Entrée en matière sur une série d’articles qui constituent ensemble un dossier complet visant à maîtriser le mix marketing dans l’activité de pompes funèbres.
Je démarre ce mois-ci une série de dossiers qui concerneront les disciplines commerciales dans le funéraire et le management des points d’activité dans les pompes funèbres de manière plus générale. Tout le monde est concerné, car, grands ou petits sur leur marché, les intervenants de pompes funèbres commettent tous des erreurs liées le plus souvent aux caractéristiques de leur fonctionnement au jour le jour.
La teneur de ces dossiers successifs proposera donc une réflexion qui se veut utile pour tous les publics professionnels composant la filière funéraire, que ce soit pour ceux qui arrivent dans le métier en n’y connaissant rien au départ, ou pour ceux qui le pratiquent depuis tant d’années qu’ils en arrivent à penser avoir acquis une bonne fois pour toutes l’ensemble des connaissances et aptitudes requises.
Préalables en guise d’échauffement
À tous les petits malins qui ne sont pas du métier et qui risquent de s’amuser en lisant ce dossier, je leur dis : "Non, nous ne sommes pas de sinistres et cyniques personnages ! Nous ne spéculons pas sur des perspectives de la mortalité. Quand je parle d’acquisition de clientèle, je pense surtout à conserver celle-ci et, pourquoi pas, à la fidéliser en créant en outre une reconnaissance collective de l’entreprise de pompes funèbres par sa qualité rendue évidente aux yeux de tous". Qui est en mesure de critiquer un opérateur funéraire soucieux d’obtenir la satisfaction des familles faisant appel à ses services ? C’est en ces termes que se posent essentiellement les concepts développés dans ce dossier ;
La qualité est une notion très large dans le domaine funéraire. Le plus dur, pour les dirigeants de structures, est de réussir à synchroniser toutes les conditions les plus diverses qui concourent à la satisfaction des familles et de la société en général, alors même que le rôle attendu des pompes funèbres est un sujet complexe. Quand il est question de la mort et des funérailles, la société et les individus perdent en chemin leur rationalité de pensée. Les sentiments les plus variés s’expriment parfois de manière spontanée, sans contrôle et sans objectivité. Exercer en pompes funèbres nécessite d’accepter ce contexte ;
Contexte et complexité forment un couple indissociable dans les pompes funèbres. Contexte, parce que non seulement un manquement dans les funérailles est difficilement rattrapable, mais en outre, les conséquences d’un problème sont toujours disproportionnées avec la cause. Rien que l’expression récurrente d’un "manque de respect du défunt", utilisée souvent abusivement, en dit long sur le levier de pression que peuvent utiliser les familles mécontentes pour obtenir du professionnel des dédommagements. À cela s’ajoute la complexité, celle des familles dans leur originalité, celle du marché local qui impose au professionnel l’obligation de plaire tous azimuts (hôpital, paroisse, mairie, commissariat, cimetière, associations, etc.), et enfin celle des salariés travaillant dans l’entreprise.
Lorsque cette complexité s’exerce à l’échelle d’une PME sur son marché local, c’est gérable. Lorsque cette complexité s’applique à un réseau intégré et travaillant sur un large territoire, la taille de l’entreprise compense par divers mécanismes l’incapacité de traiter les inévitables problèmes à la même échelle qu’une petite entreprise. La complexité atteint en revanche son paroxysme lorsqu’il s’agit d’harmoniser en réseau des structures évoluant toujours en indépendance. Quand un groupe aborde la complexité à grande échelle, il segmente sa réponse en la découpant "en fines tranches", chaque service étant dédié à la résolution du problème dépendant de sa compétence. Dans un réseau fédérant sans uniformiser, les problèmes s’additionnent sans que les solutions, hélas le plus souvent, puissent se mutualiser ;
Enfin, quatrième préalable qui découle du précédent, le "métier" se définit au niveau du terrain, mais pas à celui de la gouvernance des entreprises. Si un porteur d’un groupe, d’un franchisé ou d’une entreprise indépendante, tous ensemble, peuvent considérer exercer le même métier, il n’en est pas de même concernant les dirigeants. Le patron d’une PME et celui d’un réseau qui peuvent se rencontrer dans les allées d’un salon, en réalité, ils exercent des spécialités professionnelles différentes tout en partageant un contexte commun, celui des funérailles.
C’est pourquoi, comme vous allez le voir dans les épisodes successifs de ce dossier consacré à l’acquisition de clientèle, les mêmes moyens, l’acquisition en matière de corbillard, par exemple, peuvent s’aborder de façons différentes selon la taille, la personnalité et les besoins de l’entreprise effectuant l’achat. En fait, vous allez toucher du doigt une réalité profonde : l’acquisition de clientèle ressemble à une partie de cartes où chacun compte ses atouts, ses cartes maîtresses ou secondaires. C’est pourquoi vous ne devez jamais rater le rendez-vous où les cartes sont redistribuées ou abattues sur la table. Je pense aux salons professionnels, par exemple, tout comme aux revues professionnelles. L’acquisition de clientèle nécessite d’avoir le plus d’atouts possible dans son jeu. Les bons résultats sont à ce prix.
Nota : Ce dossier va s’aborder avec l’approche de grandes questions comme cette première partie, consacrée au bon sens professionnel. Il se poursuivra ultérieurement avec des fiches thématiques plus centrées sur un apprentissage destiné aux personnels de terrain, notamment les conseillers funéraires et les chefs d’agence. À vous d’en faire votre miel.
Premier grand principe, à graver en lettres dorées au-dessus de votre bureau de direction : un client ne se fidélise qu’en réussissant à l’étonner. Il faut "grumer" le client.
Une comparaison entre la dégustation du vin et le rapport commercial avec les familles peut nous permettre de découvrir comment l’assimilation d’un principe peut radicalement réorienter positivement la capacité d’acquisition de clientèle par l’entreprise de pompes funèbres.
La révélation m’est apparue devant un verre de vin… D’origine alsacienne, j’ai débuté mes voyages vineux dans une adolescence toute sensible aux arômes faciles et opulents.
Et un jour, en 1982, tout juste conseiller funéraire embauché aux confins de la Bourgogne, j’eus droit à l’initiation sur la "côte", entre Beaune et Dijon. Et là, je vis le vigneron faire une sorte de bruit accompagnant une moue des lèvres que je qualifierais volontiers de "cul de poule". Le peu de vin mis en bouche par ce vigneron aux allures de gallinacé semblait rouler bruyamment dans le palais. L’explication me fut ensuite donnée : pour développer les sensations complexes du vin sans ses phases successives, il faut l’aérer en bouche et le rouler sur des zones ciblées pour leur "intelligence" particulière.
Et de ce jour, ayant appris moi-même à grumer, un monde nouveau du vin s’est ouvert à moi dans lequel j’opère des découvertes illimitées depuis quarante ans.
C’est fabuleux, et le monde du funéraire se découvre à l’identique : il faut grumer le client et grumer le métier. Je ne vous dis pas cela pour vous revoir dans les allées du prochain salon funéraire avec la bouche en cul de poule…
1° Qu’est-ce que cela veut dire, "grumer le client" ?
Il faut être très attentif à lui, comprendre les non-dits, partout, en agence, en chambre funéraire et tout au long des funérailles. Grumer le client, c’est tendre tous nos sens et toute notre activité mentale pour élargir, aérer la compréhension que l’on peut avoir de lui. Et pas seulement sur un plan strictement cartésien. Place à la sensibilité intuitive. Ceux qui "sentent" instinctivement la famille réussissent dans le métier où d’autres échouent en ne travaillant que comme commis d’administration ou comme opportunistes malsains.
2° Qu’est-ce que veut dire "grumer devant le client" ?
Revenons au vigneron-gallinacé. Son grumage bruité exerce une magie sur le visiteur qui attend l’impression du spécialiste, la présentation des caractéristiques d’un cru, les conseils sur sa consommation, etc. À la suite du petit bruit, c’est parti pour une commande d’un carton de douze, alors que vous êtes entré dans la cave avec la ferme intention de vous limiter à l’achat de trois bouteilles. Grumer devant le client, c’est donc être capable de l’entraîner votre client sur votre terrain de compréhension des choses.
De plus en plus souvent, il pousse la porte de votre magasin en se disant : "C’est bon, je résisterai au croquemort et sa facture sera limitée par ma volonté, mon savoir, etc.". Cet état d’esprit est de plus en plus fréquent, notamment depuis l’usage d’Internet qui fait croire à tout un chacun qu’il est plus intelligent que les autres, mieux informé, etc. Face à cet état d’esprit basé sur le rapport de force entre le professionnel et son client potentiel venant à lui sous l’angle d’une méfiance systématique, grumer devant le client, c’est lui faire découvrir toute l’importance humaine d’un événement comme la mort d’un proche.
Ce n’est pas facile, mais si le client ressort de votre magasin en continuant à penser les funérailles tout d’abord comme une facture à payer, c’est que vous avez raté votre entretien avec lui. Le courant n’est pas passé, vous ne vous êtes pas compris dans un face-à-face qui est resté financier et administratif. Non pas parce que vous avez oublié quelque chose dans la trame de préparation du dossier, mais parce que vous n’avez rien donné d’authentiquement vous, et que le client, en conséquence, n’a pas pu exprimer auprès de vous son essentiel.
Il y a toujours quelque chose de fondamental en soi quand on s’engage en tant que particulier dans la qualité de celui qui pourvoit aux funérailles. Pour que cette chose fondamentale puisse s’exprimer hors de la réserve de nos interlocuteurs, nous devons entrer nous-même dans un rôle.
Nota : Le professionnel qui réussit dans les pompes funèbres est celui qui a pu endosser sur ses épaules le rôle que les familles attendent de lui.
3° Le client doit pouvoir grumer
Votre client doit pouvoir grumer, vos prestations, votre sensibilité, votre professionnalisme, votre performance : vous devez l’étonner, en bien ou en mal.
Mieux vaut cela que le fait de ne pas l’étonner.
Nota : Un client qui reçoit de l’entreprise ce à quoi il s’attend n’est en aucun cas fidélisé. À l’avenir, ce client non étonné, satisfait dans sa demande mais sans plus, reste accessible plus tard à tout processus de séduction commerciale venant de votre concurrent.
Il y a ici un message fondamental pour l’avenir de chaque entreprise de pompes funèbres. Ayant vécu la fin du monopole et l’installation d’une concurrence débridée dans les pompes funèbres, il m’est arrivé d’être étonné de constater le déclin d’entreprises sérieuses au profit d’aigrefins arrivés depuis peu dans le métier.
Pourquoi ces entreprises méritantes déclinaient, et pourquoi d’autres réussissaient à se faire une place parfois mal méritée ? Parce que les premières n’étonnaient plus le public, contrairement aux secondes.
Il est possible d’étonner dans les deux sens :
- Positivement, avec l’achat d’une limousine, la construction d’une chambre funéraire, le ré-habillage de l’équipe de cérémonie, le service petit plus, etc., sans compter la gentillesse, le bon sens, la disponibilité, la réactivité, etc.
- Négativement, le choix des catastrophes est large et sans limites…
Vous me direz qu’il ne faut pas étonner négativement. Je vous répondrai "oui et non !" Si vous laissez le client dans son mécontentement, c’est certain, vous l’avez perdu. Mais si, à l’occasion de sa réclamation, vous l’étonnez par votre réponse réactive et positive, alors là, vous inversez l’étonnement. Vous transformez l’étonnement négatif en étonnement positif.
Et voilà comment le vigneron-gallinacé a des chances de vous vendre une nouvelle fois un carton de douze, et comment la famille, à l’identique, d’une contrariété première, est passée au stade de client fidélisé.
Voilà pour le premier épisode de ce dossier. J’en ai assez écrit sur le sujet dans ce numéro pour vous laisser méditer sur ce concept simple mais efficace. Creusez, cherchez, comment, en misant sur ce que vous avez défini comme le contenu logique et loyal de votre mission professionnelle, vous avez peut-être laissé de côté les moyens de garder votre clientèle, voire d’en gagner une part supplémentaire.
Le prochain épisode, en octobre, déclinera ce principe en vous montrant d’une part la stratégie que vous pouvez suivre en exploitant votre visite au salon FUNÉRAIRE PARIS qui se déroulera en novembre, et d’autre part comment ce profit se décline de manière différente en fonction de la taille et de la configuration de votre entreprise.
Olivier Gehin
Professionnel funéraire
Résonance n° 173 - Septembre 2021
Résonance n° 173 - Septembre 2021
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