La rédaction de l’article p. 38 m’a fait réfléchir sur la difficulté actuellement laissée aux familles d’organiser elles-mêmes les funérailles pour le compte d’un de leurs parents.
Pour autant, je me souviens parfaitement de mon dialogue avec Bernard Bouleau en 1984, dans ses débuts comme directeur du réseau OGF. À l’époque, je lui avais fait part de mon souci à l’égard de la dignité des funérailles pour les plus démunis, lui faisant remarquer qu’en la matière, elle est due pour tout un chacun, au risque, à défaut, de ruiner à terme l’industrie funéraire. Je vous cite une époque où l’existence du monopole communal en la matière pouvait servir de système régulateur.
Aujourd’hui, dans un contexte de liberté sur le marché funéraire, nous avons assisté à une inflation du prix des funérailles, pendant que le revenu moyen des ménages a reculé en réalité. En 2006 déjà, j’avais calculé qu’en l’espace de vingt ans, le coût des funérailles avait été multiplié par 2,5 en équivalent salaire pour l’ouvrier français.
Le revenu moyen des ménages français a été artificiellement soutenu par la dette du pays, et risque de se buter désormais sur la limite d’élasticité d’endettement de l’État en conséquence de l’épidémie actuelle. Inutile de sortir de Saint-Cyr pour comprendre qu’une partie de notre population va économiquement décrocher dans un avenir proche.
Sans système régulateur, qui répondra aux besoins funéraires des plus démunis ?
Comment nombre de familles vont enterrer demain leurs proches ? Le secours des contrats obsèques ? Hélas, ce sont les plus riches qui forment la majorité des souscripteurs d’assurances. Est-ce que la solution funéraire à disposition des classes pauvres passera par la montée en puissance des organisations funéraires religieuses ? Ou des coopératives funéraires ?
Je n’y crois pas, car ce sont de fausses solutions, si originales soient-elles, car elles opèrent dans le cadre classique de l’entreprise sans réaliser de prouesses dans le domaine de la gestion financière.
Je pense plutôt que de nouvelles formes de prestations de service vont apparaître, qui auront pour principe de désolidariser des spécialités réunies pour l’heure par le métier de pompes funèbres. Les familles auront à disposition comme un jeu de Lego du funéraire et choisiront en toute liberté ce qu’elles assureront elles-mêmes et ce qu’elles achèteront en toute indépendance. Des spécialités exercées en activité libérale apparaîtront, visibles déjà aujourd’hui dans les grandes villes avec la maîtrise de cérémonies et, plus tard, avec la prestation d’organisation générale des obsèques sans autre vente concernant le bouquet classique des produits et services de funérailles.
Je dirais même plus, il sera possible d’organiser en réseau national ces micro-entrepreneurs du funéraire avec pourquoi pas une enseigne les rattachant pour des actions communes (la communication, par exemple). Bien sûr, cette évolution ne s’accélérera que si elle est accompagnée. Par exemple, jusqu’à quand notre amont de filière, les fournisseurs, s’abstiendra du commerce en direct avec les particuliers ?
Pour l’heure, les distributeurs de pompes funèbres sont dopés par le soutien d’activité dû à la soudaine surmortalité. Mais que se passera-t-il lorsque ce phénomène cessera ? Et quand les ventes moyennes par convoi chuteront dans une proportion importante ?
Les grandes structures sont les premières menacées par ces questions, car le business plan de leurs actionnaires actuels s’est basé sur des paramètres pouvant eux aussi être victimes de la Covid-19. Ce sont ces leaders qui ont le plus besoin actuel de réflexion sur leur avenir…
Olivier Gehin
Résonance n° 166 - Janvier 2021
Résonance n° 166 - Janvier 2021
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :