Une chose est sûre, l'analyse de la mortalité n'a jamais été aussi complexe que depuis le début de la pandémie de la Covid-19 en février 2020. Si cette nouvelle maladie a, on s'en souvient, provoqué de nombreux décès, l'omniprésence du virus a en quelque sorte "effacé" les épidémies saisonnières à l'instar de la grippe.
De même, si le confinement a été une barrière efficace contre les contaminations et donc les décès provoqués par la Covid-19, il a eu également pour effet de réduire la mortalité routière. Mais à l'inverse, l'engorgement des hôpitaux a eu pour effet de retarder le dépistage et la prise en charge de maladies chroniques ou de cancers, réduisant ainsi les chances de survie de ces patients. Ou encore, l'isolement provoqué par les confinements, couvre-feu et autre télétravail ont eu, on le craint, un effet négatif sur les suicides.
Des statistiques incertaines sur les causes de décès
Beaucoup d'opérateurs funéraires l'ont vécu, en l'absence de tests, dans les premiers mois de la pandémie, de nombreuses mises en bière immédiates ont été prescrites par les médecins, en particulier dans les maisons de retraite et les domiciles, sur de simples suspicions de contamination de la Covid-19. Parfois même, des mises en bière immédiates ont pu être prescrites dans certains secteurs géographiques par simple précaution, même en l'absence de symptômes identifiés.
Ainsi, les seules données de mortalité fiables semblent devoir être celles remontées par les hôpitaux dans lesquels les moyens techniques ont pu être mis en œuvre pour déterminer avec certitude les décès causés par la maladie. Dans ces conditions, évaluer la surmortalité attribuable à la pandémie au plus près de la réalité ne pourra s'opérer que par des calculs statistiques.
Que disent les chiffres ?
En 2020, l’INSEE rapporte que "668 800 décès sont survenus toutes causes confondues, soit 55 500 de plus qu’en 2019 (+ 9,1 %)". Si une hausse constante des décès est observée chaque année depuis 2010 en raison du vieillissement de la population, l'INSEE indique que la surmortalité attendue aurait dû se situer dans une fourchette de 6 000 à 14 000 décès supplémentaires en 2020 par rapport à 2019, dont environ 1 800 décès supplémentaires dus au fait que l'année 2020 était bissextile. La surmortalité pondérée en 2020 est donc évaluée par l'INSEE à environ 47 000.
La répartition dans le temps de cette surmortalité coïncide avec les deux premières vagues épidémiques survenues en mars-avril 2020 (27 000 décès supplémentaires) et septembre-octobre. Signalons également, au titre de l'année 2020, un pic de décès important entre le 12 et le 15 août (environ 1 800 décès par jour) en raison d'un épisode caniculaire supérieur à celui enregistré le 26 juillet 2019.
La répartition géographique de la surmortalité est en revanche très inégale. En effet, si l'on observe une augmentation des décès supérieure à 20 % dans la plupart des départements franciliens de l’est, du nord et du sud de Paris, du Haut-Rhin, des deux Savoie et de Mayotte, on observe à l'opposé une diminution de la mortalité dans certains départements tels que la Gironde, les Côtes d'Armor, la Corrèze et la Guyane. Enfin, et sans surprise, la tranche d'âge la plus impactée a été celle des plus de 70 ans, toutes vagues confondues.
En 2021, malgré le caractère encore provisoire des données statistiques, l'INSEE enregistre, au premier semestre 2021, une hausse des décès de l'ordre de 7,3 %. La surmortalité semble cependant en recul depuis l'été, puisque, entre le 1er juin et le 20 septembre 2021, la mortalité n'aurait augmenté que de 3 % par rapport à la même période de 2019. En revanche, l'INSEE relève que la surmortalité est plus prononcée sur la tranche d'âge des 65-74 ans (+ 8,9 %) que sur la tranche d'âge des 75-84 ans (+ 6 %) et un net recul de la surmortalité des 85 ans et plus (+ 1,6 %).
Faut-il s'attendre à une baisse mécanique des décès en 2022 ?
Bien qu'il soit encore trop tôt pour l'affirmer en raison de l'incertitude de l'évolution de la crise sanitaire, une telle baisse avait été constatée en 2004 après l'épisode caniculaire et l'épidémie de grippe saisonnière de 2003. En effet, l'année 2003 s'était caractérisée par une surmortalité de 17 226 décès par rapport à l'année précédente, qui avait entraîné une baisse importante des décès en 2004 (- 42 997 par rapport à 2003).
Si, à l'instar de 2003, la surmortalité de 2020-2021 devait se caractériser par un nombre important de décès anticipés qui seraient survenus au cours des années suivantes, une diminution mécanique des décès pourrait se faire ressentir au cours des prochaines années. Et si cette diminution devait être importante, le vieillissement de la population (génération baby-boom) ne la compensera pas à lui seul.
Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris
Nota :
Statistiques détaillées 2020 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/5347349)
Infographie :
Nombre de décès par jour depuis 2019
Nombre de décès par jour en 2003 et en 2020 rapporté à la moyenne des quatre années précédentes
Évolution des décès entre 2019 et 2020
Évolution des décès cumulés du 1er juin au 8 novembre 2021 rapportés aux décès cumulés du 1er juin au 8 novembre 2019 par département
Résonance numéro spécial n° 13 - Décembre 2021
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