De mon enfance, je n’ai que de vagues souvenirs, mais il y a des choses qui ne disparaîtront jamais de mon esprit. Le métier de ma mère en fait partie. La mort, je la côtoie plus ou moins depuis toujours, et pourtant, étrangement, c’est la chose qui me fait le plus peur. Je vais commencer par le début…
Paola |
Ma mère a débuté sa carrière en tant que gardien de cimetière. J’étais toute petite, alors pour moi ça n’avait rien d’anormal, mais c’est en entrant à l’école que j’ai réalisé que c’était tout le contraire. Cela ne m’affectait pas, j’adorais m’amuser avec ma sœur dans le cimetière pendant que les parents de mes camarades les emmenaient jouer au parc. C’est même là que j’ai fait mes premiers pas, sous le regard attendri des fossoyeurs.
Par la suite, ma mère est rentrée dans les pompes funèbres et est devenue thanatopracteur, ce que je résumais par "croque-mort" lorsqu’on m’interrogeait sur le sens de ce mot. Cela étonnait les autres enfants, dont les parents exerçaient un métier moins "exotique". Je me rappelle qu’une de mes camarades de classe n’avait pas le droit de me fréquenter en dehors de l’école, mais ce n’étant pas important pour moi, car j’aimais beaucoup accompagner ma "maman thanatos" au funérarium, où je dégustais un excellent chocolat chaud à l’accueil pendant qu’elle embaumait les défunts.
Ce n’est qu’à l’âge de 19 ans que j’ai été autorisée à assister à des soins de conservation. Je tenais à découvrir cette profession, car, après ma mère thanatopracteur et ma sœur aînée conseillère funéraire, j’ai caressé un temps l’idée de me lancer à mon tour dans la carrière. Finalement, après mûre réflexion et malgré mon attirance pour ce métier, ce sont les traces de ma grand-mère psy que j’ai décidé de suivre.
La plupart des gens que je rencontre ont des idées préconçues à propos des "croque-morts", mais il y a beaucoup de clichés et surtout une méconnaissance du sujet. Pour moi, qui suis pratiquement née "dedans", la mort fait partie intégrante de la vie, même si elle reste mystérieuse et effrayante, y compris pour moi. Cela ne m’empêche pas de rechercher l’adrénaline à travers ma passion du cinéma fantastique, que je partage avec ma mère depuis ma plus tendre enfance. J’attendais d’ailleurs avec impatience son retour du festival de Gérardmer, dont elle ne manquait jamais une édition, afin de découvrir les dernières nouveautés. J’ai dû voir mon premier film d’épouvante (en cachette bien sûr) lorsque j’avais 4 ans.
La profession de ma mère n’a eu aucune répercussion négative sur le développement de ma personnalité, et je dirais même au contraire que cela m’a aidée à ouvrir mon esprit et à ne pas être sans cesse dans le jugement. Ma condition de fille de "croque-mort" a été davantage pour moi un atout qu’un handicap, et je considère que les professions du funéraire sont de beaux métiers, qui mériteraient beaucoup plus de reconnaissance. J’envisage d’ailleurs d’orienter mes futurs travaux sur ce sujet.
En effet, je pense qu’être confronté quotidiennement à la mort et à la douleur des familles endeuillées demande une grande force d’esprit et qu’un soutien psychologique ne peut qu’être bénéfique.
Paola,
étudiante en psycho et fille de "croque-mort"
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :