Précisez à un public non averti que les pompes funèbres sont "sympathiques", et vous verrez apparaître sur les visages des sourires entendus. Et pourtant, la sympathie s’installe généralement entre les familles et les professionnels funéraires à leur service. Fort heureusement, d’ailleurs, sinon les funérailles ont probablement souffert d’erreurs ou de manques quand la sympathie ne finalise pas la relation entre l’entreprise et la famille endeuillée. Facile à dire, n’est-ce pas ? Plus difficile est de pérenniser aujourd’hui un état d’esprit du métier qui maintienne le rayonnement de l’entreprise dans son bassin d’intervention…
Avant-propos incontournable :
En 38 ans passés dans le funéraire, dont 26 ans comme journaliste spécialisé dans ce domaine avec en moyenne deux entreprises analysées par mois, j’ai souvent constaté des lacunes regrettables (à mes yeux) dans la gestion des ressources humaines. Je crois que nous n’avons collectivement pas assez pris en compte la mutation des pratiques professionnelles dans l’évaluation de la charge quotidienne qui pèse sur chacun dans les différentes spécialités de la branche. Nous parlons toujours "du métier" en évoquant ses plaisirs mais aussi ses inconvénients à supporter, comme si ces réalités étaient inamovibles.
Quand une personne semble ne pas faire l’affaire sur son poste, l’argument de son inadaptation aux caractéristiques du métier est couramment avancé. Parallèlement, notre branche est devenue consommatrice de personnel qui ne se fixe plus comme auparavant dans sa carrière. Tout cela a un prix pour les entreprises comme pour les individus qui, pour certains, perdent leur emploi avec une blessure profonde.
Je crois que dans une telle situation, il ne faut pas se résoudre à baisser les bras, accuser je ne sais qui ou justifier je ne sais quoi.
En réalité, le métier s’exerçait jadis sans la pression concurrentielle actuelle et avec des familles plus aisées financièrement et plus sensibles aux valeurs que la branche funéraire défend encore contre vents et marées. Le funéraire n’est plus marginal du fait essentiel de sa fréquentation de la mort, il l’est aujourd’hui surtout parce qu’il continue à respecter et servir des valeurs humaines plus ou moins abandonnées par notre société en perte d’identité et d’idéal. Si les familles s’avèrent souvent surprises par la qualité du contact et des prestations que nous leur réservons, c’est parce que nous leur offrons le visage d’une société qui n’existe déjà plus, où le respect d’autrui du plus faible et/ou du plus démuni n’est pas un vain mot mais une réalité tangible dans nos actes professionnels.
Il faut perdre un être cher pour s’en rendre compte. Néanmoins, derrière cette façade honorable, la réalité de gestion des ressources humaines est souvent loin des idéaux revendiqués ou mis en valeur dans les funérailles. Or le respect des salariés est tout aussi important que celui réservé aux familles et aux défunts, ne l’oublions pas.
Malheureusement, tout au long de mes années dans le funéraire, j’ai constaté la lente dégradation du "bonheur" de travailler au sein de la branche. Les professionnels se sont aigris, fatigués, usés, déchirés, à coups de luttes internes au sein des entreprises. Sans compter le désenchantement sensible de se fréquenter entre collègues.
Témoin l’ambiance des salons funéraires qui est aujourd’hui beaucoup plus sérieuse et peut-être moins joyeuse. Pouvons-nous alors penser que nous avons dans ce contexte maintenu notre "puissance de sympathie" auprès des familles ?
Ne sommes-nous pas en train de préparer les conditions d’un retour de marché qui, après une vingtaine d’années consacrées aux rachats d’entreprises, nous plongera dans une atomisation anarchique du secteur ? Ne vous réjouissez pas de cette perspective car il s’agira d’une confusion en eaux troubles, où plateformes commerciales, pompes funèbres communautaristes, financiers, travailleurs au noir, etc., feront florès. Personne de sérieux n’a intérêt à voir se dégrader notre filière, ni du côté patronal, ni du côté salarial. Aussi, quand j’ai décidé d’évoquer dans cet article la notion de sympathie, je n’ai pas pensé en termes de dynamique marketing mais plutôt avec le souci de recoller les morceaux d’un esprit profitable à l’intérêt de notre métier.
Il y a en effet de moins en moins de "radoteux" du funéraire comme moi pour rappeler ce qui faisait sa force il y a plus de vingt ans. Il ne s’agit pas de tourner le dos à la modernité mais d’additionner les atouts du passé aux opportunités d’aujourd’hui et à celles du futur. Si vous comprenez cette démarche, alors vous saurez me pardonner mes éventuelles erreurs d’appréciation contenues dans cet article.
Ne qualifiez pas mes idées de vérités ou d’erreurs, cela ne sert à rien. En revanche, prenez en considération le champ des questions soulevées dans cet article et positionnez-vous personnellement en y réfléchissant sérieusement. Vous verrez, cela ne peut que faire du bien…
En 38 ans passés dans le funéraire, dont 26 ans comme journaliste spécialisé dans ce domaine avec en moyenne deux entreprises analysées par mois, j’ai souvent constaté des lacunes regrettables (à mes yeux) dans la gestion des ressources humaines. Je crois que nous n’avons collectivement pas assez pris en compte la mutation des pratiques professionnelles dans l’évaluation de la charge quotidienne qui pèse sur chacun dans les différentes spécialités de la branche. Nous parlons toujours "du métier" en évoquant ses plaisirs mais aussi ses inconvénients à supporter, comme si ces réalités étaient inamovibles.
Quand une personne semble ne pas faire l’affaire sur son poste, l’argument de son inadaptation aux caractéristiques du métier est couramment avancé. Parallèlement, notre branche est devenue consommatrice de personnel qui ne se fixe plus comme auparavant dans sa carrière. Tout cela a un prix pour les entreprises comme pour les individus qui, pour certains, perdent leur emploi avec une blessure profonde.
Je crois que dans une telle situation, il ne faut pas se résoudre à baisser les bras, accuser je ne sais qui ou justifier je ne sais quoi.
En réalité, le métier s’exerçait jadis sans la pression concurrentielle actuelle et avec des familles plus aisées financièrement et plus sensibles aux valeurs que la branche funéraire défend encore contre vents et marées. Le funéraire n’est plus marginal du fait essentiel de sa fréquentation de la mort, il l’est aujourd’hui surtout parce qu’il continue à respecter et servir des valeurs humaines plus ou moins abandonnées par notre société en perte d’identité et d’idéal. Si les familles s’avèrent souvent surprises par la qualité du contact et des prestations que nous leur réservons, c’est parce que nous leur offrons le visage d’une société qui n’existe déjà plus, où le respect d’autrui du plus faible et/ou du plus démuni n’est pas un vain mot mais une réalité tangible dans nos actes professionnels.
Il faut perdre un être cher pour s’en rendre compte. Néanmoins, derrière cette façade honorable, la réalité de gestion des ressources humaines est souvent loin des idéaux revendiqués ou mis en valeur dans les funérailles. Or le respect des salariés est tout aussi important que celui réservé aux familles et aux défunts, ne l’oublions pas.
Malheureusement, tout au long de mes années dans le funéraire, j’ai constaté la lente dégradation du "bonheur" de travailler au sein de la branche. Les professionnels se sont aigris, fatigués, usés, déchirés, à coups de luttes internes au sein des entreprises. Sans compter le désenchantement sensible de se fréquenter entre collègues.
Témoin l’ambiance des salons funéraires qui est aujourd’hui beaucoup plus sérieuse et peut-être moins joyeuse. Pouvons-nous alors penser que nous avons dans ce contexte maintenu notre "puissance de sympathie" auprès des familles ?
Ne sommes-nous pas en train de préparer les conditions d’un retour de marché qui, après une vingtaine d’années consacrées aux rachats d’entreprises, nous plongera dans une atomisation anarchique du secteur ? Ne vous réjouissez pas de cette perspective car il s’agira d’une confusion en eaux troubles, où plateformes commerciales, pompes funèbres communautaristes, financiers, travailleurs au noir, etc., feront florès. Personne de sérieux n’a intérêt à voir se dégrader notre filière, ni du côté patronal, ni du côté salarial. Aussi, quand j’ai décidé d’évoquer dans cet article la notion de sympathie, je n’ai pas pensé en termes de dynamique marketing mais plutôt avec le souci de recoller les morceaux d’un esprit profitable à l’intérêt de notre métier.
Il y a en effet de moins en moins de "radoteux" du funéraire comme moi pour rappeler ce qui faisait sa force il y a plus de vingt ans. Il ne s’agit pas de tourner le dos à la modernité mais d’additionner les atouts du passé aux opportunités d’aujourd’hui et à celles du futur. Si vous comprenez cette démarche, alors vous saurez me pardonner mes éventuelles erreurs d’appréciation contenues dans cet article.
Ne qualifiez pas mes idées de vérités ou d’erreurs, cela ne sert à rien. En revanche, prenez en considération le champ des questions soulevées dans cet article et positionnez-vous personnellement en y réfléchissant sérieusement. Vous verrez, cela ne peut que faire du bien…
OG
Le visible et l’invisible Dans une entreprise, quelle qu’elle soit, il y a toujours la part du visible (outil humain et matériel) et celle de l’invisible. Au-delà des apparences purement tangibles, il existe toujours, derrière la réalité d’une entreprise, une "énergie" interne qui caractérise sa capacité ou non d’adaptation au changement. Par exemple, celle-ci peut être "sous la douche bénéfique" du marché, rencontrer un succès temporaire (une ou plusieurs décennies) et porter malgré tout en elle la marque de défauts internes qui la conduiront, tôt ou tard, à de sérieuse difficultés, régressives ou même fatales. Au sein de notre filière, beaucoup ont été portés par l’élan commercial d’une fin de monopole. Mais les entreprises qui ne sont pas animées par une logique mature et solide, adaptée aux évolutions du client, ne peuvent que trébucher sur un succès de circonstances si elles ne gagnent pas, chemin faisant, le savoir nécessaire à un avenir consolidé. Toute la logique de cet article, titré "les conditions de la sympathie", n’a alors qu’un seul but : vous faire toucher du doigt une règle fondamentale dans notre profession qui associe très étroitement la sympathie des familles à l’égard de l’établissement funéraire et celle que le personnel de cet dernier doit ressentir également à son intention. De fait, en réalité objective et dûment constatée, on ne peut pas asseoir solidement l’avenir d’une entreprise funéraire en jouant à outrance de toutes les ficelles… Autrement dit, un empire commercial n’est assis que sur du sable si ses conquêtes du moment ont été acquises au détriment du bonheur à y travailler. D’où la qualification que l’on peut idéalement attribuer au gestionnaire d’une entreprise : celle d’être un équilibriste. Et le responsable RH : essayer d’être un visionnaire… |
Identifier les problèmes pour les limiter
La sympathie créée avec les familles sollicite le fond humain des professionnels, ce qui nécessite qu’ils soient un minimum heureux dans l’exercice de leur métier.
Les débutants sont souvent enthousiastes quand ils découvrent la dimension humaine mais le métier a changé. Si des PME connaissent proportionnellement moins le phénomène, d’autres plus importantes sont confrontées à des taux de remplacement du personnel qui traduit un malaise et génère nombre de problèmes, financiers d’une part, de moindre qualité des prestations d’autre part.
La formation initiale qu’il faut toujours reprendre, les pertes de savoir-faire par non-transmission d’expérience, la pénibilité supportée par les plus qualifiés, ceux qui comblent l’inexpérience des autres, les ratés, les incompréhensions, les négligences volontaires, le mauvais esprit, etc., tout cela peut coûter cher à une entreprise.
Pour faire le tour de la question, il faut tout d’abord comprendre pourquoi le métier ne fidélise plus comme auparavant, quand on entrait dans les pompes funèbres pour y travailler toute sa vie. Le métier a toujours été dur, moralement surtout. Mais les salaires étaient plus confortables qu’à l’usine. Cela motivait en partie la fidélité à l’entreprise. Il y avait aussi la considération sociale. À l’échelle locale, la société de pompes funèbres était un modèle d’honorabilité dont les effets profitaient à tout le personnel.
Enfin, la famille était au cœur des valeurs de l’entreprise et, ainsi, dans une logique qui s’assumait jusqu’au bout les intérêts de la famille du salarié étaient pris en compte (logement, souplesse d’organisation pour assumer les charges parentales).
Cette logique d’organisation de la vie professionnelle a quasiment disparu. La filière, en connaissant une tension concurrentielle croissante, n’a pas encore réellement mesuré la pression qui en découle sur le salarié à qui on demande la même disponibilité mentale, la même courtoisie, la même endurance psychologique dans des conditions de rémunération qui ne sont plus aussi attractives tout en l’exposant à des plages horaires plus contraignantes car moins régulières et moins respectueuses de sa vie privée.
Le tout avec le devoir d’être une source constante de réconfort et de sympathie pour les familles, quand bien même sont-elles de plus en plus capricieuses.
Comprenons d’abord les raisons de cette situation, donc touchons le fond du problème (1re partie, les raisons de la déprime). Puis remontons ensuite à l’épanouissement sympathique de chacun dans sa fonction professionnelle avec les astuces de gestion d’une siciété de pompes funèbres (2e partie, la quête du miracle permanent).
1 - Les raisons de la déprime
La question du 24/24, 7/7. Le métier de pompes funèbres a évolué à rebours de beaucoup d’autres professions. Témoin la prise de rendez-vous auprès d’un médecin de ville fin de ce mois d’août. Primo, la plupart des médecins étaient en vacances jusqu’au 31 août compris mais, en outre, ils ont repris leurs consultations, pour beaucoup d’entre eux, le mardi 2 septembre et non le lundi 1er. Pourtant il est ici évoqué la question cruciale de la santé d’autrui. Idem, essayez de visiter votre médecin le samedi matin : un véritable sport.
La formation initiale qu’il faut toujours reprendre, les pertes de savoir-faire par non-transmission d’expérience, la pénibilité supportée par les plus qualifiés, ceux qui comblent l’inexpérience des autres, les ratés, les incompréhensions, les négligences volontaires, le mauvais esprit, etc., tout cela peut coûter cher à une entreprise.
Pour faire le tour de la question, il faut tout d’abord comprendre pourquoi le métier ne fidélise plus comme auparavant, quand on entrait dans les pompes funèbres pour y travailler toute sa vie. Le métier a toujours été dur, moralement surtout. Mais les salaires étaient plus confortables qu’à l’usine. Cela motivait en partie la fidélité à l’entreprise. Il y avait aussi la considération sociale. À l’échelle locale, la société de pompes funèbres était un modèle d’honorabilité dont les effets profitaient à tout le personnel.
Enfin, la famille était au cœur des valeurs de l’entreprise et, ainsi, dans une logique qui s’assumait jusqu’au bout les intérêts de la famille du salarié étaient pris en compte (logement, souplesse d’organisation pour assumer les charges parentales).
Cette logique d’organisation de la vie professionnelle a quasiment disparu. La filière, en connaissant une tension concurrentielle croissante, n’a pas encore réellement mesuré la pression qui en découle sur le salarié à qui on demande la même disponibilité mentale, la même courtoisie, la même endurance psychologique dans des conditions de rémunération qui ne sont plus aussi attractives tout en l’exposant à des plages horaires plus contraignantes car moins régulières et moins respectueuses de sa vie privée.
Le tout avec le devoir d’être une source constante de réconfort et de sympathie pour les familles, quand bien même sont-elles de plus en plus capricieuses.
Comprenons d’abord les raisons de cette situation, donc touchons le fond du problème (1re partie, les raisons de la déprime). Puis remontons ensuite à l’épanouissement sympathique de chacun dans sa fonction professionnelle avec les astuces de gestion d’une siciété de pompes funèbres (2e partie, la quête du miracle permanent).
1 - Les raisons de la déprime
La question du 24/24, 7/7. Le métier de pompes funèbres a évolué à rebours de beaucoup d’autres professions. Témoin la prise de rendez-vous auprès d’un médecin de ville fin de ce mois d’août. Primo, la plupart des médecins étaient en vacances jusqu’au 31 août compris mais, en outre, ils ont repris leurs consultations, pour beaucoup d’entre eux, le mardi 2 septembre et non le lundi 1er. Pourtant il est ici évoqué la question cruciale de la santé d’autrui. Idem, essayez de visiter votre médecin le samedi matin : un véritable sport.
Voulez-vous d’autres exemples ?
Les horaires d’ouverture du cimetière… la disponibilité des officiants religieux… Les exemples s’étireraient à l’infini.
- Quand j’ai débuté dans les pompes funèbres, en 1982, la semaine était calquée sur ceux des administrations, ouverture de magasin en plus le samedi après-midi.
- Quand, en 1988, j’ai entamé ma carrière de directeur de pompes funèbres, ce fut mon premier contact avec une enseigne indiquant le 24/24 avec un numéro de permanence.
Je découvrais en pratique, pour la première fois, les réalités d’une concurrence acharnée, effrénée, voire déraisonnable sur le plan humain, et futile bien souvent au regard des besoins réels des familles. Avions-nous démérité du métier pendant toutes ces années "normales", où le professionnel pouvait mener une vie familiale classique ? Évidemment non.
Mais la réforme de mai 1986 était passée par là, avec la possibilité de déroger au monopole si la mise en bière s’effectuait extra-territorialité d’une commune organisée sur ce plan. Dès mai 1976, les morts ont officiellement voyagé en ambulance post-mortem (TSC pour les initiés). Mais, avec l’ouverture légale de 1986, ce fut le véritable départ d’une concurrence exacerbée, amplifiée ensuite avec la réforme de 93 qui réveilla une foule de vocations spontanées pour le commerce de pompes funèbres.
Aujourd’hui, le professionnel de pompes funèbres, sauvé a minima par le téléphone portable, non seulement est soumis à de fortes contraintes de disponibilité personnelle, mais de surcroît est ennuyé à longueur de semaines par l’indisponibilité des uns et des autres, dont il a pourtant besoin pour exercer sa mission (administrations, cultes, etc.). Cette réalité s’est exacerbée dans ses effets pendant l’épidémie de ce printemps, à tel point que le Gouvernement a dû assouplir temporairement la réglementation.
Le rôle accru des chambres funéraires
Le développement de la concurrence a certes joué un rôle mais n’oublions pas qu’un autre facteur de changement est intervenu : la sortie progressive des défunts des établissements de soins. La "morgue" a toujours eu mauvaise réputation et, même si les services mortuaires des établissements de soins ont été grandement améliorés, on n’a pu que constater pendant les dernières décennies un transfert de charges et de compétences.
Le service mortuaire hospitalier a de fait cédé une majeure partie de son rôle aux chambres funéraires de pompes funèbres. Il s’est d’ailleurs spécialisé en devenant l’apanage des établissements les plus importants (+ de 200 décès à l’année), au détriment du tissu antérieur des petites "morgues" qui nous évitaient de connaître les concentrations excessives de défunts comme pendant l’été caniculaire de 2003.
Ce transfert d’activité a représenté une opportunité très importante pour les sociétés funéraires mais a compliqué d’autant leur activité au quotidien. Dans ce contexte, les entreprises ont rationalisé leur parc immobilier en réunissant dans des complexes les parties bureaux et techniques alors qu’auparavant, les cols bleus et les cols blancs vivaient en organisation séparée. La cohabitation en un seul endroit de l’administratif et du commercial avec l’équipe technique peut contribuer à développer des tensions internes, résultats de logiques différentes au travail.
Le règne intransigeant mais illusoire du zéro faute
La gangrène nous est arrivée du Japon dans les années 80 avec ce que l’on appelait dans les grandes entreprises les "cercles de qualité", impossible à transposer dans la mentalité française autrement qu’en amplifiant le "flicage" omniprésent du travail.
Sachant que la délation est le complément logique du flicage et que cette pratique obéit le plus souvent à des intérêts personnels plutôt qu’à la défense de l’entreprise, il ne manquait plus que la micro-informatique pour parfaire le tout. L’ordinateur est comme l’argent, c’est un excellent moyen mais c’est aussi un mauvais maître.
La recherche du zéro faute, sous menace permanente de laisser une trace dans l’ordinateur, fige alors le naturel du professionnel dans un sorte de paranoïa. Déjà, il lui était reproché d’être en réalité insensible au décès de son prochain et, de plus, désormais, il peut tomber dans la caricature administrative où l’ordinateur s’interpose dans le dialogue avec la famille. En réalité, ce n’est pas parce que le professionnel se désintéresse de la famille, c’est plutôt parce qu’il est trop souvent mobilisé par le service de l’ordinateur (l’utilisation du logiciel de la SNCF par le guichetier d’une gare est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas imiter).
2 - La quête du miracle permanent : gérer l’humain comme un trésor fondamental
Gérer un collectif de professionnels en circonstances hautement concurrentielles relève d’un défi quotidien nécessitant de la fermeté tout comme une humanité à haut niveau. Le manager doit connaître personnellement chaque salarié et prendre en compte dans la mesure du possible tous les éléments d’organisation qui peuvent contribuer à son épanouissement dans l’exercice de ses fonctions. À l’égard de la recherche du zéro faute, le salarié doit pouvoir compter sur son manager pour le défendre, dans la limite de l’admissible et du souhaitable à titre collectif. Le professionnel a droit à l’erreur.
Toujours à l’égard du zéro faute, la bonne mesure des choses consiste à admettre cette marge d’erreur ou de maladresse s’il n’y a pas d’intention négative ou de négligence coupable. Au-delà de ce principe et surtout, la conduite d’une unité commerciale funéraire ne doit pas recourir à des méthodes internes d’espionnage des salariés, avec son corollaire de délation qui complète inévitablement ce système.
Tout travail collectif ou individuel doit être contrôlé, mais le bornage des objectifs et la façon de vérifier s’ils sont atteints doit s’inscrire dans la recherche permanente de cohésion du groupe. Le plaisir de travailler ensemble doit être sauvegardé coûte que coûte. Si tel n’est pas le cas, les salariés qui subissent la pression exercée par leurs collègues chercheront à quitter au plus vite l’entreprise (et ces derniers ne sont pas forcément les moins doués). De même, ceux qui restent en ces circonstances ne sont pas forcément les plus utiles pour le fonctionnement de l’entreprise. On dit que le train est passé quand le dernier wagon l’est aussi. N’écoutez pas ceux qui se flattent au détriment de la réputation des autres.
Il est important de gérer cols blancs et cols bleus selon des critères différents :
- L’équipe des cols blancs (conseillers, hôtesses, etc.) doit être solidaire en matière de répartition du travail, en échanges d’informations et en astreintes de service, tout en partageant une ambiance des lieux agréable tant pour eux que pour les familles (rien de pire qu’une famille qui attend pour qu’on la prenne en charge. Cette situation se voit quand l’équipe de cols blancs joue au chacun pour soi). Dans une équipe de cols blancs, chacun a plus ou moins sa spécialité (ou sensibilité) qui doit être reconnue par les autres membres de l’équipe. La sanction immédiate d’une mauvaise ambiance dans l’équipe en agence se traduit par de mauvais relais d’information entre collègues dans la gestion des dossiers. Une équipe de cols blancs fonctionne à l’identique des tours de contrôle en aviation.
- L’équipe des cols bleus est dominée par la notion de travail à accomplir en commun. Vous distinguerez la logique d’une équipe de cimetière et celle d’une équipe de cérémonie. Contrairement à la tentation de polyvalence dans l’entreprise, mieux vaut ne pas mélanger l’équipage de cérémonie et le ou les binômes travaillant sur chantier. Concernant les équipes de chantier, gardons à l’esprit que la pénibilité physique doit être équitablement assumée dans le binôme et qu’un ancien doit diriger un plus jeune dans le poste.
En ce qui concerne l’équipage de cérémonie, l’erreur courante est de propulser arbitrairement un porteur dans la fonction de maîtrise alors qu’il n’en a pas pleinement les compétences (la spécialité de maître de cérémonie ne s’apprend pas avec des heures de cours, si utiles soient-elles. C’est une spécialité qui se transmet d’une personne à l’autre, à partir de réflexes acquis sur le terrain. Elle nécessite une aptitude et une sensibilité particulières).
Pour contrebalancer la dureté actuelle de l’exercice des pompes funèbres, l’idéal est de réunir trois situations convergentes dans l’efficacité du service aux familles :
- une équipe solidaire de cols blancs, confiants et unis dans une mentalité de service et d’accueil respectueux et spécialisé ;
- une équipe de cérémonie où le talent de l’ordonnateur est reconnu, compris et complété par le dévouement des porteurs. Une estime réciproque doit naturellement guider le travail sur convoi avec des invariables comme la place de chacun pour porter (au regard du critère de la taille physique). Il faut, autant que possible, respecter la constitution habituelle des équipes. Se connaître entre soi et connaître les habitudes locales permet d’éviter bien des problèmes pendant les convois ;
- des binômes de chantier qui s’entendent sur l’effort, la ponctualité, la propreté, l’entretien des véhicules et de l’outillage, et qui n’oublient pas l’indispensable pause casse-croûte à partager dans la séquence de l’effort physique.
Rejoindre les familles en les accompagnant avec souplesse
L’organisation du fonctionnement de l’entreprise funéraire doit correspondre au plus près des nécessités au service des familles. La norme NF pompes funèbres est un exemple de ce qui peut être mis au point. De manière moins globale, l’entreprise peut avoir recours à des protocoles pensés pour chaque spécialité exercée dans celle-ci. Ces protocoles récapitulent ce que l’entreprise attend de chaque salarié pour répondre à chaque séquence de service aux familles.
Un protocole de travail n’est pas une contrainte, mais au contraire une aide précieuse pour le salarié soucieux d’accomplir au mieux sa mission. Néanmoins, son contenu doit être défini et approuvé collectivement. Il est également susceptible d’évoluer au regard de l’expérience et des conditions réactualisées de travail. Un manager ne peut imposer le respect des protocoles de travail qu’en marquant des temps de réflexion avec les salariés qu’il dirige et pendant lesquels le cahier des charges s’imposant à chacun est rappelé.
Dans les petites sociétés, on ne parle pas de protocole de poste ou de fonction car tout est basé sur le consensus humain, chacun sachant à cette échelle ce que fait l’autre. Néanmoins, que ce soit dans une petite ou une grande entreprise, un bénéfice est toujours tiré d’une réflexion technique en amont de la pratique professionnelle.
La conduite d’un collectif de travail mène toujours au constat d’un paradoxe : il faut fixer des règles pour créer les conditions d’une prise de libertés et d’improvisation utile au service des familles endeuillées. C’est dans ce contexte de fonctionnement maîtrisé de l’entreprise qu’un salarié peut se sentir encadré mais aussi soutenu et enrichi progressivement dans sa spécialité. Si tel est le cas, l’autodiscipline s’installe naturellement dans le groupe de travail.
Une stratégie caractérisant essentiellement les PME peut se constater : exploiter les caractéristiques personnelles d’un salarié qui avantagent considérablement le fonctionnement immédiat de l’entreprise. Il est loisible de penser que cette opportunité est jouable en pariant que, quand le premier s’épuisera, un second prendra la relève à l’identique. Ce type de choix managérial, reposant sur l’exploitation des relations personnelles, conduit à des crises internes successives qui ne peuvent disparaître qu’en changeant de méthode managériale. Pire, ce choix dans la conduite du personnel peut mener à une impasse et finalement faire disparaître à terme l’entreprise (son rachat est alors souvent la seule solution).
Conclusion
La recette magique pour qu’une sympathie reste intacte entre les familles et l’établissement funéraire repose essentiellement sur la qualité du management des salariés. Ceux-ci doivent tirer de leur travail les ressources d’un épanouissement personnel qui s’accorde avec leur vie privée. Si les pompes funèbres sont classées "mission de service public", elles devraient l’être aussi en tant que mission humaine d’un collectif d’entreprise où chacun y trouve son compte. Facile à dire, mais…
Les horaires d’ouverture du cimetière… la disponibilité des officiants religieux… Les exemples s’étireraient à l’infini.
- Quand j’ai débuté dans les pompes funèbres, en 1982, la semaine était calquée sur ceux des administrations, ouverture de magasin en plus le samedi après-midi.
- Quand, en 1988, j’ai entamé ma carrière de directeur de pompes funèbres, ce fut mon premier contact avec une enseigne indiquant le 24/24 avec un numéro de permanence.
Je découvrais en pratique, pour la première fois, les réalités d’une concurrence acharnée, effrénée, voire déraisonnable sur le plan humain, et futile bien souvent au regard des besoins réels des familles. Avions-nous démérité du métier pendant toutes ces années "normales", où le professionnel pouvait mener une vie familiale classique ? Évidemment non.
Mais la réforme de mai 1986 était passée par là, avec la possibilité de déroger au monopole si la mise en bière s’effectuait extra-territorialité d’une commune organisée sur ce plan. Dès mai 1976, les morts ont officiellement voyagé en ambulance post-mortem (TSC pour les initiés). Mais, avec l’ouverture légale de 1986, ce fut le véritable départ d’une concurrence exacerbée, amplifiée ensuite avec la réforme de 93 qui réveilla une foule de vocations spontanées pour le commerce de pompes funèbres.
Aujourd’hui, le professionnel de pompes funèbres, sauvé a minima par le téléphone portable, non seulement est soumis à de fortes contraintes de disponibilité personnelle, mais de surcroît est ennuyé à longueur de semaines par l’indisponibilité des uns et des autres, dont il a pourtant besoin pour exercer sa mission (administrations, cultes, etc.). Cette réalité s’est exacerbée dans ses effets pendant l’épidémie de ce printemps, à tel point que le Gouvernement a dû assouplir temporairement la réglementation.
Le rôle accru des chambres funéraires
Le développement de la concurrence a certes joué un rôle mais n’oublions pas qu’un autre facteur de changement est intervenu : la sortie progressive des défunts des établissements de soins. La "morgue" a toujours eu mauvaise réputation et, même si les services mortuaires des établissements de soins ont été grandement améliorés, on n’a pu que constater pendant les dernières décennies un transfert de charges et de compétences.
Le service mortuaire hospitalier a de fait cédé une majeure partie de son rôle aux chambres funéraires de pompes funèbres. Il s’est d’ailleurs spécialisé en devenant l’apanage des établissements les plus importants (+ de 200 décès à l’année), au détriment du tissu antérieur des petites "morgues" qui nous évitaient de connaître les concentrations excessives de défunts comme pendant l’été caniculaire de 2003.
Ce transfert d’activité a représenté une opportunité très importante pour les sociétés funéraires mais a compliqué d’autant leur activité au quotidien. Dans ce contexte, les entreprises ont rationalisé leur parc immobilier en réunissant dans des complexes les parties bureaux et techniques alors qu’auparavant, les cols bleus et les cols blancs vivaient en organisation séparée. La cohabitation en un seul endroit de l’administratif et du commercial avec l’équipe technique peut contribuer à développer des tensions internes, résultats de logiques différentes au travail.
Le règne intransigeant mais illusoire du zéro faute
La gangrène nous est arrivée du Japon dans les années 80 avec ce que l’on appelait dans les grandes entreprises les "cercles de qualité", impossible à transposer dans la mentalité française autrement qu’en amplifiant le "flicage" omniprésent du travail.
Sachant que la délation est le complément logique du flicage et que cette pratique obéit le plus souvent à des intérêts personnels plutôt qu’à la défense de l’entreprise, il ne manquait plus que la micro-informatique pour parfaire le tout. L’ordinateur est comme l’argent, c’est un excellent moyen mais c’est aussi un mauvais maître.
La recherche du zéro faute, sous menace permanente de laisser une trace dans l’ordinateur, fige alors le naturel du professionnel dans un sorte de paranoïa. Déjà, il lui était reproché d’être en réalité insensible au décès de son prochain et, de plus, désormais, il peut tomber dans la caricature administrative où l’ordinateur s’interpose dans le dialogue avec la famille. En réalité, ce n’est pas parce que le professionnel se désintéresse de la famille, c’est plutôt parce qu’il est trop souvent mobilisé par le service de l’ordinateur (l’utilisation du logiciel de la SNCF par le guichetier d’une gare est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas imiter).
2 - La quête du miracle permanent : gérer l’humain comme un trésor fondamental
Gérer un collectif de professionnels en circonstances hautement concurrentielles relève d’un défi quotidien nécessitant de la fermeté tout comme une humanité à haut niveau. Le manager doit connaître personnellement chaque salarié et prendre en compte dans la mesure du possible tous les éléments d’organisation qui peuvent contribuer à son épanouissement dans l’exercice de ses fonctions. À l’égard de la recherche du zéro faute, le salarié doit pouvoir compter sur son manager pour le défendre, dans la limite de l’admissible et du souhaitable à titre collectif. Le professionnel a droit à l’erreur.
Toujours à l’égard du zéro faute, la bonne mesure des choses consiste à admettre cette marge d’erreur ou de maladresse s’il n’y a pas d’intention négative ou de négligence coupable. Au-delà de ce principe et surtout, la conduite d’une unité commerciale funéraire ne doit pas recourir à des méthodes internes d’espionnage des salariés, avec son corollaire de délation qui complète inévitablement ce système.
Tout travail collectif ou individuel doit être contrôlé, mais le bornage des objectifs et la façon de vérifier s’ils sont atteints doit s’inscrire dans la recherche permanente de cohésion du groupe. Le plaisir de travailler ensemble doit être sauvegardé coûte que coûte. Si tel n’est pas le cas, les salariés qui subissent la pression exercée par leurs collègues chercheront à quitter au plus vite l’entreprise (et ces derniers ne sont pas forcément les moins doués). De même, ceux qui restent en ces circonstances ne sont pas forcément les plus utiles pour le fonctionnement de l’entreprise. On dit que le train est passé quand le dernier wagon l’est aussi. N’écoutez pas ceux qui se flattent au détriment de la réputation des autres.
Il est important de gérer cols blancs et cols bleus selon des critères différents :
- L’équipe des cols blancs (conseillers, hôtesses, etc.) doit être solidaire en matière de répartition du travail, en échanges d’informations et en astreintes de service, tout en partageant une ambiance des lieux agréable tant pour eux que pour les familles (rien de pire qu’une famille qui attend pour qu’on la prenne en charge. Cette situation se voit quand l’équipe de cols blancs joue au chacun pour soi). Dans une équipe de cols blancs, chacun a plus ou moins sa spécialité (ou sensibilité) qui doit être reconnue par les autres membres de l’équipe. La sanction immédiate d’une mauvaise ambiance dans l’équipe en agence se traduit par de mauvais relais d’information entre collègues dans la gestion des dossiers. Une équipe de cols blancs fonctionne à l’identique des tours de contrôle en aviation.
- L’équipe des cols bleus est dominée par la notion de travail à accomplir en commun. Vous distinguerez la logique d’une équipe de cimetière et celle d’une équipe de cérémonie. Contrairement à la tentation de polyvalence dans l’entreprise, mieux vaut ne pas mélanger l’équipage de cérémonie et le ou les binômes travaillant sur chantier. Concernant les équipes de chantier, gardons à l’esprit que la pénibilité physique doit être équitablement assumée dans le binôme et qu’un ancien doit diriger un plus jeune dans le poste.
En ce qui concerne l’équipage de cérémonie, l’erreur courante est de propulser arbitrairement un porteur dans la fonction de maîtrise alors qu’il n’en a pas pleinement les compétences (la spécialité de maître de cérémonie ne s’apprend pas avec des heures de cours, si utiles soient-elles. C’est une spécialité qui se transmet d’une personne à l’autre, à partir de réflexes acquis sur le terrain. Elle nécessite une aptitude et une sensibilité particulières).
Pour contrebalancer la dureté actuelle de l’exercice des pompes funèbres, l’idéal est de réunir trois situations convergentes dans l’efficacité du service aux familles :
- une équipe solidaire de cols blancs, confiants et unis dans une mentalité de service et d’accueil respectueux et spécialisé ;
- une équipe de cérémonie où le talent de l’ordonnateur est reconnu, compris et complété par le dévouement des porteurs. Une estime réciproque doit naturellement guider le travail sur convoi avec des invariables comme la place de chacun pour porter (au regard du critère de la taille physique). Il faut, autant que possible, respecter la constitution habituelle des équipes. Se connaître entre soi et connaître les habitudes locales permet d’éviter bien des problèmes pendant les convois ;
- des binômes de chantier qui s’entendent sur l’effort, la ponctualité, la propreté, l’entretien des véhicules et de l’outillage, et qui n’oublient pas l’indispensable pause casse-croûte à partager dans la séquence de l’effort physique.
Rejoindre les familles en les accompagnant avec souplesse
L’organisation du fonctionnement de l’entreprise funéraire doit correspondre au plus près des nécessités au service des familles. La norme NF pompes funèbres est un exemple de ce qui peut être mis au point. De manière moins globale, l’entreprise peut avoir recours à des protocoles pensés pour chaque spécialité exercée dans celle-ci. Ces protocoles récapitulent ce que l’entreprise attend de chaque salarié pour répondre à chaque séquence de service aux familles.
Un protocole de travail n’est pas une contrainte, mais au contraire une aide précieuse pour le salarié soucieux d’accomplir au mieux sa mission. Néanmoins, son contenu doit être défini et approuvé collectivement. Il est également susceptible d’évoluer au regard de l’expérience et des conditions réactualisées de travail. Un manager ne peut imposer le respect des protocoles de travail qu’en marquant des temps de réflexion avec les salariés qu’il dirige et pendant lesquels le cahier des charges s’imposant à chacun est rappelé.
Dans les petites sociétés, on ne parle pas de protocole de poste ou de fonction car tout est basé sur le consensus humain, chacun sachant à cette échelle ce que fait l’autre. Néanmoins, que ce soit dans une petite ou une grande entreprise, un bénéfice est toujours tiré d’une réflexion technique en amont de la pratique professionnelle.
La conduite d’un collectif de travail mène toujours au constat d’un paradoxe : il faut fixer des règles pour créer les conditions d’une prise de libertés et d’improvisation utile au service des familles endeuillées. C’est dans ce contexte de fonctionnement maîtrisé de l’entreprise qu’un salarié peut se sentir encadré mais aussi soutenu et enrichi progressivement dans sa spécialité. Si tel est le cas, l’autodiscipline s’installe naturellement dans le groupe de travail.
Une stratégie caractérisant essentiellement les PME peut se constater : exploiter les caractéristiques personnelles d’un salarié qui avantagent considérablement le fonctionnement immédiat de l’entreprise. Il est loisible de penser que cette opportunité est jouable en pariant que, quand le premier s’épuisera, un second prendra la relève à l’identique. Ce type de choix managérial, reposant sur l’exploitation des relations personnelles, conduit à des crises internes successives qui ne peuvent disparaître qu’en changeant de méthode managériale. Pire, ce choix dans la conduite du personnel peut mener à une impasse et finalement faire disparaître à terme l’entreprise (son rachat est alors souvent la seule solution).
Conclusion
La recette magique pour qu’une sympathie reste intacte entre les familles et l’établissement funéraire repose essentiellement sur la qualité du management des salariés. Ceux-ci doivent tirer de leur travail les ressources d’un épanouissement personnel qui s’accorde avec leur vie privée. Si les pompes funèbres sont classées "mission de service public", elles devraient l’être aussi en tant que mission humaine d’un collectif d’entreprise où chacun y trouve son compte. Facile à dire, mais…
Olivier Gehin
Professionnel funéraire
Journaliste
Professionnel funéraire
Journaliste
Résonance n° 163 - Septembre 2020
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