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La façon dont les entreprises réfléchissent et agissent varie du tout au tout pour qu’elles soient choisies par les familles quand il est question d’organiser des funérailles. Il n’y a pas de méthode typiquement gagnante, car chacun fait valoir ses propres atouts dans la situation qui est la sienne. Néanmoins, le marché des pompes funèbres n’est pas extensible à volonté. Le décès acquis par l’un est perdu par l’autre. C’est la dure loi du marché funéraire dans son ensemble. Elle mérite qu’on s’attarde à examiner ses modalités d’application.

Première réflexion préalable : "ne pas tomber à côté de la plaque" (funéraire), bien entendu…

Par sa nature spécifique, l’activité de pompes funèbres s’oppose à un succès facile pour des cadres recrutés hors filière. La difficulté pour eux est double. La première repose sur la certitude qu’il est nécessaire d’avoir usé un minimum de chaussures sur convois pour appréhender avec réalisme et profondeur les subtilités du métier. Personne n’y échappe, quelle que soit la fonction exercée dans une entreprise funéraire. Autant dire que le miracle de Mozart enfant surdoué n’existe pas en la matière, car les difficultés les plus diverses rencontrées au quotidien nécessitent l’acquisition d’un long apprentissage.

Et pour ceux qui seraient tentés de croire que le bénéfice des années d’expérience agit comme une garantie, sachez bien qu’il n’en est rien. À titre de témoignage personnel, après quarante années de présence dans la filière funéraire, j’en apprends encore et encore, toujours, et tant mieux, à risque égal de me tromper en comparaison avec n’importe quel autre confrère.

La seconde difficulté tient au fait qu’il est impossible de transposer des théories générales en solutions miracles, tous secteurs géographiques confondus. En effet, la disparition du monopole communal en 1993 n’a pas débouché sur la fin du concept de marché de proximité, bien au contraire. "Small est donc encore beautiful" dans le domaine des pompes funèbres, comme on le constatera plusieurs fois dans ce dossier.

La seule véritable révolution commerciale dans ce domaine tient au fait qu’il est touché, lui aussi mais avec retard, par l’émergence de nouveaux circuits commerciaux. L’offre sur Internet a en effet considérablement changé la donne, car la proximité du magasin de quartier ou de ville s’est petit à petit mutée en proximité d’ordinateur dans l’habitat humain (notion qui s’est amplifiée avec le rôle commercial des téléphones portables). Signe très sensible de cette mutation, la disparition progressive des annuaires téléphoniques imprimés sur papier porte sérieusement à conséquence sur les pratiques de recherche de pompes funèbres par les familles.

Est-ce à dire qu’une telle évolution a profité essentiellement aux marques nationales en éclipsant la performance des PME de pompes funèbres ? C’est loin d’être le cas, comme nous allons le voir plus loin.

En fait, sous le terme commercial et générique de "mix marketing" se cachent des réalités nuancées qui donnent parfois l’avantage à l’exploitation de services industriels, constitués en maillage territorial d’agences travaillant sous conduite centralisée, et parfois, au contraire, permettent à la petite structure de tirer localement un avantage concurrentiel décisif.

En déduire que les atouts de la PME reposent sur une "bonne bouille", disponible en permanence, et que les atouts d’un réseau à l’échelle nationale reposent sur la disposition de forts en thèmes, bardés de diplômes, c’est assurément s’enfoncer le doigt dans l’œil faute de regarder attentivement comment la spécialité, les familles et plus largement notre société approchent la question économique des funérailles.

Deuxième réflexion préalable : adapter à l’activité de pompes funèbres la notion générale de mix marketing

De manière constante et quelle que soit l’activité professionnelle, une entreprise se conduit en répondant à quatre questions :
- que proposer aux clients comme panier de produits et services ?
- quel niveau de prix fixer compte tenu du marché visé ?
- quel mode de distribution exercer et avec quels moyens ?
- comment faire connaître l’offre à la clientèle potentielle ?

Gérer l’avenir d’une entreprise, c’est répondre à ces quatre questions. Dans le contexte précis d’une activité de pompes funèbres, la réponse à ces questions ne peut pas être identique à ce qui serait décidé dans un autre secteur d’activité. Il nous faut donc reprendre individuellement chacune d’entre elles pour tenter une approche le plus réaliste possible au regard des réalités concurrentielles dans la filière des pompes funèbres.

À propos de l’offre

L’entreprise de pompes funèbres est spécialisée dans une offre de synthèse qui regroupe ce que les familles devaient trouver jadis chez plusieurs professionnels ou intervenants (carrossiers, menuisiers, voisins, maçons, infirmiers, etc). Sa facture regroupe des produits et des services, la part de ces derniers évoluant à la hausse, tandis que la part des produits tend à évoluer à la baisse. Nous allons voir comment.

Les études menées ces dernières années par le Credoc pour le compte de la Chambre Nationale Syndicale de l’Art Funéraire (voir le site de la CSNAF sur Internet) mettent en valeur des recherches prioritaires des familles parmi lesquelles figurent la qualité d’accueil et le savoir-faire en cérémonie, complémentairement au conseil et à la prise en charge des démarches et formalités. À tout bien regarder, les familles démontrent que, dans le funéraire comme partout ailleurs concernant les actes de consommation, leur recherche est triple :
- facilité/simplicité,
- sécurité,
- confort.

Entre l’affirmation dégagée des études du Credoc et la déclinaison d’une triple recherche "naturelle" de tout consommateur, il y a une différence d’appréciation des besoins auxquels les entreprises de pompes funèbres doivent répondre. En effet, sur le terrain, on constate que les paramètres qualitatifs recueillis dans les enquêtes du Credoc sont parfois contredits par la réalité concurrentielle locale. C’est la preuve qu’il n’est pas simple de dégager des évidences commerciales dans un secteur donné. Il faut probablement chercher sa voie en conciliant les deux approches des besoins familiaux lors d’un décès :

- Facilité/simplicité
C’est facile lorsque l’agence est juste en face de… C’est facile lorsque tout est déjà prévu sur un contrat obsèques… c’est facile lorsque les pompes funèbres s’occupent de tout, à commencer par transporter le défunt dans un endroit propice à sa conservation et aux visites auprès de lui, voire où tout peut s’organiser sur place, cérémonie comprise. C’est simple quand l’organisation des obsèques est intégralement prise en charge dans des conditions optimisées de contact et de déplacement ;

- Sécurité
La mort est un désordre. Les funérailles obéissent à l’urgence d’une première remise à l’ordre. Confier cette mission à un professionnel de pompes funèbres est une affaire sensible dont l’importance ne se mesure pas en termes de prix, mais de dignité, de sécurité et de fiabilité. Cette recherche de sécurité explique le choix d’intervenants parés d’une garantie (marque nationale connue, actionnariat d’une collectivité territoriale) ou d’une bonne réputation à l’échelle locale (ancienneté, recommandation ou réputation) malgré le fait qu’ils soient plus chers (ou réputés comme tels) que leur concurrence.

Un prix élevé peut même implicitement signifier aux familles que la garantie est supérieure concernant le déroulement des funérailles (même si ce n’est pas réellement le cas). N’oublions pas que ce n’est pas tous les jours qu’une famille est placée devant l’obligation de pourvoir à des obsèques. Donc la vente d’organisation des funérailles repose encore beaucoup sur la notion de réputation à l’échelle locale ou nationale.

- Confort
N’opposons pas par principe la notion du confort psychologique et celle du confort financier. Les familles recherchent simultanément les deux, a fortiori en cette période de crise. Le décès provoque le malaise psychologique des proches du défunt et peut aussi entraîner des conséquences financières importantes à court et/ou à long terme. C’est bien sûr en termes de confort psychologique qu’il faut comprendre les enseignements tirés des études du Credoc, et sur ce point, nul doute qu’ils sont fondés. Les familles ne poussent pas la porte des pompes funèbres pour réaliser une bonne affaire financière (bien que certaines cherchent ensuite à exploiter tout reproche possible pour s’exonérer en tout ou partie du paiement des funérailles, usant autant qu’il leur est possible de l’argument classique du manque de respect au défunt…).

Avant tout, elles viennent régler une obligation concrète de sépulture à donner au défunt, et à travers cette obligation, elles en attendent une prise en charge professionnelle tenant compte de leurs émotions ainsi que l’assurance, in fine, du devoir accompli (les funérailles compensent un éventuel sentiment de culpabilité). Après coup, force est de constater que le déroulement des funérailles se prête admirablement à démarrer le travail psychologique du deuil en fournissant des repères mémoriels très utiles pour normaliser dans la durée l’équilibre affectif et mental des proches du défunt.

Tout ceci fait l’objet de constats communs depuis plusieurs décennies, mais n’assure pas pour autant une dynamique commerciale déterminante pour l’entreprise funéraire. Sur ce point très précis de la performance commerciale, il faut tout d’abord mettre en avant la qualité des locaux dont dispose l’entreprise de pompes funèbres. La chambre funéraire est déterminante pour les familles comme substitut de domicile permettant de visiter le défunt dans un environnement propice tant sur le plan technique que psychologique. Le confort versus pompes funèbres est un "mixe" d’hôtellerie, d’hôpital et d’espace cultuel. D’autant plus que les cérémonies civiles sont de plus en plus demandées, à Paris comme de tradition et en province désormais aussi.

Étant donné que l’équipement en chambres funéraires est devenu quasi incontournable pour les entreprises, c’est la dotation interne en salle de cérémonie, voire en salle de restauration annexe, qui fera de plus en plus la différence concurrentielle (cette mutation est déjà lancée). Ceci étant dit, c’est le rapport qualité/prix qui est prioritairement à prendre en compte dans la politique commerciale des pompes funèbres sur un secteur donné. Ce qui est vrai ici ne l’est pas ailleurs.

Pause dans le raisonnement :
En développant ces trois facteurs généraux de l’offre et de la demande, on s’aperçoit qu’il existe deux niveaux de priorités commerciales :
- la réponse rapide et simple à des besoins aussi concrets qu’évidents,
- l’impact psychologique des funérailles sur le ressenti des proches d’une part, et de l’ensemble de l’assistance aux funérailles d’autre part.

Le premier item entraîne un impact rapide (voire déterminant) sur les parts de marché dans le secteur concerné, mais le second, basé essentiellement sur le degré d’expertise apporté aux prestations, tant en accueil, contacts successifs et cérémonie bien entendu, conforte ou dégrade l’impact commercial de l’entreprise dans son secteur géographique. Ainsi, on peut constater l’existence de belles chambres funéraires boudées par les familles alors que des bâtiments dépassés dans leur style et dans leurs commodités techniques continuent d’être largement utilisés. Le facteur humain s’avère ici essentiel. Mais pas que…

En effet, la notion de sécurité recherchée par les familles désorientées par le deuil est plus importante qu’on ne le croit. S’adresser à une entreprise qui a fait ses preuves, que ce soit au niveau local ou national, revient à choisir la sécurité. Quand l’entreprise a réussi l’association de la sécurité à sa marque, il faut beaucoup de manquements et de temps pour renverser cet avantage (mais une dégringolade peut survenir brusquement).

 
Un dosage subtil

À ce stade de notre réflexion, vous comprendrez pourquoi l’enseignement du marketing utilise le terme "mix". Il s’agit, pour l’entreprise, de déterminer ses moyens d’acquisition de clientèle en les mariant dans une formule originale qui structure extérieurement son identité commerciale. Là est toute la difficulté à surmonter pour le repreneur d’une entreprise. Il lui faut introduire son pied dans la chaussure d’un autre, en quelque sorte.

D’où la difficulté pour les groupes nationaux dans la gestion de leur croissance externe, car leurs reprises d’unités commerciales rejoignent immanquablement un maillage territorial d’agences soumises à une gestion centralisée. Chaque unité reprise se noie alors dans l’ensemble, pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Pour mémoire, l’offre de l’entreprise de pompes funèbres doit répondre à l’ensemble des critères suivants :
- une identité claire et cohérente avec son milieu, qu’il soit citadin ou rural, ou les deux si cette identité se confond avec un terroir (le bureau de ville reçoit la clientèle rurale désireuse de ramener le défunt au plus près de son domicile). L’identité se forge sur celle de la clientèle du secteur visé (recrutement du personnel, choix et style des équipements, connaissance et respect des coutumes locales, relations avec les institutions et la population) ;
- une expérience-client maîtrisée rigoureusement avec traitement et rattrapage optimal des inévitables erreurs, et surtout réponse aux besoins en constante évolution des familles (le facteur d’écoute est essentiel). Rappelez-vous du principe d’étonnement positif du client expliqué dans le premier épisode de cette série d’articles consacrés à l’acquisition de clientèle ;
- une performance en rapport qualité/prix créée en considération des charges d’exploitation. Il faut pour cela ajuster au mieux le niveau de l’offre à celui de la recherche des familles. Le prix psychologique des funérailles n’existe pas. Il peut être sous-évalué à cause des propositions publicitaires trompeuses ou des fanfaronnades associatives ou politiques, tout comme il peut être surévalué au regard d’expériences antérieures de familles qui gonflent (parfois…), pour des raisons éminemment psychologiques, le montant du règlement des funérailles (le professionnel de pompes funèbres devient alors un bouc émissaire).

Le niveau pratiqué des prix dépend essentiellement de l’importance des amortissements d’investissement et du poste des dépenses de personnel. Concernant le personnel, son niveau de salaire n’est pas le seul critère valable, puisqu’en réalité, c’est sa productivité qu’il faut mesurer (CA/salariés). C’est pourquoi l’investissement dans les murs doit être, précisément ici, "mûrement" réfléchi. Tout comme le choix des fournisseurs dont l’offre est retenue en considération du rapport qualité/prix recherché par la clientèle du secteur concerné et de la capacité de marge commerciale réalisable à la vente de produits.

La performance du rapport qualité/prix doit ensuite être parfaitement comprise, admise et appliquée uniformément par l’ensemble du personnel commercial accueillant les familles. Une conception brouillonne ou incomplète, voire biaisée, de la documentation générale mise à disposition des familles ruine la performance du rapport qualité/prix, car le contrat commercial avec la famille peut en souffrir, le conseiller funéraire pouvant placer trop haut ou trop bas l’offre à la famille ;
- une différenciation évidente dans la perception de l’entreprise par les familles. Cette différence doit être motivante dans le secteur commercial pris en considération. Sa nature est à déterminer précisément, et il faut s’y tenir rigoureusement. Un marché difficile ne peut s’ouvrir ou se conserver que par l’affirmation d’une différence qui justifie l’entreprise sur son marché. Idéalement, la différence avec la concurrence doit être durable, difficile à imiter et facilement identifiable par les familles ;
- une maîtrise sans faille de ce qu’on appelle en jargon commercial "le circuit de distribution", c’est-à-dire l’ouverture et la tenue effective des agences, la réponse 24/24 et 7/7 s’il le faut d’une permanence téléphonique et la réactivité aux sollicitations en amont sur site Internet ou appels de plateformes. Bien entendu, la réponse aux réquisitions de police fait partie de cette question.
Mais de manière générale, c’est la capacité de répondre positivement aux demandes familiales dans les délais et conditions recherchés par les proches qui demeure fondamentale. La difficulté réside dans la capacité d’ajustage des moyens techniques aux variations de mortalité. Les facilités obtenues sur ce point sont toujours précaires ;
- une communication adaptée à la psychologie du public visé tout comme à l’action commerciale recherchée. Une campagne pour les contrats obsèques ne s’apparente pas à une publicité de notoriété ou à une annonce de promotion spécifique. Il est alors nécessaire d’estimer la performance du gabarit d’annonce tout comme son mode attractif en tenant compte de la qualité du support. Par sa nature de marché de proximité, la communication funéraire doit varier selon sa zone d’audience. Il faut également qu’elle ne passe pas inaperçue dans le flot désormais important des publicités émanant du secteur funéraire, sans pour autant tomber dans le style décalé ou, pire, dans le message larmoyant du style "venez chez nous, on pleurera avec vous". Méfiez-vous du grotesque ou du message tarte à la crème, et ne tombez pas dans l’hypocrisie de la larme du croquemort, brocardée dès le XIXe siècle dans les ouvrages d’Eugène Sue. Le public ne doit pas être sous-estimé dans sa capacité de discernement.

Faites attention que votre budget pub n’abonde pas le volume d’activité de vos concurrents, mais gardez-vous pour autant des erreurs de communication dignes d’un débutant. La règle d’or de la communication, c’est de parler au client potentiel de ce qui l’intéresse, et non de vanter votre image telle que vous aimeriez qu’elle soit perçue publiquement. Une bonne communication est toujours généreuse, ce qui est radicalement le contraire de l’égocentrisme narcissique.

Je m’arrête là pour ce mois-ci, car, dans le numéro prochain, j’aborderai avec vous des tas de notions, comme celle du prix dans le funéraire, par exemple.
 
Olivier Géhin
Professionnel funéraire

Résonance n°177 - Février 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations