l’impasse à titre personnel, sauf à renoncer à toute forme de moralité (ce qui peut arriver, hélas).
La mauvaise publicité touchant une entreprise de pompes funèbres ne vient d’ailleurs pas toujours de l’extérieur, voire des concurrents, mais peut provenir d’une mauvaise ambiance interne qui donne des signes plus ou moins évidents "hors les murs". Il n’y a donc pas d’autre solution, pour soutenir une performance commerciale et concurrentielle, que de convaincre tout d’abord son personnel commercial quant aux arbitrages tarifaires figurant dans la documentation générale, car c’est ce même personnel qui doit défendre les intérêts de l’entreprise tout en menant une mission d’information et d’assistance loyale à l’égard d’endeuillés.
Toutes ces remarques nous font toucher du doigt que le rapport du funéraire à l’argent concerne une aptitude commerciale spécifique que l’on peut désigner sous le vocable de "vendeur éthique". Cette notion commerciale n’est malheureusement pas suffisamment développée dans le funéraire. Les principales victimes de cette situation sont les entreprises elles-mêmes. |
L’éthique est une notion suffisamment commune pour que je ne pas m’étendre pas en explications à ce propos, sachant que, dans les pompes funèbres, cette notion concerne essentiellement trois niveaux : le corps, l’argent et le sacré. Le reste n’est que chicaneries superficielles que certaines familles mal embouchées peuvent exploiter pour réclamer, c’est-à-dire, pour bon nombre d’entre elles : obtenir une remise sur facture.
Il nous reste alors à déterminer ce que l’on peut appeler "un bon vendeur" dans le domaine des pompes funèbres. Le critère le plus judicieux ne concerne pas l’acte commercial initial par lequel une famille commande des funérailles à l’entreprise. Il concerne le sérieux avec lequel l’entreprise sera garantie d’encaisser la contrepartie financière de sa mission une fois celle-ci accomplie.
Il est en effet trompeur de considérer bon vendeur un conseiller funéraire qui déforme la demande familiale en l’orientant vers un choix plus onéreux que recherché a priori. L’orientation en la matière est une faute, alors même que la mission du conseiller funéraire est d’informer et non d’influencer. Vaste sujet ! Où commence et où termine l’information ?
La réponse est assez évidente sur ce point : le conseiller funéraire écoute le besoin formulé par les proches, traduit celui-ci en détails d’organisation des funérailles, et informe ses interlocuteurs du prix associé aux choix exercés par ses interlocuteurs. Le conseiller funéraire n’effectue à aucun moment un choix en lieu et place des intéressés. Il doit se contenter d’apporter une proposition concrète correspondant aux nécessités et souhaits familiaux déterminés par la circonstance. En revanche, le caractère vendeur s’applique pleinement et entièrement sur le suivi financier d’un bon de commande, de l’établissement d’une facture au recouvrement de celle-ci. Cette réalité n’est pas toujours mesurée à sa véritable importance. |
En fait, pour être en possibilité d’offrir des tarifs performants aux familles, l’entreprise doit avoir le moins d’argent possible à recouvrer en dettes de clients. Il est déterminant, pour l’entreprise, d’être en mesure de connaître très précisément à combien s’évaluent les sommes restant à recouvrer, et notamment le montant dont on peut penser que l’encaissement est possible ou probable. Ce point est le talon d’Achille de nombreux opérateurs funéraires, et non des moindres.
Pour résumer ce dossier, l’entreprise de pompes funèbres est plus que jamais dans la nécessité d’opter pour des méthodes rigoureuses de gestion associées à un style de management des personnels empreint d’humanité, de respect et de déontologie.
Le pari qui se profile à l’horizon des difficultés qui s’annoncent se traduira par un impérieux besoin de professionnalisme et de modernité. Ceux qui ne sauront pas prendre le train en marche sont promis à de sérieuses difficultés, sauf pour ceux qui vivent dans un secteur suffisamment reculé. Et encore, avec Internet, il n’y a plus vraiment de secteurs protégés…
Olivier Gehin
Professionnel funéraire
Résonance n° 178 - Mars 2022
Résonance n° 178 - Mars 2022
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