Cette période épidémique a bouleversé le calendrier des élections et soit vous avez été élu au tout début de la première vague, soit entre les deux au début de cet été. Expérimenté ou pas dans la fonction, vous l’exercez aujourd’hui dans des circonstances exceptionnelles.
Ce n’est pas de celles-ci dont nous vous parlerons dans cet article mais d’une manière générale nous allons voir ensemble comment s’exercent vos fonctions dans le funéraire et ce, à titre de découverte ou de rappel, selon le cas. Ne cherchez pas un rappel exhaustif des règles mais une approche de l’esprit dans lequel doit s’exercer la mission d’un maire dans le funéraire.
Dans les villes, c’est un adjoint qui prend en charge directement ces questions et, sur le plan administratif, c’est votre service d’état civil et des cimetières qui est en contact direct avec l’usager (votre secrétaire de mairie dans les petites communes). En ce qui concerne vos pouvoirs de police administrative, vous déléguez vos missions de surveillance soit à la police nationale si vous êtes en zone de compétence idoine, soit à la police municipale et, dans le périmètre du cimetière, votre gardien prolonge votre main, vos yeux et vos oreilles.
Vous n’êtes pas seul sur le dossier car le conseil municipal est chargé de prérogatives de décision tandis que le pouvoir de police est strictement de votre compétence (vous prenez des arrêtés et vous dressez des constats, des procès- verbaux).
Vos devoirs et missions
Le maire cumule dans ses fonctions deux responsabilités combinées : pénale et civile. Au pénal, le maire peut être poursuivi s’il n’a pas utilisé ses pouvoirs de police de manière suffisamment efficace pour assurer la sécurité dans le cimetière (surveillance et devoir de prévention). À ce titre, il peut être poursuivi pour homicide ou blessure involontaire.
La responsabilité civile du maire peut être engagée quand il prend des décisions illégales, notamment dans le fonctionnement du cimetière. Il est personnellement condamné lorsque la partie plaignante prouve une faute personnelle de sa part (notion d’intention). Sinon, sa décision par voie d’arrêté est tout simplement annulée ou rectifiée (article du règlement de cimetière notamment).
Le maire assume six obligations relatives aux décès :
- Il doit la décence au défunt et aux funérailles en finançant celles-ci au besoin ;
- Il veille à l’exécution des funérailles dans le délai imparti par la loi (entre 24 heures et 6 jours au plus) et dispose à ce titre d’une capacité d’intervention en urgence (mise en bière accélérée, évacuation d’un mort sur la voie publique) ;
- Il assure la neutralité républicaine des funérailles en intervenant sans distinction de culte ni de croyance dans son périmètre de compétence (état civil, circulation sur la voie publique, cimetière ou crématorium) ;
- Il assure le maintien de l’ordre du lieu de décès jusqu’à celui de l’inhumation ;
- Il garantit la discrétion des informations se rapportant aux circonstances du décès (puisqu’il est destinataire des éléments nécessaires à la déclaration de décès et ensuite aux opérations funéraires) ;
- Il informe les familles de leurs droits et devoirs en la circonstance ;
D’une manière générale, le maire exécute les décisions du conseil municipal (sous le contrôle de celui-ci) et prolonge territorialement les pouvoirs de l’État en matière judiciaire (sous contrôle du procureur) et administrative (sous contrôle du préfet).
Vos pouvoirs
Ils sont très étendus et variés :
- Vous êtes chargé de valider et enregistrer les décès sur le territoire de votre commune (mission d’état civil) ;
- Vous détenez un pouvoir de police générale qui s’exerce pour garantir le bon ordre, la sécurité et la salubrité publiques sur l’étendue de votre commune et des pouvoirs de police spécifique en matière de funérailles (contrôle des modes de transport des personnes décédées, surveillance et gestion du cimetière qui est un service public à caractère administratif).
Compte tenu de la multiplication des opérateurs pouvant intervenir dans les cimetières à plusieurs titres (inhumations, exhumations ou équipement des sépultures), le maire peut élaborer un règlement intérieur conforme aux dispositions légales et réglementaires mais aussi adapté aux nécessités particulières du service public communal du cimetière tel qu’il est défini par le conseil municipal en matière générale et par le maire sur le plan pratique. Ce dernier peut alors dresser un procès-verbal de contravention au règlement du cimetière afin de déférer le contrevenant devant le préfet (sanction administrative des intervenants habilités) ou devant la justice (sanction des personnes).
On constate ainsi que le maire dispose d’un pouvoir réglementaire de proximité qui précise ou complète territorialement les règles établies à l’échelle nationale (sans pouvoir les contredire sur le fond, sous peine de nullité constatée par le juge administratif).
Le règlement de cimetière peut
- Concerner l’accès au cimetière et la circulation dans son enceinte en prévoyant des horaires d’ouverture au public, en limitant l’accès aux seuls piétons concernant les simples usagers ou en conditionnant l’accès des véhicules utiles à la construction des monuments (sans distinguer arbitrairement les véhicules des professionnels et ceux des particuliers préalablement autorisés par vos soins qui assureraient eux-mêmes l’équipement de leur sépulture)
- Viser le bon ordre et la tranquillité dans l’enceinte du cimetière en interdisant ponctuellement ou constamment certains rassemblements
- Rappeler que la nature des inscriptions sur les sépultures est soumise à l’autorisation préalable du maire. Ce pouvoir, issu de la loi, ne vous permet pas de l’exercer en exigeant d’un graveur d’indiquer au préalable le jour et l’heure où il interviendra sur la tombe car cette intervention n’est pas similaire à des travaux ouvrant la sépulture et ne peut être englobée dans les actes sous surveillance de police. Abuser du pouvoir de contrôle des gravures en les confondant à des actes sous surveillance physique revient à exercer une contrainte restrictive et injustifiée sur le professionnel dans son travail.
- Juguler les pratiques des usagers (pour garantir l’hygiène, la salubrité publique et la sécurité) en interdisant certaines plantations, en encadrant techniquement la construction de caveaux (en dessous ou au-dessus du sol, isolement des cercueils en intérieur, dimensions maximales des ouvrages au regard du respect des espaces inter-tombes) et en obligeant de manière générale le bon entretien des tombes dans le respect, en outre, des usages collectifs
Le pouvoir de police du maire à l’intérieur du cimetière s’applique pour moduler ou interdire les comportements individuels. Il peut sanctionner les états d’ébriété, tout acte estimé contraire au respect des morts et même interdire de fumer dans l’enceinte du cimetière, d’y pénétrer accompagné d’un animal, etc. Ces diverses dispositions sont opposables aux particuliers et déterminées en opportunité selon les circonstances locales. En cas d’abus de pouvoir du maire, le juge administratif peut casser ou limiter une disposition du règlement de cimetière.
La question particulière de gestion des sépultures
Vous devez veiller à ce que la commune dispose en permanence d’une réserve de terrain disponible pour inhumer l’équivalent des besoins sur une période de cinq ans. Vous aurez alors la charge d’attribuer des places ou de les reprendre selon les dispositions légales et réglementaires figurant au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Vous devez l’inhumation gratuite en terrain dit "commun" à toute personne qui y a droit quand elle est décédée sur le territoire de la commune ou quand elle y résidait à titre principal.
De manière générale, quand le décès survient, le défunt a droit à la sépulture sur votre commune quand l’événement est intervenu sur son territoire ou quand le défunt y habitait ou encore quand il détenait un droit d’usage dans une sépulture déjà existante. Notez que vous avez marginalement le pouvoir discrétionnaire d’attribuer (ou non) une place dans le cimetière communal à la simple demande d’un particulier qui en fait la demande de son vivant en l’argumentant. Le refus doit s’appuyer sur une incapacité technique (manque de places dans une gestion prudente du terrain disponible).
Le conseil municipal ayant créé un régime local d’attribution de sépultures, votre contrôle s’exerce sur la capacité d’accès du défunt dans la tombe concédée. Soit il est désigné nominativement pour la jouissance de celle-ci, soit il appartient à la famille (au sens héréditaire) détenant le droit d’usage selon les disponibilités de place au moment du décès et les dispositions éventuellement prévues dans le contrat de concession. Vous délivrez alors, préalablement à l’inhumation et en connaissance de cause, au vu du contrat de concession, les autorisations pour ouvrir la sépulture aux fins d’inhumer.
Votre pouvoir de gestion administrative du cimetière se prolonge par un pouvoir de police des cimetières qui concerne la surveillance des travaux nécessaires à la réalisation des inhumations. Outre le contrôle de l’identification précise de la sépulture par l’intervenant et le respect des dépouilles mortelles, consacré par le Code civil et la sanction des violations de sépulture, vous devez veiller à la mise en place de règles d’intervention garantissant la sécurité des personnes (identification et protection du chantier, absence de troubles sur les sépultures voisines, étayage des creusements dans le sol, dispositions à l’égard des clôtures existantes etc.). Ces contrôles sont exercés par vous-même, votre adjoint délégué ou plus généralement par le gardien de cimetière.
Vous pouvez également contrôler l’habilitation de l’intervenant qui procède à l’ouverture d’une concession pour inhumer ou exhumer sachant d’une part que de simples travaux d’équipement (marbrerie et maçonnerie) ne nécessitent aucune habilitation particulière s’ils sont déconnectés de funérailles et d’autre part que les particuliers peuvent intervenir en toutes circonstances sur leur propre tombe familiale sans être habilités à cet effet mais dans le respect des règles et sous votre autorité de contrôle néanmoins (règles définies en 1995 à propos du régime des habilitations funéraires).
Aller plus loin ?
Des connaissances sont effectivement nécessaires pour dominer les actes les plus divers liés aux funérailles et/ou aux interventions dans le cimetière communal. Prenez en main le CGCT, considérez son poids, son nombre de pages et mesurez la place représentée par les mesures concernant le funéraire, il est évident que cet article n’a pas pour but d’en proposer une revue exhaustive. De nombreux articles existent à ce propos, tant sur papier que sur la toile et les conseils convergent tout en étant nombreux. Résonance, de son côté, répond aux communes qui l’interrogent sur un point juridique particulier. Il n’y a donc pas de besoin insatisfait de ce côté.
En revanche, sur le plan de l’esprit dans lequel le maire doit exercer sa mission concernant le funéraire, il n’y a hélas que trop peu de documentation pertinente. Témoin la rareté des campagnes d’élections locales argumentant sur un projet spécifiquement funéraire. Néanmoins, en exerçant vos fonctions de magistrat de la commune, vous vous rendrez très vite compte de l’impact de ce dossier sur le vécu concret et sensible de vos administrés.
Le funéraire est doté d’une portée psychologique et symbolique qui contribue plus ou moins consciemment à la notion globale du bonheur à vivre en collectivité. Et paradoxalement, dans la répartition des délégations de compétences au sein d’une équipe municipale, l’attribution du domaine funéraire est trop souvent loin d’apparaître dans les préoccupations prioritaires et fondamentales.
Permettez-moi de souligner à ce stade de la réflexion un point susceptible de retenir votre attention :
- Quel est l’endroit dont la fréquentation représente une fois et demie le nombre d’habitants de votre commune ? Réponse : le cimetière (cf étude réalisée, entre autres, par la Ville de Strasbourg). Quel est l’endroit où ceux qui ont quitté votre commune peuvent retrouver une continuité d’attache territoriale ? L’endroit où s’inscrit une sensibilité historique et particulière de la population locale ? Où se traduisent de manière concrète et évidente le respect et l’attachement de l’administration communale aux familles composant sa population ? Où se manifeste également un respect des personnes âgées ?
- Tout problème conflictuel concernant une sépulture ou l’exercice du culte du souvenir soulève des réactions individuelles pouvant évoluer jusqu’à l’extrême de l’imaginable. Cela tient au fait que le décès fige dans l’éternité l’irréductible dignité d’un individu aux yeux de ses proches. Atteindre à la dignité d’un défunt, c’est exercer un crime aux yeux de ceux qui lui survivent en restant attachés à son souvenir.
Vous comprenez alors qu’en tenant dans vos mains les rênes des pratiques funéraires dans votre commune, tant pour les funérailles que dans la continuité du culte du souvenir, votre pouvoir de décision et d’intervention pénètre la conscience sensible des groupes humains, des familles ou des communautés les plus diverses. Soyez-en conscient tout en gardant à l’esprit que vos décisions, dans le domaine funéraire, ont une portée essentiellement décalée dans le temps. Elles porteront à conséquence dans le vécu futur de vos administrés.
Cette remarque vaut pour ce que vous déciderez en matière de souvenir crématiste, par exemple, mais aussi au regard des demandes d’espaces confessionnels. Sur ce point précis, vous ne devrez pas considérer prioritairement votre intérêt politique immédiat mais prendre essentiellement en perspective ce que vos décisions préparent pour l’avenir de vos administrés, dans le souci d’une cohésion parfaite et paisible entre citoyens.
Enfin, permettez-moi de vous solliciter dans la mise en œuvre d’un indispensable bon sens qui peut parfois s’avérer utile dans l’exercice de vos fonctions. Face à l’inflation parfois exagérée des règles et du zèle administratif pouvant amplifier abusivement leur portée, il me semble important de souligner que vous êtes en première position de responsabilité juridique et politique face aux familles endeuillées.
Deux exemples courants :
- les services communaux qui conditionnent l’autorisation de crémation à la signature d’une demande signée par tous les ayants cause du défunt alors que le CGCT n’évoque que la signature de la personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles ;
- les règlements de cimetière qui veulent imposer des critères esthétiques ou de taille de monuments alors que la loi du 19 décembre 2008 n’a fait que confirmer la maîtrise de largeurs des monuments pour laisser libres les espaces inter-tombes. Il faut donc ici ne pas oublier que l’administration communale doit être au service des usagers et non l’inverse, quelles que soient les situations, même sous diverses pressions.
Gardons à l’esprit deux points essentiels :
- Un intervenant professionnel funéraire intervient toujours muni d’un mandat pour agir au nom et au bénéfice de son commanditaire qui est personnellement usager du service public à caractère administratif et parfois commercial et industriel. Contrarier abusivement la mission d’un intervenant professionnel revient à nuire finalement aux intérêts des administrés ;
- Une entreprise locale est également vectrice d’opinion électorale. Pour un artisan contrarié, combien d’administrés ensuite mécontents ? La question peut être posée.
Ces deux remarques ne doivent pas être reçues comme des moyens de pression politique mais comme des composantes de raisonnement dans les arbitrages ponctuels et sensibles que vous devrez éventuellement prendre dans l’exercice de votre mandat. J’en veux pour illustration des questions récurrentes dans la vie communale :
- L’enthousiasme excessif de fonctionnaires nouvellement affectés au domaine funéraire et parfois formés à leurs fonctions avec des notions juridiques qui ne sont pas toujours exactes ou contrôlées comme telles avant d’être dispensées par leurs formateurs. D’où une période de rodage délicate dans l’exercice de leurs nouvelles fonctions (pour vos administrés et les entreprises intervenant en leur nom…).
Une écoute directe de vos administrés peut alors jouer un rôle modérateur ;
- La question des ouvertures du cimetière et des souplesses horaires de fonctionnement, trop souvent limitée par une logique interne aux services de la commune et alors décalée par rapport aux besoins légitimes des usagers (particuliers et/ou professionnels). Le vécu de la première vague épidémique est une illustration de cette situation. En tant que dirigeant d’une administration territoriale, vos objectifs de qualité doivent rejoindre, voire surpasser, le niveau recherché par les sociétés de droit privé ;
- La question des terres excédentaires de cimetière où les administrations communales peuvent prendre des décisions parfois infondées tant au regard du droit public et foncier (procédure d’aliénation du patrimoine public) qu’au regard des règles contractuelles gouvernant les rapports entre la commune et les concessionnaires ;
- La question nouvelle du "zéro phyto" qui va parfois jusqu’à tourner le dos à la vocation essentielle des lieux en se basant sur un raisonnement écologique trop poussé.
Voici brossé, incomplètement, le tableau d’une situation bien souvent problématique du funéraire dans les territoires. Il est le reflet d’une société confrontée à une accélération inédite de sa mutation. Le moindre incident peut prendre une importance démesurée devant les tribunaux et les médias. C’est la particularité de l’époque que nous vivons actuellement. Élu récemment, vous êtes l’un des effets de cette évolution, reflet d’une tendance nouvelle ou d’une réaction pour conserver une identité sociétale protectrice.
Vos électeurs auront plus que jamais besoin de votre bon sens, de votre engagement responsable et bienveillant, voire de votre capacité à vous projeter avec sagesse et discernement dans l’avenir. Soyez assuré, Monsieur le Maire, que nous vous sommes par avance reconnaissants si vous acceptez de tenir fidèlement les engagements moraux pour lesquels vos administrés d’aujourd’hui vous ont récemment élu…
Dans les villes, c’est un adjoint qui prend en charge directement ces questions et, sur le plan administratif, c’est votre service d’état civil et des cimetières qui est en contact direct avec l’usager (votre secrétaire de mairie dans les petites communes). En ce qui concerne vos pouvoirs de police administrative, vous déléguez vos missions de surveillance soit à la police nationale si vous êtes en zone de compétence idoine, soit à la police municipale et, dans le périmètre du cimetière, votre gardien prolonge votre main, vos yeux et vos oreilles.
Vous n’êtes pas seul sur le dossier car le conseil municipal est chargé de prérogatives de décision tandis que le pouvoir de police est strictement de votre compétence (vous prenez des arrêtés et vous dressez des constats, des procès- verbaux).
Vos devoirs et missions
Le maire cumule dans ses fonctions deux responsabilités combinées : pénale et civile. Au pénal, le maire peut être poursuivi s’il n’a pas utilisé ses pouvoirs de police de manière suffisamment efficace pour assurer la sécurité dans le cimetière (surveillance et devoir de prévention). À ce titre, il peut être poursuivi pour homicide ou blessure involontaire.
La responsabilité civile du maire peut être engagée quand il prend des décisions illégales, notamment dans le fonctionnement du cimetière. Il est personnellement condamné lorsque la partie plaignante prouve une faute personnelle de sa part (notion d’intention). Sinon, sa décision par voie d’arrêté est tout simplement annulée ou rectifiée (article du règlement de cimetière notamment).
Le maire assume six obligations relatives aux décès :
- Il doit la décence au défunt et aux funérailles en finançant celles-ci au besoin ;
- Il veille à l’exécution des funérailles dans le délai imparti par la loi (entre 24 heures et 6 jours au plus) et dispose à ce titre d’une capacité d’intervention en urgence (mise en bière accélérée, évacuation d’un mort sur la voie publique) ;
- Il assure la neutralité républicaine des funérailles en intervenant sans distinction de culte ni de croyance dans son périmètre de compétence (état civil, circulation sur la voie publique, cimetière ou crématorium) ;
- Il assure le maintien de l’ordre du lieu de décès jusqu’à celui de l’inhumation ;
- Il garantit la discrétion des informations se rapportant aux circonstances du décès (puisqu’il est destinataire des éléments nécessaires à la déclaration de décès et ensuite aux opérations funéraires) ;
- Il informe les familles de leurs droits et devoirs en la circonstance ;
D’une manière générale, le maire exécute les décisions du conseil municipal (sous le contrôle de celui-ci) et prolonge territorialement les pouvoirs de l’État en matière judiciaire (sous contrôle du procureur) et administrative (sous contrôle du préfet).
Vos pouvoirs
Ils sont très étendus et variés :
- Vous êtes chargé de valider et enregistrer les décès sur le territoire de votre commune (mission d’état civil) ;
- Vous détenez un pouvoir de police générale qui s’exerce pour garantir le bon ordre, la sécurité et la salubrité publiques sur l’étendue de votre commune et des pouvoirs de police spécifique en matière de funérailles (contrôle des modes de transport des personnes décédées, surveillance et gestion du cimetière qui est un service public à caractère administratif).
Compte tenu de la multiplication des opérateurs pouvant intervenir dans les cimetières à plusieurs titres (inhumations, exhumations ou équipement des sépultures), le maire peut élaborer un règlement intérieur conforme aux dispositions légales et réglementaires mais aussi adapté aux nécessités particulières du service public communal du cimetière tel qu’il est défini par le conseil municipal en matière générale et par le maire sur le plan pratique. Ce dernier peut alors dresser un procès-verbal de contravention au règlement du cimetière afin de déférer le contrevenant devant le préfet (sanction administrative des intervenants habilités) ou devant la justice (sanction des personnes).
On constate ainsi que le maire dispose d’un pouvoir réglementaire de proximité qui précise ou complète territorialement les règles établies à l’échelle nationale (sans pouvoir les contredire sur le fond, sous peine de nullité constatée par le juge administratif).
Le règlement de cimetière peut
- Concerner l’accès au cimetière et la circulation dans son enceinte en prévoyant des horaires d’ouverture au public, en limitant l’accès aux seuls piétons concernant les simples usagers ou en conditionnant l’accès des véhicules utiles à la construction des monuments (sans distinguer arbitrairement les véhicules des professionnels et ceux des particuliers préalablement autorisés par vos soins qui assureraient eux-mêmes l’équipement de leur sépulture)
- Viser le bon ordre et la tranquillité dans l’enceinte du cimetière en interdisant ponctuellement ou constamment certains rassemblements
- Rappeler que la nature des inscriptions sur les sépultures est soumise à l’autorisation préalable du maire. Ce pouvoir, issu de la loi, ne vous permet pas de l’exercer en exigeant d’un graveur d’indiquer au préalable le jour et l’heure où il interviendra sur la tombe car cette intervention n’est pas similaire à des travaux ouvrant la sépulture et ne peut être englobée dans les actes sous surveillance de police. Abuser du pouvoir de contrôle des gravures en les confondant à des actes sous surveillance physique revient à exercer une contrainte restrictive et injustifiée sur le professionnel dans son travail.
- Juguler les pratiques des usagers (pour garantir l’hygiène, la salubrité publique et la sécurité) en interdisant certaines plantations, en encadrant techniquement la construction de caveaux (en dessous ou au-dessus du sol, isolement des cercueils en intérieur, dimensions maximales des ouvrages au regard du respect des espaces inter-tombes) et en obligeant de manière générale le bon entretien des tombes dans le respect, en outre, des usages collectifs
Le pouvoir de police du maire à l’intérieur du cimetière s’applique pour moduler ou interdire les comportements individuels. Il peut sanctionner les états d’ébriété, tout acte estimé contraire au respect des morts et même interdire de fumer dans l’enceinte du cimetière, d’y pénétrer accompagné d’un animal, etc. Ces diverses dispositions sont opposables aux particuliers et déterminées en opportunité selon les circonstances locales. En cas d’abus de pouvoir du maire, le juge administratif peut casser ou limiter une disposition du règlement de cimetière.
La question particulière de gestion des sépultures
Vous devez veiller à ce que la commune dispose en permanence d’une réserve de terrain disponible pour inhumer l’équivalent des besoins sur une période de cinq ans. Vous aurez alors la charge d’attribuer des places ou de les reprendre selon les dispositions légales et réglementaires figurant au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Vous devez l’inhumation gratuite en terrain dit "commun" à toute personne qui y a droit quand elle est décédée sur le territoire de la commune ou quand elle y résidait à titre principal.
De manière générale, quand le décès survient, le défunt a droit à la sépulture sur votre commune quand l’événement est intervenu sur son territoire ou quand le défunt y habitait ou encore quand il détenait un droit d’usage dans une sépulture déjà existante. Notez que vous avez marginalement le pouvoir discrétionnaire d’attribuer (ou non) une place dans le cimetière communal à la simple demande d’un particulier qui en fait la demande de son vivant en l’argumentant. Le refus doit s’appuyer sur une incapacité technique (manque de places dans une gestion prudente du terrain disponible).
Le conseil municipal ayant créé un régime local d’attribution de sépultures, votre contrôle s’exerce sur la capacité d’accès du défunt dans la tombe concédée. Soit il est désigné nominativement pour la jouissance de celle-ci, soit il appartient à la famille (au sens héréditaire) détenant le droit d’usage selon les disponibilités de place au moment du décès et les dispositions éventuellement prévues dans le contrat de concession. Vous délivrez alors, préalablement à l’inhumation et en connaissance de cause, au vu du contrat de concession, les autorisations pour ouvrir la sépulture aux fins d’inhumer.
Votre pouvoir de gestion administrative du cimetière se prolonge par un pouvoir de police des cimetières qui concerne la surveillance des travaux nécessaires à la réalisation des inhumations. Outre le contrôle de l’identification précise de la sépulture par l’intervenant et le respect des dépouilles mortelles, consacré par le Code civil et la sanction des violations de sépulture, vous devez veiller à la mise en place de règles d’intervention garantissant la sécurité des personnes (identification et protection du chantier, absence de troubles sur les sépultures voisines, étayage des creusements dans le sol, dispositions à l’égard des clôtures existantes etc.). Ces contrôles sont exercés par vous-même, votre adjoint délégué ou plus généralement par le gardien de cimetière.
Vous pouvez également contrôler l’habilitation de l’intervenant qui procède à l’ouverture d’une concession pour inhumer ou exhumer sachant d’une part que de simples travaux d’équipement (marbrerie et maçonnerie) ne nécessitent aucune habilitation particulière s’ils sont déconnectés de funérailles et d’autre part que les particuliers peuvent intervenir en toutes circonstances sur leur propre tombe familiale sans être habilités à cet effet mais dans le respect des règles et sous votre autorité de contrôle néanmoins (règles définies en 1995 à propos du régime des habilitations funéraires).
Aller plus loin ?
Des connaissances sont effectivement nécessaires pour dominer les actes les plus divers liés aux funérailles et/ou aux interventions dans le cimetière communal. Prenez en main le CGCT, considérez son poids, son nombre de pages et mesurez la place représentée par les mesures concernant le funéraire, il est évident que cet article n’a pas pour but d’en proposer une revue exhaustive. De nombreux articles existent à ce propos, tant sur papier que sur la toile et les conseils convergent tout en étant nombreux. Résonance, de son côté, répond aux communes qui l’interrogent sur un point juridique particulier. Il n’y a donc pas de besoin insatisfait de ce côté.
En revanche, sur le plan de l’esprit dans lequel le maire doit exercer sa mission concernant le funéraire, il n’y a hélas que trop peu de documentation pertinente. Témoin la rareté des campagnes d’élections locales argumentant sur un projet spécifiquement funéraire. Néanmoins, en exerçant vos fonctions de magistrat de la commune, vous vous rendrez très vite compte de l’impact de ce dossier sur le vécu concret et sensible de vos administrés.
Le funéraire est doté d’une portée psychologique et symbolique qui contribue plus ou moins consciemment à la notion globale du bonheur à vivre en collectivité. Et paradoxalement, dans la répartition des délégations de compétences au sein d’une équipe municipale, l’attribution du domaine funéraire est trop souvent loin d’apparaître dans les préoccupations prioritaires et fondamentales.
Permettez-moi de souligner à ce stade de la réflexion un point susceptible de retenir votre attention :
- Quel est l’endroit dont la fréquentation représente une fois et demie le nombre d’habitants de votre commune ? Réponse : le cimetière (cf étude réalisée, entre autres, par la Ville de Strasbourg). Quel est l’endroit où ceux qui ont quitté votre commune peuvent retrouver une continuité d’attache territoriale ? L’endroit où s’inscrit une sensibilité historique et particulière de la population locale ? Où se traduisent de manière concrète et évidente le respect et l’attachement de l’administration communale aux familles composant sa population ? Où se manifeste également un respect des personnes âgées ?
- Tout problème conflictuel concernant une sépulture ou l’exercice du culte du souvenir soulève des réactions individuelles pouvant évoluer jusqu’à l’extrême de l’imaginable. Cela tient au fait que le décès fige dans l’éternité l’irréductible dignité d’un individu aux yeux de ses proches. Atteindre à la dignité d’un défunt, c’est exercer un crime aux yeux de ceux qui lui survivent en restant attachés à son souvenir.
Vous comprenez alors qu’en tenant dans vos mains les rênes des pratiques funéraires dans votre commune, tant pour les funérailles que dans la continuité du culte du souvenir, votre pouvoir de décision et d’intervention pénètre la conscience sensible des groupes humains, des familles ou des communautés les plus diverses. Soyez-en conscient tout en gardant à l’esprit que vos décisions, dans le domaine funéraire, ont une portée essentiellement décalée dans le temps. Elles porteront à conséquence dans le vécu futur de vos administrés.
Cette remarque vaut pour ce que vous déciderez en matière de souvenir crématiste, par exemple, mais aussi au regard des demandes d’espaces confessionnels. Sur ce point précis, vous ne devrez pas considérer prioritairement votre intérêt politique immédiat mais prendre essentiellement en perspective ce que vos décisions préparent pour l’avenir de vos administrés, dans le souci d’une cohésion parfaite et paisible entre citoyens.
Enfin, permettez-moi de vous solliciter dans la mise en œuvre d’un indispensable bon sens qui peut parfois s’avérer utile dans l’exercice de vos fonctions. Face à l’inflation parfois exagérée des règles et du zèle administratif pouvant amplifier abusivement leur portée, il me semble important de souligner que vous êtes en première position de responsabilité juridique et politique face aux familles endeuillées.
Deux exemples courants :
- les services communaux qui conditionnent l’autorisation de crémation à la signature d’une demande signée par tous les ayants cause du défunt alors que le CGCT n’évoque que la signature de la personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles ;
- les règlements de cimetière qui veulent imposer des critères esthétiques ou de taille de monuments alors que la loi du 19 décembre 2008 n’a fait que confirmer la maîtrise de largeurs des monuments pour laisser libres les espaces inter-tombes. Il faut donc ici ne pas oublier que l’administration communale doit être au service des usagers et non l’inverse, quelles que soient les situations, même sous diverses pressions.
Gardons à l’esprit deux points essentiels :
- Un intervenant professionnel funéraire intervient toujours muni d’un mandat pour agir au nom et au bénéfice de son commanditaire qui est personnellement usager du service public à caractère administratif et parfois commercial et industriel. Contrarier abusivement la mission d’un intervenant professionnel revient à nuire finalement aux intérêts des administrés ;
- Une entreprise locale est également vectrice d’opinion électorale. Pour un artisan contrarié, combien d’administrés ensuite mécontents ? La question peut être posée.
Ces deux remarques ne doivent pas être reçues comme des moyens de pression politique mais comme des composantes de raisonnement dans les arbitrages ponctuels et sensibles que vous devrez éventuellement prendre dans l’exercice de votre mandat. J’en veux pour illustration des questions récurrentes dans la vie communale :
- L’enthousiasme excessif de fonctionnaires nouvellement affectés au domaine funéraire et parfois formés à leurs fonctions avec des notions juridiques qui ne sont pas toujours exactes ou contrôlées comme telles avant d’être dispensées par leurs formateurs. D’où une période de rodage délicate dans l’exercice de leurs nouvelles fonctions (pour vos administrés et les entreprises intervenant en leur nom…).
Une écoute directe de vos administrés peut alors jouer un rôle modérateur ;
- La question des ouvertures du cimetière et des souplesses horaires de fonctionnement, trop souvent limitée par une logique interne aux services de la commune et alors décalée par rapport aux besoins légitimes des usagers (particuliers et/ou professionnels). Le vécu de la première vague épidémique est une illustration de cette situation. En tant que dirigeant d’une administration territoriale, vos objectifs de qualité doivent rejoindre, voire surpasser, le niveau recherché par les sociétés de droit privé ;
- La question des terres excédentaires de cimetière où les administrations communales peuvent prendre des décisions parfois infondées tant au regard du droit public et foncier (procédure d’aliénation du patrimoine public) qu’au regard des règles contractuelles gouvernant les rapports entre la commune et les concessionnaires ;
- La question nouvelle du "zéro phyto" qui va parfois jusqu’à tourner le dos à la vocation essentielle des lieux en se basant sur un raisonnement écologique trop poussé.
Voici brossé, incomplètement, le tableau d’une situation bien souvent problématique du funéraire dans les territoires. Il est le reflet d’une société confrontée à une accélération inédite de sa mutation. Le moindre incident peut prendre une importance démesurée devant les tribunaux et les médias. C’est la particularité de l’époque que nous vivons actuellement. Élu récemment, vous êtes l’un des effets de cette évolution, reflet d’une tendance nouvelle ou d’une réaction pour conserver une identité sociétale protectrice.
Vos électeurs auront plus que jamais besoin de votre bon sens, de votre engagement responsable et bienveillant, voire de votre capacité à vous projeter avec sagesse et discernement dans l’avenir. Soyez assuré, Monsieur le Maire, que nous vous sommes par avance reconnaissants si vous acceptez de tenir fidèlement les engagements moraux pour lesquels vos administrés d’aujourd’hui vous ont récemment élu…
Olivier Géhin
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
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