Il y aura l’avant et l’après-Covid-19 dans la manière de gérer une entreprise de pompes funèbres, quelle que soit son importance… groupe ou PME. À partir de consignes de base, la filière a pris petit à petit la juste mesure du risque et des précautions à prendre, non sans subir encore aujourd’hui des situations difficilement gérables. En fait, c’est quoi la bonne gestion d’une unité de pompes funèbres dans un contexte épidémique ?
Arrêt sur images
"La famille arrive à la chambre funéraire pour assister à la fermeture du cercueil. Or les services de la sécurité sociale viennent de lui apprendre, dans les minutes qui précèdent, que plusieurs de ses membres sont porteurs de la Covid-19, option variant anglais. Elle choisit d’en avertir le personnel funéraire sur place et celui-ci est pris de court car le défunt n’a pas été déclaré porteur d’un risque particulier.
Représente-t-il dans ce contexte un danger préoccupant susceptible d’interférer dans ce qui était initialement prévu concernant les funérailles ? Faut-il interdire aux proches (révélés infectés ou cas contact) d’assister aux obsèques ? Comment gérer la cérémonie à l’église dans cette circonstance (vis-à-vis de l’assistance et de l’officiant) ? Comment manipuler le cercueil pendant tout le convoi ? Toutes ces questions se posent dans l’esprit des professionnels confrontés à la situation.
L’hésitation et la panique dominent. À quel échelon d’autorité doivent s’exercer les choix à prendre ? etc.".
Voici un exemple de situation embarrassante reflétant les difficultés rencontrées parfois par les professionnels funéraires depuis maintenant un an. Nous traversons un épisode particulier de la vie sociale qui bouleverse non seulement nos méthodes quotidiennes de travail mais aussi nos rapports aux familles. Le moindre détail qui cloche devient tout à coup inadmissible pour des endeuillés qui sont en attente de conclusion des funérailles sur une durée qui peut représenter plusieurs semaines.
Cette remarque vaut, bien entendu, pour les secteurs connaissant des pics de mortalité liés… à l’épidémie mais pas seulement. Nous observons également l’accélération du phénomène d’augmentation annuelle des décès due au vieillissement de la population (ce qui était prévu de longue date et qui se manifeste désormais progressivement). Épidémie ou pas ? Surmortalité ou pas ? Les deux combinés assurément, dans une confusion qui modifie pour tout le monde le contexte et les méthodes de travail, toutes causes de décès confondues.
Il est temps, grand temps, d’en tirer de premiers enseignements, non seulement parce que cette épidémie en précède probablement d’autres mais aussi parce que le niveau de connaissances, de précautions à prendre ainsi qu’une rigueur accrue de gestion s’imposent en toute logique de circonstances.
En finir avec le portrait du coronavirus
Plus les mois passent et plus tout un chacun est tenté de baisser la garde dans le comportement personnel. Nous nous sommes tous habitués à porter un masque chirurgical et le contact physique, poignée de main, baiser, sort progressivement des habitudes. Nous avons acquis des réflexes de base en matière d’hygiène et malgré cela, on ne peut pas dire que la connaissance des caractéristiques du coronavirus soit partagée par le plus grand nombre.
Et pourtant c’est par là que tout aurait dû commencer. Quand on dit que c’est un virus "enveloppé", notion importante en biologie, cela veut dire que sa membrane extérieure est suffisamment solide pour résister pendant environ trente minutes à l’action d’un désinfectant (contrairement aux virus qui ne sont pas enveloppés qui sont mis K.-O. en deux minutes).
Voilà une notion de base qui doit faire réfléchir à propos de nos protocoles de désinfection. Passer une lingette désinfectante et penser que la surface est devenue inoffensive deux minutes après le nettoyage, c’est se tromper lourdement.
Autre notion, le coronavirus mesure moins de cinq microns (entre deux et trois). Il est donc porté librement par le souffle et stagne assez longtemps dans l’air d’une pièce avant de se déposer sur une surface. Il est donc utile de savoir cela pour comprendre qu’un simple masque chirurgical ne peut pas protéger son porteur d’une inhalation du coronavirus. Seul un masque FFP2 apporte une protection à ce propos (70 % de filtration pour le FFP2, plus de 90 % pour le FFP3, pour quelqu’un qui ne porte pas de barbe).
Nota bene : en rapport à l’exemple qui précède, le danger de fréquentation d’une famille dont certains membres sont infectés ou cas contact devient gérable raisonnablement si l’équipe funéraire remplace immédiatement son masque chirurgical par un masque FFP2, avec respect très strict des sécurités de distance et de contact. La situation épidémique actuelle nécessite qu’en permanence une équipe sur convoi puisse monter d’un cran son niveau habituel de protection. |
Une fois que ces deux notions définissant le coronavirus sont intégrées dans le raisonnement technique, une hiérarchie des priorités s’impose d’elle-même, outre le respect des gestes barrières :
• favoriser la déconcentration des germes dans l’atmosphère respirée (ventilation des locaux, filtration spécialisée des pièces recevant du public) ;
• privilégier la décontamination à la désinfection (savonnage régulier des mains, nettoyages savonneux des surfaces) car si la désinfection sur virus enveloppés mobilise une durée minimale pour le résultat recherché, la décontamination s’accompagne d’effets plus rapides (détachement mécanique du virus sur la surface où il s’était déposé). C’est pourquoi rien ne peut remplacer l’application d’une lingette imprégnée.
Concernant le risque transmissible émanant d’un défunt atteint de la Covid-19 au moment de son décès, l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) du 30 novembre dernier apporte d’intéressantes informations aux professionnels funéraires. Le traitement qui lui a été réservé ensuite par le ministère de l’Intérieur en débouchant sur le décret du 21 janvier dernier est tout aussi instructif.
Les médecins se sont prononcés scientifiquement le 30 novembre dernier sur l’état sanitaire d’un défunt concerné par l’épidémie tandis que le ministère de l’Intérieur s’est efforcé de relayer l’information scientifique dans son contexte quotidien sur le terrain. C’est pour cela qu’a été réaffirmé le principe d’une mise en bière effectuée avant toute forme de transport.
Il ressort de cette combinaison, l’avis des médecins et la décision du ministère, un "bon poids bonne mesure" qui doit inspirer l’action des professionnels :
• oui la Covid-19 est une maladie grave, pouvant être mortelle et douloureuse, qui nécessite une véritable stratégie sanitaire dans l’exercice de tous nos actes quotidiens ;
• non la Covid-19 n’est pas une agression biologique comparable aux agents pathogènes les plus graves comme la variole, Ebola, la peste etc.
Il est d’ailleurs probable que sur les 90 000 victimes recensées de la Covid-19, la très grande majorité est composée de personnes âgées, ceci n’empêchant pas cela. Sans l’action des pouvoirs publics à l’échelle mondiale, la Covid-19 serait probablement aussi mortelle que le fut la grippe espagnole.
L’enseignement majeur qui peut être tiré de cette année marquée par l’épidémie repose sur la nécessité de doser, en parfaite conscience et responsabilité, le plus juste et le plus efficace niveau de précautions à mettre en œuvre dans le quotidien de nos activités, sans l’exagérer ni le sous-estimer. Ce juste niveau n’est pas déterminé par une décision ou un détail particulier comme le port du masque, par exemple. Il l’est en fait par la prise en compte des multiples aspects de la politique sanitaire de l’entreprise, l’effet des uns se combinant à celui des autres. La maîtrise sanitaire découle ainsi d’une chaine cohérente de points particuliers qu’il convient d’administrer dans son ensemble. Ce sont ces divers points qu’il faut tenter de décrire ici.
La maîtrise d’un environnement devenu dangereux
Aucun environnement n’est strictement inoffensif, hormis la chambre stérile qui reste telle quelle au prix d’un effort technique continu. Le concept de chambre blanche est celui que les établissements de soins essayent d’atteindre et de maintenir dans leurs salles d’opérations chirurgicales. L’enjeu n’est pas le même dans un laboratoire post-mortem si aucune autopsie ne s’y pratique.
Ce qui distingue une période normale de celle actuelle, dominée par l’épidémie, c’est un déplacement et une modification du risque. Le risque contagieux est en cette période véhiculé par les vivants (familles, collègues funéraires) et très moindrement par les défunts quand on s’abstient de pratiquer sur eux des techniques invasives (attention, il n’y a pas que la pratique des soins de conservation en cause, un simple "point bouche" présente un risque).
Or ce n’est pas parce que le contexte épidémique modifie la problématique sanitaire que disparaît le schéma classique d’exposition aux agents pathogènes, tout défunt pouvant être porteur de microbes variés plus ou moins dangereux. Nous sommes donc en présence d’une combinaison, disons plutôt d’une superposition de deux types de propagation où l’un expose plus dans les locaux ouverts au public et l’autre dans ceux où se pratiquent des techniques appliquées aux cadavres.
Nota bene : En obligeant la pratique de la mise en bière dans l’établissement où est intervenu le décès, le décret du 21 janvier 2021 a permis d’éviter la mise en place d’une double chaîne de traitement des défunts dans les chambres funéraires, les corps des uns ne pouvant pas voisiner directement avec les autres dans un espace réfrigéré par ventilation partagée. |
En revanche, le mode de propagation du coronavirus rejoint celui des autres microbes. Indépendamment de sa capacité plus ou moins grande à coloniser le système vivant humain, l’agilité infectieuse du microbe varie en fonction de sa taille et de sa masse, et des conditions dans lesquelles se présentent pour lui des opportunités environnementales (le coronavirus a prouvé qu’il aime le froid et l’humidité, ce qui ne nous arrange pas dans la palette des moyens sanitaires classiquement utilisés dans le funéraire).
En ce qui concerne la logique de nos aménagements et équipements techniques, l’accent a toujours été porté sur le maintien constant du laboratoire post-mortem sous le seuil de toxicité (notion essentielle car ce seuil détermine à quel niveau la charge microbienne est capable de vaincre vos défenses naturelles). Les hygiénistes en milieux de soins précisent communément que ce sont les équipements médicaux qui représentent la source la plus importante d’infections. Transposée aux activités funéraires, cette logique se retrouve dans les règles déterminées par arrêté du ministre de la Santé quant aux aménagements techniques des chambres funéraires.
Pour autant, en déplaçant l’essentiel du risque infectieux dans les locaux où existent les contacts interpersonnels entre les familles et les professionnels funéraires, l’épidémie actuelle a subitement porté les efforts sanitaires sur des surfaces qui n’étaient pas habituellement prises en compte : matériels liés aux cérémonies, mobilier, installations sanitaires, murs et planchers, téléphones, ordinateurs. Non seulement il a fallu s’habituer à considérer toute zone de contact manuel comme potentiellement porteuse du virus mais en outre il a fallu (ou il aurait fallu) déterminer quel produit utiliser à quelle dilution, à quelle fréquence et savoir au bout de combien de temps considérer que la surface est neutralisée.
Tâche ô combien difficile car le temps de survie à l’air libre du virus fait encore débat tandis qu’il faut distinguer également la matière dont est composée la surface support.
Dispositions pratiques
L’importance de décontaminer l’environnement dans l’entreprise, au sens le plus large possible, est apparue dans toute son évidence pendant cette épidémie. Il n’y a plus de zone particulière à risque mais un risque étendu à toutes les zones. Si le lavage des mains est essentiel pour diminuer l’impact du transfert de coronavirus par contact, il apparaît que le nettoyage et la désinfection des surfaces touchées par le personnel contribuent pour beaucoup à la maîtrise de l’épidémie parmi les effectifs de l’entreprise.
C’est pourquoi la désignation des travaux quotidiens est importante mais aussi et surtout la répartition de leur exécution. Une équipe interne d’hygiène et de salubrité doit jouer un rôle important dans la réduction du risque, même si des réflexes de bonne conduite doivent être intégrés par l’ensemble du personnel.
Cette équipe devra respecter des principes de base :
• suivre les protocoles d’intervention sans les modifier en fonction des circonstances ;
• augmenter la fréquence des interventions en tenant compte de l’importance épidémique dans la région et sur le moment, en gardant aussi à l’esprit l’état actualisé des stocks en produits d’hygiène ;
• réduire l’encombrement des locaux ;
• élaborer et mettre à jour des fiches d’intervention permettant la transmission des consignes à autrui mobilisé sur le poste ;
• maintenir les activités de grand ménage appliquées à intervalles réguliers ;
• communiquer avec le personnel en élaborant des panneaux d’information.
L’équipe devra connaître et respecter quelques règles de bon sens :
• toute souillure doit être enlevée avant de procéder à un nettoyage ;
• le nettoyage (décontamination savonneuse) doit précéder l’application d’un désinfectant ou à défaut (c’est moins efficace), utiliser un produit mixte décontaminant et désinfectant) ;
• commencer par le moins sale pour terminer par le plus sale ;
• plier rationnellement les lingettes de tissu imprégnées pour mieux les utiliser en contact efficace et les changer dès que le tissu est souillé ;
• le bac de solution germicide ne doit pas être souillé par une lingette qui a été essorée après emploi. Il faut une quantité suffisante de lingettes et au moins autant que de pièces à traiter. Une lingette par salon, par exemple. Cette préconisation peut vous sembler excessive mais combien coûte une lingette à l’unité ? Une équipe chargée d’opérer quotidiennement la désinfection des locaux doit posséder un stock important de lingettes propres en opérant une rotation d’emploi de celles-ci. Le chariot est organisé pour soutenir le bac de produit qui doit rester constamment vierge de toute souillure et qui doit être dilué pour la journée seulement. Le chariot reste dans le couloir et après l’utilisation de la lingette affectée uniquement à la pièce traitée, celle-ci est placée dans le récipient des lingettes usagées à nettoyer.
• se fournir en petit matériel tissé destiné au nettoyage des salles de bains ;
• pour intervenir dans une pièce de la chambre funéraire "réservée à la Covid-19", n’y entrer que le matériel strictement nécessaire ;
• limiter autant que possible l’emploi d’aérosols pour éviter les inhalations quotidiennes.
Considérations d’équipement :
Les équipements de nettoyage doivent être faciles à désinfecter et notamment, ne pas être poreux (éliminer les vieux plastiques). Donnez la priorité aux matériels qui ne sont pas trop lourds en étant remplis et qui sont équipés d’un bon bec verseur. Concernant le choix entre un tissu et l’utilisation de feuilles en papier absorbant, si l’utilisation de matériel à usage unique est une option, prenez en compte son coût et surtout la quantité de déchets générés avec statut DASRI. La préférence doit être donnée aux lingettes en microfibres utilisables sèches (poussières et matières organiques) ou imprégnées.
À propos des produits
Vérifiez que vos produits sont efficaces sur le danger identifié. Le coronavirus "enveloppé" déteste l’ammonium quaternaire. Le produit que vous utilisez doit être adapté à la surface à traiter (les aciers s’oxydent au contact du chlore actif alors qu’un désinfectant appliqué ne doit pas être ensuite rincé…). Consultez bien la fiche technique du produit. Ne pas effectuer de mélanges toxiques, vérifier si la qualité de l’eau courante interfère sur l’action du produit, connaître son champ d’action (détergente ou désinfectante ou les deux), respecter strictement les dosages, le temps de contact, le délai entre la préparation du mélange et son utilisation.
N’oubliez pas que les membres de votre équipe de nettoyage doivent tous connaître parfaitement les caractéristiques et conditions des produits qu’ils emploient (notamment pour le respect de leur santé) et de les former au besoin pour une utilisation en toute sécurité (attention notamment aux éclaboussures d’hypochlorite de sodium concentré). Non seulement l’équipe d’intervention doit être correctement protégée dans l’exécution de sa mission (EPI), mais en outre il peut être nécessaire d’élaborer des fiches de signalisation temporaire concernant des pièces en cours de traitement (s’abstenir d’y pénétrer pendant …).
Cette précaution s’impose notamment dans la désinfection poussée d’un salon ou du laboratoire après le constat et la finalisation d’une étape technique à risque particulier. Enfin, privilégiez autant que possible l’utilisation de produits sans danger pour l’environnement. Il existe des produits désinfectants naturels et puissants, élaborés à base d’huiles essentielles.
Considérations sur les EPI
Les fournisseurs proposent tous une panoplie complète et satisfaisante mais une attention particulière doit être apportée sur les gants et les masques.
• Concernant les gants à usage unique, sachez que le latex protège des microbes mais peut être sensible à des produits chimiques en usage sanitaire. Le gant nytril est plus fiable, notamment au contact de produits chlorés et de plus il est hypoallergène s’il n’est pas poudré. Atout supplémentaire, le nytril offre une meilleure sensibilité de préhension tout en remontant bien au poignet (détail important surtout pour l’équipe de nettoyage qui doit se protéger du contact avec de l’eau). Pensez bien sûr votre stock en intégrant les différences de taille nécessaires pour l’ensemble du personnel.
• Les gants réutilisables peuvent être employés mais se réservent en général à l’exécution de tâches bien identifiées et non pour des interventions au cours de funérailles. Leur emploi est néanmoins strictement conditionné à l’identité de chaque utilisateur, lequel les identifie à son nom au marqueur indélébile. Après utilisation, ils sont nettoyés et désinfectés extérieurement et intérieurement puis mis à sécher en étant retournés à l’envers (pour lutter contre la sudation des mains et la prolifération bactérienne qu’elle favorise).
• Quel que soit le type de gants utilisés, le personnel se nettoie les mains immédiatement après leur emploi.
• Les masques sont de qualités différentes selon l’efficacité recherchée. Les masques de type chirurgical ne se destinent qu’à protéger l’environnement des particules salivaires sortant de la bouche. Pour limiter l’entrée de microbes lors de l’inhalation, il est nécessaires de disposer de masques normés NF dont le chiffre indique la performance (1,2 ou 3, par ordre d’efficacité croissante).
Mais attention, ces masques n’offrent aucune protection contre les gaz et les émanations gazeuses (par exemple le chlore de l’eau de javel). S’il est difficilement prévisible de doter une équipe de nettoyage de masques équipés de filtres, cette précaution s’impose dans toutes les situations impliquant un risque aéroporté (certaines réquisitions, exhumations et dans les mises en bière mettant en contact avec un microbe dangereux et volatil). Dans les cas extrêmes, il est judicieux d’utiliser des appareils de protection respiratoire comme ceux à disposition d’équipes militaires NRBC ou des SDIS et tout autre service de sécurité civile.
Mesures particulières concernant les pièces accueillant les familles
Il est de bonne pratique d’établir des notes internes à l’entreprise pour préciser au personnel les règles sanitaires qui s’imposent en temps ordinaire et encore plus pendant une épidémie. Partant du principe que le personnel est bien formé et informé, doté des moyens nécessaires pour faire face à la situation actuelle, il n’en faut pas moins veiller à la mise en place de directives s’adressant tant aux familles qu’au personnel. Passons sur les directives aux familles. Vous les connaissez et vous les avez mises en place, notamment par voie d’affiches. Attardons-nous plutôt sur la gestion interne.
Au-delà des consignes de base, prenez des mesures supplémentaires :
• adresser une directive détaillée à chaque salarié en lui décrivant toutes les techniques de protection qu’il doit strictement respecter. Comme certains d’entre eux peuvent être négligents, il peut être utile de recourir à la rédaction d’un avenant au contrat de travail cosigné par les deux parties ;
• sélectionner les produits adaptés au risque sanitaire du moment et à la nature des matériels à désinfecter régulièrement (alcool à 70° pour les matériels sensibles, par exemple) ;
• imposer une désinfection quotidienne des bureaux en fin de journée ;
• déterminer avec le personnel qui a la responsabilité de surveiller les regroupements de personnes dans les locaux et préciser par avance la conduite à tenir en cas de problème ;
• localiser précisément la réserve d’outils et produits destinés au maintien sanitaire des bureaux en établissant des règles d’approvisionnement et de stockage ;
• prévoir le matériel adapté pour stocker et sortir ce qui est souillé, emballages adaptés etc. porter une attention aux poubelles qui doivent être munies d’un couvercle (mouchoirs usagés…).
Revenons maintenant à la notion de risque aéroporté. Pendant la première vague, les pouvoirs publics ont mobilisé l’ensemble de la société contre un risque "gouttelettes". En fait, ce niveau de sensibilisation, d’information et de précaution correspondait au niveau de mise en œuvre accessible par l’ensemble de la population. Les scientifiques savaient en février 2020 que la taille et la masse du coronavirus lui permettaient une stagnation dans l’air (expertise menée par les laboratoires russes).
Prenant en compte ces connaissances, il aurait fallu que tous les soignants soient dotés de masques au moins de norme FFP2 alors même qu’ils manquaient de masques chirurgicaux. La France a manqué du minimum dans l’urgence et ce n’est qu’en automne dernier que l’on a commencé à préciser que les masques en tissu n’étaient pas suffisants. Et pour cause, le maillage du tissu est trop gros pour emprisonner le coronavirus qui passe à travers. Il est donc enfin admis qu’il y a risque aéroporté et pas seulement risque gouttelettes.
Le but, en précisant cela, n’est pas d’accuser qui que ce soit mais de poser la problématique :
Que faire désormais ? Notamment dans les bureaux recevant les familles et non dotés d’une atmosphère filtrée et renouvelée selon un rythme volumétrique à l’heure ? N’oubliez pas tout d’abord que dans les pièces dotées d’une ventilation forcée, il faut impérativement changer souvent les filtres. Si vous ne le faites pas, vous aggravez le danger sanitaire. Face au coronavirus comme face à la plupart des virus, il faut une filtration HEPA doublée au préalable d’une filtration plus grossière pour retenir les matières en suspension.
Donc, dans nos bureaux classiques, qui ont vocation à recevoir des proches du défunt atteints eux-mêmes de la Covid-19 sans le savoir au moment où ils viennent s’adresser à nos services, que faire pour se protéger du risque aérien ? Depuis le début de l’épidémie, les pouvoirs publics recommandent d’aérer le plus possible les pièces. Problème par temps froid… Alors la seule solution réellement efficace pour corriger des imprudences parmi le personnel ou les familles consiste à doter les bureaux d’une ventilation/filtration par appareil mobile et autonome, à défaut de disposer d’une installation similaire à celle obligatoire dans le laboratoire post-mortem.
Nota bene : le système additionnel, autonome et mobile de ventilation/filtration agit aussi et surtout sur l’état final de la pièce avant de procéder à sa désinfection périodique. La filtration d’atmosphère capture les virus dans l’air et ces derniers ne se déposent donc pas sur les surfaces qui sont nettoyées chaque soirée. Il découle de cette situation une désinfection terminale plus facile, plus rapide et plus sécurisée. |
Si vous ne disposez pas d’un système de filtration d’atmosphère, outre la ventilation naturelle, misez sur la réduction maximale de l’encombrement de la pièce. Si celle-ci ne possède qu’un bureau et des chaises, elle sera d’autant plus simple à désinfecter. Si le conseiller funéraire amasse sur son bureau des classeurs, des dossiers, des objets personnels, ce sont autant d’obstacles à la réalisation d’une désinfection périodique en fin de journée.
Technique de la lingette intelligente
Technique de la lingette intelligente
La lingette imprégnée, la lingette "magique" car elle rassure autant qu’elle protège, est un accessoire devenu salutaire. Encore faut-il s’en servir à bon escient.
Là aussi, passons sur ce que vous connaissez déjà : passage de la lingette sur le cercueil et les poignées après la mise en bière, nettoyage des cabines de véhicules etc.
En fait, il est nécessaire de réfléchir à une stratégie de la lingette qui intègre tout d’abord les données scientifiques concernant le microbe redouté, le coronavirus depuis un an. Les différents rapports scientifiques établissent une résistance variable selon le matériau support qui passe de quelques heures à quelques jours.
Peu importe finalement cette durée dès lors qu’il est possible de penser qu’un contact probable ou hautement probable intervient avec le microbe avant sa neutralisation.
La stratégie de la lingette tient donc compte d’une graduation du risque : contact courant ou peu courant. Il est par exemple plus sensible de désinfecter une poignée de porte du bureau qu’une porte du placard à disposition du conseiller.
Il faut réaliser in situ et avec le personnel concerné un inventaire des gestes à risques et en déduire les priorités de récurrence sanitaire. Les comportements d’hygiène des familles reçues tout comme la disposition ou non de matériel adapté, comme la vitre en plexiglass sur le bureau, conditionnent agence par agence, bureau par bureau, les mesures à prendre et à quel rythme pendant la journée.
Des principes là aussi se dégagent de l’expérience :
• rendre le plus étanches possible les rapports entre le personnel de bureau et les équipes techniques pour limiter une dynamique particulière de propagation virale, dans un sens comme dans l’autre ;
• détacher une force de travail sanitaire indépendante le plus possible des missions traditionnelles de l’entreprise. Par exemple, dans les centres funéraires, il est possible de détacher une personne qui ne part pas en convoi et qui assure les missions les plus diverses de nettoyage pendant l’absence des équipes. Cette faculté, bienvenue face aux impératifs sanitaires, est beaucoup plus difficile à mettre en place dans les petites structures, PME, petites agences en effectifs ajustés. C’est une question qu’il faut résoudre dans toute entreprise car par exemple, la contamination d’une poignée de chasse d’eau nécessite une récurrence de désinfection suffisante, exemple pour illustrer la difficulté pratique d’une stratégie sanitaire en période épidémique ;
• distinguer le risque porté par les familles du risque porté par les membres du personnel. La discipline et la cohérence interne à l’entreprise déterminent le niveau réel de protection du salarié, indépendamment des consignes telles qu’elles existent. L’évaluation des risques doit donc porter sur l’aspect le moins maîtrisable : l’attitude individuelle des particuliers qui font appel aux services de l’entreprise.
De ces principes découlent des nécessités qui se mesurent à des degrés distincts :
• l’intervention sur défunt déclaré porteur d’un danger sanitaire. Il faut que le personnel soit formé, équipé et dirigé in situ pour intervenir selon des protocoles sécurisés. C’est la base sur laquelle la responsabilité du chef d’entreprise peut être recherchée en cas de lacune préjudiciable à la sécurité ;
• l’intervention au départ de chaque famille ou client après sa réception en bureau. La pièce doit être sécurisée sur le plan sanitaire avant qu’une nouvelle personne y pénètre. Il est nécessaire que le conseiller funéraire connaisse les consignes et les applique et surtout, qu’on lui donne le temps de les appliquer entre la réception de deux familles. Il faut donc réguler la réception du public dans les bureaux ;
• l’intervention sanitaire après chaque étape technique par le personnel d’exécution. Les protocoles doivent être respectés (véhicules, matériels, espaces de travail) tout en sécurisant aussi les pratiques de relâche pendant les pauses et les repas pour une continuité de sécurité entre les salariés ;
• la remise en condition conforme des locaux et des matériels en fin de journée ou après tout épisode à risque particulier.
Les plans d’action sanitaire dans chaque agence doivent prendre en compte et répondre à ces quatre niveaux d’organisation. Seule leur parfaite coordination assure la sécurité de fonctionnement de l’entreprise.
À titre de conclusion faut-il ajouter ici quelques ultimes recommandations si possibles originales par rapport à ce qu’il est convenu couramment de rappeler :
• aucune agence n’est identique à une autre dans ses modalités de sécurisation sanitaire. On ne peut pas échapper à l’exercice d’une évaluation particulière à chaque endroit et dans chaque entreprise ;
• il ne faut pas hésiter à changer ses habitudes de travail en revoyant notamment les conditions de réception du public, lequel peut être limité à ne fréquenter que des pièces sécurisées (mobilier minimal, régulation des réceptions) ;
• l’épidémie fait apparaître la nécessité de désigner dans chaque point d’exploitation un "monsieur Propre" en responsabilité sanitaire quotidienne. Il faut consulter cette personne régulièrement à propos des produits achetés, des matériels à disposition, des difficultés à résoudre ;
• l’entreprise doit se doter d’une documentation à jour sur la crise sanitaire et s’ouvrir à la nouveauté technique pour rechercher constamment la meilleure solution sans se bercer dans les habitudes ;
• à l’inverse, l’entreprise doit être prudente dans sa manière d’acheter les consommables en se référant à la qualité et à l’efficacité recherchées sans tomber dans la recherche du gadget ou du produit miraculeux présenté par un fournisseur empressé.
La filière funéraire a confondu dans un premier temps le contexte d’une exposition dangereuse au coronavirus par contact avec les défunts et avec les familles. L’expérience de cette année particulière nous démontre que c’est plutôt le contact avec les vivants, les familles, qui représente un danger en rapport au coronavirus.
Dans ce sens, les pompes funèbres ne courent pas plus de risques que les autres professions au contact du public, à la différence près qu’il est impossible d’assurer des funérailles par télétravail… Un tel constat n’enlève rien au mérite des professionnels funéraires qui ont prouvé à l’ensemble de la nation qu’on peut compter sur eux.
"Mettre les moyens" La mise en œuvre de la politique sanitaire dans l’entreprise a un coût qui ne doit pas forcément être calculé a minima. Il n’est pas possible d’obtenir la sécurité recherchée en prenant des raccourcis de moyens. Les microbes ne font pas de cadeau ! Autrement dit la politique sanitaire est réussie ou ratée, il n’y a pas de demi-mesure dans ce domaine. Les efforts à consentir sont spontanément pensés en consommation extraordinaire de produits sanitaires et EPI. Mais ici l’arbre cache la forêt. Le coût d’une politique sanitaire repose aussi sur une mobilisation supplémentaire et conséquente de main-d’œuvre. L’importance de la mobilisation humaine sur cet objectif est bien souvent sous-estimée, voire rognée au fur et à mesure des mois qui passent pendant l’épidémie. Il faut pourtant changer les habitudes de travail pour y introduire du temps consacré à des servitudes supplémentaires de travail. Le coût de l’ensemble des mesures à prendre est conséquent mais dans un tel contexte, n’est-il pas normal d’en répercuter au moins une partie dans la facturation des funérailles ? La discussion ne porte généralement pas sur le bien-fondé de cette facturation mais sur l’explication qui en est donnée au client. Faut-il que le surcoût sanitaire apparaisse sur un poste de facturation spécifique ou doit-il être intégré de manière indolore dans des postes de facturation déjà en place ? Un choix est à faire. S’il est nécessaire d’investir dans des unités mobiles de ventilation filtrée pour les pièces accessibles au public, n’est-ce pas une dépense en charge de fonctionnement au même titre que l’éclairage, le chauffage ? La réflexion se mène tout autrement lorsqu’on examine les moyens d’absorber le coût des consommables. Bien entendu, chacun procède à ses arbitrages commerciaux dans la conception de sa documentation générale. Mais de tout cela il ne faut retenir que deux principes ; ne pas se limiter à outrance dans la mobilisation de moyens adaptés et trouver le bon équilibre entre dépense consentie et facturation compensatrice... |
Olivier Géhin
Résonance n° 168 - Mars 2021
Résonance n° 168 - Mars 2021
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