Voilà qui devrait sécuriser la production de granit breton face à la concurrence étrangère : le 20 janvier, l’Institut National de la Propriété Industrielle a homologué la naissance d’une indication géographique spécifique. Un label "Granit de Bretagne" qui, espère la filière, va renforcer commercialement la notoriété de cette roche, utilisée dans le funéraire et la construction.
Carrière de granit de Perros-Guirec. |
Entre les fermetures de carrières et d’usines de transformation, la filière a perdu près de 1 500 emplois en quinze ans. On y compte aujourd’hui près de 800 salariés pour une petite centaine d’entreprises, qui se démènent dans un marché mondialisé, ouvert à une concurrence étrangère exacerbée, notamment chinoise ou européenne (espagnole, portugaise). Cette pierre est utilisée également dans les chantiers de construction, à l’heure d’une baisse des commandes publiques.
Autant dire que ce nouveau label "100 % made in Bretagne ", délivré par l’État, est une aubaine, un outil indispensable pour retrouver des couleurs. Pour s’en réclamer, ce granit devra justifier d’être extrait et façonné en Bretagne (Côtes d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan) ou dans la commune limitrophe de Saint-James (Manche), dans des conditions sociales réglementaires.
Association d’entrepreneurs locaux
Dans la foulée de la loi Hamon de 2014, qui élargissait aux produits autres qu’alimentaires cette notion d’indication géographique protégée, une association de granitiers locaux s’est créée en avril 2015, déposant en juillet 2016 un cahier des charges à l’INPI (Institut National de Propriété Industrielle).
Les granitiers travaillaient en réalité à cette démarche depuis 2013. L’association compte aujourd’hui 22 sociétés, et a décroché son label. "C’est la consécration de la réputation du granit de Bretagne, de la qualité de notre travail. Notre profession a trop souvent souffert dans un passé récent de tromperies sur l’origine et l’authenticité, économiquement désastreuse, au cœur d’une offre mondialisée", selon Christian Corlay, son secrétaire général.
C’est notamment le cas de chantiers de voirie et d’aménagement urbain. "Dans le cadre de commandes publiques, certaines entreprises peu scrupuleuses faisaient passer du granit de pays exotiques pour du granit breton. Et notamment pour des raisons de coût des produits, liés essentiellement au prix de la main-d’œuvre. Des procès ont été intentés et gagnés, mais la profession était à la recherche d’un outil de protection plus positif."
Un granit d’une grande qualité
Un marbrier funéraire pourra donc toujours commercialiser de la pierre d’importation à la demande de ses clients, mais ne pourra plus la faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Le granit breton, très ancien géologiquement, peut pourtant se targuer d’une grande qualité. Rien à voir en termes de résistance, de tenue, de porosité. Il montre une diversité de couleurs qu’on ne trouve pas forcément ailleurs en France. Il peut être bleu, gris, rose, beige.
Dans cet ensemble, l’activité funéraire représente un peu plus de 50 % du chiffre d’affaires des granitiers bretons. "Dorénavant, poursuit Christian Corlay, des granitiers du funéraire pourront arborer ce label, dès lors qu’ils commercialiseront des produits conformes au cahier des charges de l’indication géographique, et qu’ils auront été contrôlés et certifiés par l’organisme d’évaluation Certipaq."
N’importe quel façonneur ne pourra donc pas apposer le logo de l’indication géographique sur ses monuments comme il l’entend. "Cet outil est une façon pour nous de sécuriser l’achat du client, auprès d’une commune par exemple qui veut un columbarium dans son cimetière, ou d’une famille qui souhaiterait un monument funéraire typiquement breton. Nous espérons également renforcer la visibilité, la notoriété de notre granit hors de Bretagne, et ainsi favoriser le business d’entreprises locales qui ont été très bousculées par une concurrence agressive venue de pays émergents, dans une conjoncture compliquée."
L’enjeu irait bien au-delà. Il y est question de préservation des emplois, d’animation des territoires ruraux. Pour le secrétaire général, les marbreries funéraires notamment auront un rôle à jouer jusqu’auprès des familles. Celui de faire la promotion du "made in Bretagne", de s’approprier cette indication géographique, et, somme toute, de participer à créer de l’émulation entre entreprises.
Olivier Pelladeau
Résonance n°127 - Février 2017
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