Parmi les travailleurs du milieu funéraire, les fossoyeurs sont sans doute les plus discrets. Ce n’est pas pour cela qu’ils n’ont rien à dire ! J’ai rencontré Henri Balerdi au Pays basque, l’occasion de donner un petit coup de projecteur sur cette profession méconnue.
Henri Balerdi. |
Claire Sarazin : Bonjour Henri, présente-toi en quelques mots.
Henri Balerdi : Je m’appelle Henri Balerdi, j’ai 43 ans, je suis conseiller funéraire, brancardier, porteur chauffeur, et avant tout fossoyeur.
CS : Parle-moi de ton parcours. Tu as toujours travaillé dans le funéraire ?
HB : Non, j’ai d’abord eu une première carrière de cuisinier. J’ai obtenu mon BEP CAP en 1990. Après avoir fait mon service militaire, j’ai travaillé 12 ans dans la restauration avant de décider de tout arrêter et de repartir à zéro.
CS : Pour te diriger dans le domaine funéraire ?
HB : Non, pas spécialement. Durant un an, j’ai été intérimaire, pratiquant différents métiers pour finalement arriver dans une “petite“ entreprise de pompes funèbres, PFG. J’ai démarré comme chauffeur porteur pendant sept mois, mais suite à une intervention des syndicats qui ne voulaient plus d’intérimaires, je me suis retrouvé au chômage. Durant l’été 2003, la même entreprise me proposa deux CDD, qui n’ont malheureusement pas débouché sur une embauche ferme.
CS : Mais tu avais trouvé ta voie…
HB : Oui, après ça, j’ai décidé d’envoyer des CV dans différentes entreprises du secteur. J’ai alors été recruté par les pompes funèbres Duhart à Cambo-les-Bains, où j’ai pu découvrir toutes les facettes du funéraire.
CS : C'est-à-dire ?
HB : J’ai pris des permanences de brancardier, j’ai travaillé dans les cimetières… Et puis, en plein dans ma période d’essai, j’ai été moi-même frappé par un deuil douloureux, une personne très proche. Cela m’a amené à comprendre les différentes étapes du travail de deuil, comme le déni ou la colère, et surtout à prendre conscience de l’importance du conseiller funéraire et de son rôle d’accompagnement pour les familles. Malgré tout, j’ai fini par démissionner.
CS : Sans pour autant baisser les bras, je suppose ?
HB : Oh non, j’ai rebondi après cet “échec“ en retrouvant une place dans un entreprise familiale à taille “humaine“, les pompes funèbres Landaboure du côté de Saint-Jean-de-Luz, où j’ai la chance de travailler encore aujourd’hui.
CS : Entre-temps, tu as ajouté une nouvelle corde à ton arc, n’est-ce pas ?
HB : Oui, après avoir surmonté des hauts et des bas les premières années, j’ai passé mon diplôme d’assistant funéraire. Cela m’a permis d’être mieux armé pour la prise en charge des familles en deuil, tout en conservant le côté humain, cher à cette entreprise.
CS : Tu es donc multi-casquettes, quelle est la partie de ton travail que tu apprécies le plus ?
HB : Bien sûr, ce que je préfère, c’est le cimetière. Le fossoyage est assez dénigré, mais c’est très important à mes yeux. Si une inhumation se passe mal, ce sont toutes les obsèques qui sont ratées. C’est ce que la famille va retenir.
CS : Qu’est-ce qui est important, selon toi ?
HB : L’arrivée au cimetière, trouver le bon caveau… L’entrée aussi, car dans notre secteur les ouvertures sont variées et parfois énigmatiques. On voit un peu tout : creusement pour une porte de face, tombale à déplacer, clés, paysagé, pleine terre à enlever à la main…
CS : Comment se déroule une journée type, pour toi ?
HB : Ma journée se passe au funérarium, selon l’activité. Sur le terrain, dans le bureau avec les familles ou en intervention brancardage.
CS : Côtoyer la mort t’a-t-il rendu philosophe ?
HB : Chaque chose que je vois dans mon métier, qui est devenu une vocation, me fait relativiser les petits soucis de la vie quotidienne.
CS : Que fais-tu pour te préserver ?
HB : J’essaye au maximum d’avoir une vie “perso“ à côté.
CS : Tu penses pouvoir exercer ce métier jusqu’à la retraite ?
HB : Le plus longtemps possible, j’espère… Mais la partie fossoyage demande une bonne condition physique, et avec l’âge, ça paraît compliqué.
CS : Quel conseil donnerais-tu à un jeune qui voudrait devenir fossoyeur ?
HB : De ne pas avoir d’à priori et surtout de ne pas avoir peur de se salir les mains.
CS : Ce métier t’a apporté des choses positives ?
HB : Oui, grâce à lui, je côtoie toutes sortes de personnes intéressantes. J’ai envie de citer Claire, Sébastien, Biba, Céline, Jakes, Filip, Johan… et tant d’autres.
CS : Merci Henri, pour conclure, je te laisse le mot de la fin.
HB : Mon dicton préféré : “Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Cela nous permet d’avancer dans la vie“.
Claire Sarazin,
thanatopracteur et formatrice en thanatopraxie.
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