Georges Martinez, président de l’A.NA.PE.C.
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Cet été encore nos cimetières se sont fait remarquer par des pousses importantes et sauvages que les municipalités ont bien du mal à endiguer compte tenu de l’obligation qui leur est donnée de ne plus utiliser de produits phytosanitaires. C’est l’occasion de rappeler le cadre législatif qui place notre pays dans une situation transitoire, qui sera pleinement clarifiée en 2019.
Tout d’abord, la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national modifie l’art. L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime en insérant un alinéa qui précise : "qu’il est interdit aux personnes publiques... d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques... pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé".
Le 22 juillet 2015, l’Assemblée nationale adopte la loi de transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit la mise en place de l’objectif zéro pesticide dans l’ensemble des espaces publics à compter du 1er janvier 2017 : interdiction de l’usage des produits phytosanitaires par l’État, les collectivités locales et les établissements publics pour l’entretien des espaces verts, promenades, forêts, et les voiries.
La commercialisation et la détention de produits phytosanitaires à usage non professionnel seront interdites à partir du 1er janvier 2019. Cette mesure concerne tout particulièrement les jardiniers amateurs. Les produits de bio contrôle, qualifiés à faible risque ou dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique, peuvent toutefois être encore utilisés.
Ainsi, si le particulier conserve un léger sursis, les collectivités territoriales sont désormais au pied du mur et ne peuvent plus utiliser de désherbant chimique, ce qui place les cimetières en première ligne des difficultés rencontrées par les services techniques de nos villes. En effet, les cimetières sont principalement aménagés en laissant peu de place au végétal. L’importance du minéral favorise les pousses des mauvaises herbes, principalement dans les interstices.
Du coup, des méthodes alternatives de désherbage se mettent en place, avec plus ou moins de succès. Des guides sont édités à l’usage des collectivités pour les aider à appréhender ce nouveau challenge. Citons à cet effet l’action de Naturparif et l’ouvrage de Jonathan Flandin sur la conception et la gestion écologique des cimetières.
Parmi les méthodes recensées, citons la technique du brûlage, qui consiste à brûler les pousses avec un chalumeau semblable à ceux servant aux étancheurs. Il existe des désherbeurs thermiques (chaleur directe) à flamme à gaz propane ou butane ou à infrarouge (chaleur indirecte) : les flammes chauffent une plaque en céramique et la chaleur ainsi produite est canalisée par l’intermédiaire d’un four en inox qui porte la température à 1000°C.
La chaleur dessèche la plante ciblée, qui meurt dans les 48 h
Cette technique oblige à un passage fréquent car, les graines s’essaimant rapidement, une herbe brûlée n’empêche pas sa sœur de pousser à ses côtés. De plus, l’écologie entreprise dans un premier temps par le zéro phyto en supprimant la pollution de la nappe phréatique est altérée par les gaz affectant la couche d’ozone. Les essais ont démontré une très forte consommation de bouteilles de gaz en comparaison des petites surfaces traitées.
Il existe également d’autres systèmes de désherbage thermique :
- à vapeur, qui pulvérise de l’eau sous pression de 60 bars à une température de 120 à 150°C.
- à eau chaude, où l’eau sort à 95°C sous une pression plus basse de 2,5 bars avec des chaudières à fuel ou électriques.
- à eau chaude et mousse, où l’eau chaude (96°C en sortie de buse) est additionnée d’une mousse organique biodégradable à base de fibre de coco et d’amidon de maïs. La mousse joue le rôle d’isolant thermique, maintenant la chaleur plus longtemps au contact de l’herbe.
Ces équipements ont l’inconvénient de coûter assez cher et demeurent voraces en énergie et en eau. Très efficaces contre les chewing-gums et les graffitis, ils obligent à 4 ou 6 passages pour être efficaces contre les mauvaises herbes.
Le roto brosse est une sorte de débroussailleuse équipée d’une brosse métallique, nylon ou mixte rotative venant brosser latéralement.
La vitesse d’avancement est plus lente qu’un balayage classique. Grâce à un passage régulier, le substrat et les graines présents sont éliminés. Par contre, ce système présente l’inconvénient de projection violente de diverses matières, comme des gravillons ou des pierres, qui peuvent venir altérer ou marquer la surface des monuments funéraires.
Reste l’huile de coude, et pour désherber manuellement, on peut utiliser une grande variété d’outils, dont la plupart dérivent de 3 outils, que sont la binette, le sarcloir et le couteau, mais on trouvera également des couteaux à désherber, des échardonnoirs et des "couteaux à asperges". Ils se présentent soit à manche court, soit sous forme d’outils à adapter sur des manches longs. Ces différents outils permettent une action polyvalente. Il faut du temps ou de la main-d’œuvre, et là aussi, le coût humain paraît souvent rédhibitoire.
La véritable solution au problème de désherbage se situe en amont dans la conception même des cimetières en privilégiant par exemple toutes les techniques de paillage, afin d’empêcher la croissance des plantes adventices en les privant de lumière, de limiter l’évapotranspiration (réduire l’arrosage, par conséquent), de favoriser le développement d’une vie microbienne et d’auxiliaires (vers de terre) qui enrichit le substrat, et d’enrichir le sol en matière organique par la décomposition du paillis. Le recyclage de la tonte de gazon, les feuilles mortes, le broyat de branches, les paillis végétaux de lin ou de chanvre, ou les mélanges algo-forestiers en passant par les granulats de bois, les écorces de pin, de peuplier, de blé noir ou de fève de cacao jusqu’aux minéraux tels que la pouzzolane ou les déchets de coquilles Saint-Jacques représentent autant de possibilités de paillage alternatives au bâchage des allées par des toiles géotextiles ou des feutres végétaux.
Si le paillage est une bonne technique pour éviter de garder un sol nu dans lequel peuvent pousser des plantes spontanées indésirables, le recours aux plantes couvre-sol est une autre bonne technique pour occuper un espace dont on veut diminuer considérablement l’entretien. Elles ont plusieurs rôles à jouer, notamment :
- couvrir des espaces difficiles d’accès, comme des talus enherbés dont la tonte peut se montrer périlleuse ;
- occuper la surface dans des massifs d’arbustes ;
- s’installer aux pieds d’arbres ou de haies ;
- garnir tout simplement des massifs de plantes pérennes.
Une bonne plante couvre-sol doit posséder un feuillage dense, vivre longtemps et s’étaler sans être pour autant envahissante, supporter d’être installée au pied d’arbres et arbustes, et vivre avec un minimum d’entretien. C’est pourquoi on préférera des plantes vivaces rustiques et robustes répondant à ces critères.
Enherber les allées permet aussi de simplifier l’entretien, tout comme la tonte différenciée des grands espaces ou prairies qui organise la tonte rase jusqu’à un certain visuel laissant au loin la végétation s’épanouir. Si la tondeuse passera fréquemment mais moins longtemps sur la partie choisie, un ou deux fauchages par saison suffiront pour les herbes hautes.
Mais quels que soient les moyens mis en place ou les méthodes utilisées, la ville se doit de communiquer et d’expliquer, car les résultats ne sont pas perceptibles à court terme. La population doit comprendre, et nul ne peut se satisfaire d’images vues cet été sur le Net de cimetières abandonnés aux affres de la végétation, aux tombes envahies par la jungle.
Le bon entretien des cimetières doit être une priorité pour chaque maire, qui doit se souvenir qu’une étude récente affiche que 85 % de la population passe au moins une fois par an dans le cimetière communal et que les familles ne peuvent tolérer que leurs défunts reposent dans des lieux indignes.
L’usager peut comprendre un délai
Il peut même comprendre l’échec d’une méthode pas aussi efficace qu’on eût pu le croire, mais il ne peut admettre le laxisme et l’abandon.
L’A.NA.PE.C. (Association NAtionale des PErsonnels de Cimetière) souhaite relayer auprès des élus et des décideurs les souffrances de ses adhérents gardiens ou conservateurs qui sont à court de discours devant les familles qui accumulent plaintes et réclamations lors de leurs visites.
L’A.NA.PE.C. dispose, parmi ses contacts et adhérents, de personnes capables et susceptibles d’aider les communes qui se trouveraient démunies devant l’ampleur du chantier.
En vue d’organiser les prochaines saisons et de préparer son plan de désherbage absolument nécessaire à la bonne gestion des espaces verts de vos cimetières, c’est le moment d’adhérer ou de faire adhérer à notre association.
Georges Martinez
Président de l’A.NA.PE.C.
Résonance n°123 - Septembre 2016
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