Cimetière zen

"Le murmure éloigné du flot contre le galet"
Maupassant, "Une vie"

Cailloux usés et polis par le frottement, les galets sont des témoins du temps, des produits d’érosion que les océans déposent sur le rivage ou qu’on trouve dans le lit des torrents : ballottées par les vagues, les courants, les ressacs, les roches aux aspérités coupantes deviennent lentement galets : ovales, ronds, lisses et doux.

Le galet évoque un état transitoire, entre vie et mort, situé entre la mère-pierre et le sable-poussière. Ainsi, "chaque galet repose sur l’amoncellement des formes de son antique état, et des formes de son futur"(1).

Dans son "Dictionnaire de la symbolique des rêves", Georges Romey nous rappelle que le galet est l’œuvre d’un monde qui a déjà vécu, et que, pour l’imaginaire, "tout galet est un œuf pondu par la mer"(2). Symbole du minéral et étrange source d’apaisement, le galet appelle la caresse et incarne la rondeur de la pierre polie, façonnée par le temps.
 
Andy Goldsworthy, un des principaux artistes du "land art", utilise des objets naturels ou récupérés pour créer des sculptures éphémères ou permanentes faisant ressortir le caractère de leur environnement. Travaillant en harmonie avec le monde naturel, Goldsworthy utilise entre autres des galets, pour leurs propriétés tout à la fois réconfortantes, mystérieuses et oniriques.
Cette dimension apaisante qu’offrent les galets n’a pas échappé au designer Axel Enthoven, qui vient de réaliser une toute nouvelle collection de pierres tombales et d’urnes funéraires, "Memory Stone". Directement inspirée par la forme minimaliste des galets, l’ambition qui caractérise le design de "Memory Stone" réside dans la pureté, source de sérénité propice au recueillement. La collection propose trois modèles de pierres tombales et deux modèles d’urnes funéraires aux lignes sobres et simples, qui se déclinent dans des tonalités allant du blanc à l’anthracite.

Alors que nos cimetières sont trop souvent excentrés et parfois très austères, nous pourrions envisager ce que serait une nécropole végétale remplie de pierres tombales "Memory Stone". Nous songeons ici aux jardins japonais comme celui de Tennoji, au sud d’Osaka, datant de fin XIXe siècle et orné par des centaines de galets amoncelés. Nous imaginons alors un cimetière, entre bassins, nénuphars et arbustes taillés, qui serait le lieu du recueillement et des larmes, mais aussi le lieu de l’apaisement, de la sérénité et du cheminement intérieur, formant un trait d’union entre les défunts, les visiteurs et la nature.

Lolita M’Gouni

Nota :
(1) Francis Ponge, "Le Galet", in "Le Parti pris des choses", Paris, Éditions Gallimard, 1942.
(2) Georges Romey, "Le Dictionnaire de la symbolique des rêves", Paris, Éditions Albin Michel, 2005.

Résonance "Hors-série" Spécial Cimetière - Décembre 2015