Ainsi qu’exposé dans mon précédent article qui annonçait cette suite, c’est par la loi du 28 décembre 1904 que l’organisation et la gestion du service extérieur des pompes funèbres ont été transférées, dans le cadre d’un monopole, aux communes, les fabriques et consistoires ayant été évincés d’un domaine de compétences controversé durant les vingt dernières années du XIXe siècle.
Jean-Pierre Tricon, avocat au barreau de Marseille. |
Il sera rappelé que nous trouvons déjà, dans la loi du 12 novembre 1881, une atteinte aux pouvoir religieux, puisque l’existence de carrés confessionnels dans les cimetières avait été mise à mal par les députés radicaux de l’Assemblée nationale, et que plusieurs lois successives avaient accru la distance entre les institutions religieuses et le pouvoir étatique, telle celle du 5 avril 1884, qui avait confié au maire d’importants pouvoirs de police administrative, requalifiée de police municipale, notamment en matière de contrôle de l’ordre, la sécurité, l’hygiène et la salubrité publics au plan de la commune, et plus spécifiquement des pouvoirs de police spéciale pour les cimetières et funérailles.
La loi du 15 novembre 1887 avait organisé la liberté des funérailles dans leur caractère civil et religieux.
Le décret du 27 avril 1889 instaurait un contrôle des conditions applicables aux divers modes de sépultures.
La loi du 28 décembre 1904 s’est donc inscrite, dans un contexte politique axé vers une séparation dans le secteur des pompes funèbres entre les Églises et l’État, en affirmant l’autorité de la commune dans ce domaine très particulier, en interdisant l’intervention des organismes religieux, hors le protocole rituel. Ce fut à la suite de débats animés au sein des deux chambres parlementaires que le Sénat adopta l’art. 2 de la loi, spécifiant que le service extérieur des pompes funèbres appartenait aux communes à titre de service public.
Néanmoins, le texte spécifiait que celles-ci "pourront l’assurer soit directement", et ce sera la naissance des régies municipales, "soit par entreprise", en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications, en matière de travaux publics. La possibilité de déléguer la gestion du service extérieur des pompes funèbres était donc maintenue, ce qui en définitive ne pouvait que conforter les entreprises qui tout au long de la deuxième partie du XIXe siècle avaient combattu, âprement, le monopole religieux.
En fait, la loi énonçait trois facultés de gestion du service extérieur des pompes funèbres, soit la régie directe, soit la délégation par le biais de la technique de la concession ou de l’affermage et ou, enfin, la possibilité de ne pas intervenir directement sur ce marché, en le laissant entièrement libre.
Il faut se référer au particularisme communal en France qui était dominé par l’existence de plusieurs milliers de communes, on en dénombrait près de 39 000 en 1904 (présentement, 36 529 en France métropolitaine), dont 22 000 au moins ont une population inférieure à 1 000 habitants.
Parallèlement, la loi énonce que, "dans les localités où les familles pourvoient directement ou par les soins de sociétés charitables laïques, en vertu d’anciennes coutumes, au transport ou à l’enterrement de leurs morts, les mêmes usages pourront être maintenus avec l’autorisation du conseil municipal et sous la surveillance du maire".
Il convient de relever que l’entrée en vigueur de la loi de décembre 1904 a donné lieu à une abondante littérature qui émanait de l’État, dont plus particulièrement la circulaire de 1905, qui constituait le commentaire gouvernemental officiel de la loi, qui prescrivait : "Il ne faut pas attribuer à ces mots (cf. : termes figurant dans la loi du 28 décembre 1904), une portée et des conséquences qui n’ont pas de réalité… le législateur n’a fait que rappeler le principe général du droit que tous les services confiés par la loi aux communes, sont des services publics."
La décision d’une commune d’organiser en gestion directe ou par la voie de la délégation le service extérieur des pompes funèbres ne pouvait être, dans un tel contexte, que justifiée, hors les motifs d’intérêts strictement généraux, c’est-à-dire les besoins de la population et les usages locaux, par une préoccupation évidemment économique, le service des pompes funèbres ne pouvant occasionner des pertes financières susceptibles d’être compensées par le recours aux contribuables locaux.
Les autres réactions étaient l’apanage des entrepreneurs qui, durant tout le XIXe siècle, avaient mis en œuvre une organisation efficace pour cohabiter dans un régime monopolistique en s’imposant comme les acteurs, quasiment incontournables, du monde funéraire, qui entreprirent un travail pour faire exister et cohabiter des modes de régulation compatibles avec les enjeux, dont notamment leur survie.
Pour certains parlementaires conservateurs, notamment députés, tel l’abbé Lemire, célèbre opposant au nouveau dispositif, la loi du 28 décembre 1904 attribuant le service extérieur des pompes funèbres pouvait avoir des conséquences pires que l’ancien, puisque, selon l’historien marseillais Régis Bertrand, environ 6 000 communes se dotèrent d’un service organisé.
La loi du 28 décembre 1904 a donc engendré une grande souplesse dans le régime d’exploitation du monopole avec des régies municipales complètes, et nous verrons plus loin ce que recouvre cette qualification, des délégations par voie de concessions, d’affermages ou de marchés par adjudication, l’organisation d’un service réduit, voire la faculté pour les communes de renoncer purement et simplement à exercer leurs prérogatives conférées par la loi, c’est-à-dire de livrer le service extérieur des pompes funèbres à la libre concurrence.
D’autres réserves contemporaines furent avancées, portant essentiellement sur la facilité avec laquelle les entrepreneurs de pompes funèbres non délégataires violaient, en quelque sorte, le nouveau monopole communal, car la faiblesse de la loi était l’absence de sanction pénale, les organisateurs du service monopolisé (régies ou délégataires) ne pouvant qu’user de la voie civile et de prouver devant les tribunaux que les violations avaient occasionné un préjudice matériel qu’ils se devaient de chiffrer, sans omettre la difficulté d’apporter la preuve du lien de causalité. Malgré cela, force est d’admettre que la gestion du service extérieur des pompes funèbres, telle qu’initiée par le législateur en 1904, a perduré durant pratiquement 90 ans.
À ce stade, il apparaît opportun de rappeler sur quels éléments constitutifs du service extérieur des pompes funèbres ce monopole portait. C’est l’art. L. 362-1, 1er alinéa, de l’ancien Code des communes, reprenant les termes du Code de l’administration communale, qui en donnait la définition :
"Le service extérieur des pompes funèbres, comprenant exclusivement le transport des corps, la fourniture des corbillards, cercueils, tentures extérieures des maisons mortuaires, les voitures de deuil ainsi que les fournitures et personnels nécessaires aux inhumations, exhumations et crémations, appartient aux communes, à titre de service public."
De ce fait, il comportait six missions essentielles :
1° - Le transport des corps organisé sur le territoire de la commune, avec ou sans apparat, en vue d’une inhumation ou d’une crémation, lesquelles ne pouvaient avoir lieu que sur le territoire de la commune du lieu de décès, en vertu du critère de spécialité du service public communal, qui limitait sa compétence au seul territoire de celle-ci. En étaient exclus les transports à destination d’une autre commune, ou par voie ferrée.
2° - La fourniture du corbillard, et ses accessoires décoratifs spécifiques à "la pompe funèbre". En 1904, il s’agissait plus généralement de voitures hippomobiles, l’utilisation d’automobiles ne se vulgarisa qu’à partir des années 1920.
Il convient également de souligner qu’au tout début du XXe siècle, les corps des pauvres et indigents étaient le plus souvent transportés à l’aide de brancards, coutume remontant à l’époque où dans les grandes villes de nombreux cimetières de quartier existaient, autour desquels vivait une population démunie, qui se chargeait du transport des corps et des inhumations, avec pour contrepartie le privilège de se vêtir des effets vestimentaires des morts, comme le décrit l’historien Régis Bertrand, dans son remarquable article paru dans la revue "Marseille", consacré au cimetière marseillais des Accoules.
3° - Le cercueil en bois, et les enveloppes hermétiques, fabriquées dans des matériaux qui évoluèrent dans le temps, dont successivement le plomb, puis le zinc et enfin l’acier galvanisé. À partir d’un arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 1929, les urnes cinéraires furent adjointes aux éléments monopolisés, et quelque temps plus tard, les boîtes à ossements nécessaires aux exhumations.
4° - Les tentures extérieures des maisons mortuaires : leur usage s’est progressivement délité, leur installation devant les entrées des domiciles mortuaires, qui furent tout au long de la première moitié du XXe siècle, la résidence du défunt ou d’un membre de sa famille, exigeant des travaux de fixation qui endommageaient régulièrement les façades, si bien que leur pose fut interdite dans les règlements de copropriété des logements collectifs. Par extension, les tables destinées à recevoir les registres des condoléances, recouvertes d’un drap, à la condition qu’elles soient disposées à l’extérieur de la maison mortuaire, ou au cimetière, furent incorporées aux éléments monopolisés.
5° - Les voitures de deuil : ce terme recouvrait en fait les véhicules mis à la disposition des membres de la famille du défunt ou de ses proches pour leurs déplacements durant les funérailles, ou pour servir au transport des compositions florales.
6° - Les fournitures et le personnel nécessaires aux inhumations, exhumations et crémations :
- Le personnel affecté aux inhumations concernait principalement les fossoyeurs chargés du creusement des fosses, de l’ouverture des caveaux, et de l’introduction des cercueils dans les sépultures.
- Ce sont aussi ces agents qui exécutaient les opérations d’exhumation des corps, en vue généralement d’un transfert dans une autre tombe ou d’autres interventions, dont le droit positif ne donnait à cette époque aucune définition, réputées "réductions de corps ou de réunions d’ossements" qui, juridiquement, pouvaient être analysées comme des exhumations suivies de réinhumations immédiates, après que les corps avaient été regroupés dans un ou plusieurs cercueils, selon leur état de conservation.
- Les personnes qui procédaient aux incinérations – le terme de crémation ayant été généralisé à partir de 1976 – et qui étaient chargées de recueillir les cendres dans les urnes, voire leur dispersion dans les emplacements spécialement aménagés à cet effet (les jardins du souvenir), complètent cette énumération. Formulée d’une manière générale, la mise en œuvre de ce dispositif engendra forcément des contentieux sur la portée réelle du champ d’application de ces six éléments, qui nécessitèrent l’intervention des juridictions.
Le premier motif concerna les équipements extérieurs des cercueils, et notamment les poignées : les entrepreneurs, qui avaient acquis dès le XIXe siècle les fonctions de mandataires des familles auprès des organismes détenant les droits monopolisés, tentèrent une interprétation restrictive de la notion de cercueil, en la limitant uniquement à la bière dépourvue de poignées. Les tribunaux tranchèrent en faveur d’une extension du monopole aux poignées, au nombre de quatre, au motif qu’elles facilitaient le transport du corps.
La seconde, plus subtile, se fondait sur le fait que la loi prévoyait uniquement la fourniture du personnel nécessaire aux inhumations, exhumations et crémations : dès lors, certains professionnels faisant commerce des activités d’entremise, considérèrent que les porteurs, uniquement destinés au bon déroulement des funérailles, n’entraient pas dans le sixième volet des éléments du service extérieur des pompes funèbres.
À l’issue d’un combat acharné, qui dura plusieurs années, la Cour de cassation jugea, dès le 10 mars 1908, DP, 1908, n° 1469, conclusions Feuilloley, que les porteurs étaient bien incorporés au monopole communal, car leur fonction essentielle relevait impérativement du transport du corps, dès lors qu’il était effectué avec pompe et cérémonie. Par un nouvel arrêt du 16 juillet 1918, DP, 1922, n° 1224, la chambre civile de la Cour de cassation a défini la composition du personnel "porteur" en la chiffrant à quatre agents, encadrés par "un directeur de convoi", qualifié ultérieurement d’ordonnateur.
Comme nous l’avons énoncé précédemment, le monopole, conféré aux communes à titre de service public, était le droit exclusif d’assurer l’organisation et la gestion du service extérieur des pompes funèbres. Cependant, afin de tenir compte des réalités sociales, humaines et économiques, dues essentiellement au nombre trop important de structures communales en France, le législateur avait accordé la faculté aux communes de ne point l’exercer.
Hormis l’hypothèse de la "délégation du service à une entreprise qui sera subrogée aux droits et devoirs de la commune", en l’absence de toute organisation, le service extérieur des pompes funèbres était libre, toute entreprise ou association de pompes funèbres pouvant, dès lors, intervenir sur le territoire communal. L’organisation partielle du service était aussi une faculté laissée à la libre appréciation des instances communales : dans ce cas, le conseil municipal pouvait décider d’instaurer un service municipal en gestion directe ou déléguée, fondé sur un ou plusieurs des éléments constitutifs, prévus par la loi du 28 décembre 1904. Aux côtés du service extérieur des pompes funèbres, monopolisé, existaient deux autres types de services :
- Le service intérieur des pompes funèbres,
- Le service non monopolisé ou libre des pompes funèbres.
Le service intérieur des pompes funèbres
Il était constitué par la portion congrue abandonnée aux associations cultuelles, dont, principalement, les églises catholiques ou orthodoxes, les temples protestants et les consistoires israélites. Il se limitait aux objets et décorations des services et édifices religieux.
La loi le définissait ainsi :
"Les fabriques et consistoires conservent le droit exclusif de fournir les objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration intérieure et extérieure de ces édifices. Le service attribué aux fabriques est gratuit pour les indigents." Il est à préciser que la loi du 9 décembre 1905, dite de séparation entre les Églises et l’État, a supprimé les fabriques, qui ont été remplacées par les associations diocésaines ou cultuelles, qui ont donc pris en charge, à partir de cette date, le service intérieur des pompes funèbres. Malgré cela, du fait de la codification et de la compilation des textes, ce terme de "fabrique" se retrouve, encore, dans plusieurs articles du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Le service non monopolisé ou libre des pompes funèbres
Il intégrait tout ce qui ne relevait pas du service extérieur monopolisé ou du service intérieur, dont notamment les capitons, les emblèmes religieux ou civils, les plaques funéraires, les transports des corps hors de la commune. Au titre des fournitures connexes, et bien que n’étant pas concernées directement par la loi, nous ajouterons la fourniture des fleurs, les travaux d’imprimerie pour les faire-part.
La loi du 28 décembre 1904 paraissait, a priori, restrictive, en limitant les compétences des détenteurs du monopole, donc en excluant le droit, pour les régies ou les délégataires, la possibilité de proposer des fournitures et prestations réputées libres.
Dans le souci de permettre aux familles d’organiser les obsèques de leurs proches, sans accomplir des démarches multiples, la circulaire du 25 février 1905 et les arrêts du Conseil d’État du 12 février 1931 et du 4 juin 1954 étendirent aux services funéraires publics la possibilité de proposer aux usagers des fournitures et les prestations entrant dans ce service libre.
Malgré ces dispositions, il existait des failles dans le dispositif monopolistique
Deux évènements ont sapé, pour certains durant des décennies, la portée du monopole octroyé aux communes, dès lors qu’elles avaient opté pour l’organisation du service, soit en gestion directe ou par la voie de la délégation ou de la coopération intercommunale, qui résultaient de deux faits distincts, mais néanmoins interactifs, c’est-à-dire la violation régulière des droits monopolistiques par les entreprises "mandataires", puis la restriction légale des effets de la loi du 28 décembre 1904.
La violation du monopole, au fil des ans, était devenue chose courante, certains entrepreneurs, qui, en théorie, étaient tenus à respecter la compétence territoriale de la commune, ayant pris pour habitude de proposer aux familles clientes des fournitures et prestations différentes de celles acquises auprès du service détenteur des droits d’exclusivité. Il n’était pas rare, en effet, que la commande d’un cercueil, par exemple, faite auprès de la régie ou du concessionnaire, porte sur un modèle d’entrée de gamme, et que, le jour des obsèques, les agents municipaux assermentés constatent la présence d’une bière de haut de gamme.
Il en allait de même pour les voitures de deuil, dont les véhicules destinés au transport des compositions florales, qui étaient mis à la disposition des familles par le mandataire auquel elles s’étaient adressées.
Ces comportements ont été, en outre, largement favorisés par la méconnaissance totale des Français des mécanismes résultant de la loi de 1904, peu de gens connaissant le dispositif "à double détente" qui plaçait le service public communal en position dominante, c’est-à-dire en mesure de pratiquer les prix les plus bas pour un service, dont le niveau qualitatif relevait des fournitures ou prestations optées, puisque l’entrepreneur "secondaire" ne pouvait que renchérir le coût des obsèques en pratiquant des marges bénéficiaires.
La violation du monopole aurait pu être enrayée si le dispositif légal ou réglementaire avait instauré des sanctions dissuasives : or, c’est tout le contraire qui s’est produit, car, sauf des procès civils, comme indiqué supra, nécessitant la preuve de préjudices réels et constants, le Code des communes ne comportait aucune sanction pénale, les plaintes des maires ou des directeurs de sociétés concessionnaires étant régulièrement classées, sans suite par le parquet.
C’est donc dans un tel climat qu’est entrée en vigueur la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986, et plus particulièrement son art. 31, qui assouplissait le contenu et la portée du monopole communal, en accordant des dérogations aux règles du service extérieur des pompes funèbres lorsque la commune du lieu de mise en bière n’était pas celle du domicile du défunt ou du lieu d’inhumation ou de crémation, la personne qui avait qualité pour pourvoir aux funérailles ou son mandataire, si elle ne faisait pas appel à la régie ou au concessionnaire de la commune du lieu de mise en bière, dans les conditions fixées par l’art. L. 362-1 du Code des communes, pouvait s’adresser à la régie, au concessionnaire ou, en l’absence d’organisation du service, à toute entreprise de pompes funèbres soit de la commune du lieu d’inhumation ou de crémation, soit de la commune du domicile du défunt, pour assurer les fournitures de matériel prévues à l’art. L. 362-1, le transport des corps après mise en bière et l’ensemble des services liés à ces prestations.
En outre, les entreprises privées de pompes funèbres qui participaient au service des pompes funèbres ont bénéficié d’un agrément, selon les modalités prévues en décret en Conseil d’État, délivré par le préfet compétent en fonction du lieu d’implantation de l’établissement, qui laissait augurer la future habilitation préfectorale.
Conscient de ces difficultés, pour ne point dire dysfonctionnements du marché, en 1988, le secrétariat d’État aux collectivités locales avait confié aux trois inspections générales – Finances, Administration et Affaires Sociales – une étude sur les services funéraires.
Le rapport qui en résultera sera peu complaisant pour le climat qui régnait au sein de l’ensemble de la profession. Rendu public en juillet 1989, il proposait des orientations pour remédier à cet état de fait. Parmi les constats opérés apparaissent les nombreuses défaillances du système vieux de 85 ans, savoir :
- L’organisation insatisfaisante du service public due, en particulier, à son caractère flou et partiel et à des mécanismes complexes, souvent incohérents, voire obsolètes ;
- L’opacité des prix pratiqués, et fort différents selon la nature juridique de l’opérateur ;
- Le rôle insuffisant des pouvoirs publics, associant dans ces critiques les communes et l’État, dont les contrôles étaient soit défaillants soit inexistants ;
- L’ignorance et la vulnérabilité des familles, insuffisamment informées (cette remarque a été formulée précédemment dans cet ouvrage, impulsée par l’expérience acquise durant les 25 ans où j’ai exercé des fonctions de direction des services funéraires de la Ville de Marseille).
C’est ainsi qu’en ont résulté des préconisations opérées par la commission interministérielle :
1° - L’extension du contenu des missions du service extérieur des pompes funèbres, c’est-à-dire de ses éléments constitutifs, intégrant l’ensemble des fournitures et prestations qui avaient considérablement évolué, par les effets de dispositions légales ou réglementaires qui avaient succédé à celles de la loi du 28 décembre 1904.
2° - La suppression du monopole communal, donc l’ouverture à la concurrence.
3° - Un nouvel encadrement des professions du monde funéraire.
4° - Le contrôle des activités par l’État et les maires.
5° - La création d’un organisme de réflexion et d’orientation du domaine funéraire, le Conseil national des pompes funèbres, susceptible de formuler des propositions pour l’évolution du cadre législatif, voire réglementaire, du secteur des pompes funèbres.
La publication des conclusions de ce rapport a suscité l’intérêt des professionnels, qui se sont mis à espérer une réforme radicale de la loi de 1904. Les conditions étaient donc réunies pour l’abolition du monopole, qui intervint avec la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, parue au Journal Officiel de la République le 9 janvier 1993.
Contrairement à ce que l’on a pu écrire, la suppression du monopole ne résultait nullement des préconisations de la Commission européenne de Bruxelles, qui tendaient à abolir les monopoles dans un délai de cinq ans à compter de l’édiction de la directive, car le domaine des pompes funèbres n’avait pas été considéré par les autorités européennes comme constituant une activité économique, mais plus simplement comme un service social.
Néanmoins, l’aspect économique, favorisé en cela par le Conseil de la concurrence et l’obstination du député du Loiret Jean-Pierre Sueur, prit le pas sur les fondements sociaux, et c’est ainsi que la loi du 8 janvier 1993 publiée au JORF le 9 janvier 1993 fut promulguée. Le nouveau cadre juridique ouvrait largement le marché des pompes funèbres à la concurrence, avec des effets tant positifs que négatifs. Mais, de cela, nous avons déjà fait écho dans plusieurs articles publiés dans les colonnes de Résonance.
Jean-Pierre TRICON
Résonance n°115 - Novembre 2015
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