De nombreux professionnels se plaignent de contraintes de plus en plus fortes qui leur sont imposées par les administrations municipales : accessibilité des cimetières, horaires d’intervention, esthétique des monuments funéraires, etc. Quel est le statut du cimetière ? Le pouvoir du maire est-il illimité ? Qu’est-ce qui relève du Code Général des Collectivités Territoriales ? Le règlement communal peut-il prévoir des normes non prévues légalement ? Comment en matière de prévoyance funéraire tenir compte de ces éléments, notamment du coût des concessions ?
Maurice Abitbol, directeur d’Obsèques Prévoyance. |
Statut du cimetière
Le cimetière est une partie du domaine communal affecté à un service public. Le cimetière est public, obligatoire et neutre. Public parce que la loi impose à chaque commune de consacrer un ou plusieurs terrains spécialement aménagés pour l’inhumation des morts. Obligatoire parce que différentes dispositions prévoient que les dépenses occasionnées par les cimetières font partie du budget municipal, que la loi impose au maire de pourvoir à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance.
Enfin, la neutralité découle du fait que le maire assure la police des funérailles et des cimetières sans qu’il lui soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières en fonction des croyances ou du culte du défunt, ou des circonstances qui ont accompagné sa mort. De plus, la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État interdit d’élever ou d’apposer un signe ou emblème religieux dans les parties publiques des cimetières, mais l’autorise sur les terrains de sépulture.
Le cimetière est un monopole communal, et le maire est chargé de la police des cimetières et de leur gestion. La gestion des cimetières ne peut en aucun cas être déléguée. En effet, le maire ne peut se dessaisir de son pouvoir de police au profit d’une entreprise privée. Les opérateurs funéraires sont amenés à intervenir dans le cimetière en raison du régime de libre concurrence. Il est essentiel que cette libre concurrence soit garantie par la puissance publique.
Les difficultés fréquemment rencontrées
Chaque commune établit le règlement de son cimetière. Ce règlement est plus ou moins exhaustif selon l’importance de la commune. Il est parfois inexistant dans les villages et très élaboré dans les villes. Il aborde le plus souvent l’organisation et la localisation des sépultures, la dimension des emplacements, les dispositions relatives aux sépultures en terrains communs, l’organisation de l’ossuaire, la durée et l’attribution des concessions, les caractéristiques des monuments et caveaux, les exhumations, l’utilisation du caveau provisoire, la police du cimetière, l’organisation du site cinéraire, l’organisation éventuelle de carrés confessionnels.
Pendant tout un temps, il n’était pas rare que les services communaux s’adressent aux professionnels pour avoir une précision sur l’application de telle ou telle règle de la législation funéraire. Mais, comme on n’arrête pas le progrès, certains responsables de cimetière sont allés suivre des cours au ministère des Collectivités territoriales. C’est une bonne chose, car à chacun ses responsabilités. Mais les conséquences sont parfois perverses. Ce qui se faisait auparavant en bonne entente laisse la place à des exigences de fonctionnement rigides, par exemple imposer que l’ouverture d’une sépulture ne se fasse pas plus de deux heures avant l’inhumation ou pas plus de 24 heures avant. Pour être tout à fait objectif, il faut reconnaître que c’est souvent la négligence de certains professionnels qui provoquent ce type de réaction.
En effet, il n’est pas possible de laisser une sépulture ouverte sans qu’elle soit sécurisée correctement. Une simple tôle est évidemment insuffisante, d’autant qu’il est possible de disposer une couverture provisoire fiable qui ne fait courir aucun risque au public fréquentant le cimetière. Cette attitude défavorise les petites structures qui ne disposent pas de plusieurs équipes capables d’intervenir sur plusieurs tâches sur le même service.
Autre difficulté rencontrée, les problèmes d’esthétique
La loi prévoit que tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale, ou autre signe indicatif de sépulture. Les tombes et monuments funéraires, étant de nature privée bien que se trouvant dans un lieu public, peuvent être réalisés par les familles en étant ornés de signes ou emblèmes religieux. Le maire ne peut pas s’y opposer sans commettre une grave illégalité. La jurisprudence administrative a établi que l’esthétique ne constitue pas un motif permettant au maire de réglementer l’apparence et la construction des édifices funéraires. Il arrive que le professionnel soit pris entre l’Administration et son client. Heureusement, ces difficultés ne font que rarement l’objet d’un litige devant la juridiction compétente. Le dialogue et la bonne volonté permettent le plus souvent de trouver une solution, à la satisfaction de tous.
Cimetière et prévoyance funéraire
Le souscripteur d’un contrat obsèques avec prestations prévoit avec précision les services qu’il souhaite organiser à l’occasion de ses funérailles. Qu’il prévoie une inhumation ou une crémation, dans les deux cas, l’intervention dans un cimetière est indispensable, sauf si une dispersion dans la nature est souhaitée. Comment prévoir, cinq, dix, quinze ans et parfois plus, le cimetière qui accueillera sa dépouille ? Quand le souscripteur dispose d’une sépulture familiale, le cimetière est choisi d’emblée et le plus souvent les choses se passent sans complication. Mais il peut arriver que le domicile change pour se rapprocher d’enfants ou de petits-enfants. Là aussi, le respect des volontés n’empêche pas le retour dans la région d’origine. Mais si la famille veut modifier le lieu d’inhumation, ou de dépôt ou de dispersion des cendres, cela peut être la source de difficultés. En effet, le contrat obsèques en prestations, prévoyant dans le détail les choix du souscripteur, a valeur de testament et ne peut être modifié. Il faut alors veiller à ce que les ayants droit soient tous d’accord pour modifier ces dispositions, et surtout tous certifier que les volontés du défunt ont été adaptées à la nouvelle situation. En cas de désaccord familial, le litige, s’il n’est pas tranché de manière amiable dans la famille, pourra être porté devant le tribunal compétent par un des ayants droit.
En conclusion, nous voyons que si chacun – administrations et professionnels – assume ses responsabilités, respecte le rôle de chaque intervenant, fait preuve de bonne volonté, recherche en permanence des solutions avec le souci d’aboutir, le vieil adage se vérifie : un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ! Et surtout les familles s’en trouveront satisfaites, ce qui est l’objectif de tous les intervenants en ce domaine.
Maurice Abitbol
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Résonance "Hors-série" Spécial Cimetière - Décembre 2015
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