Joséphine Dard, la fille du créateur de San-Antonio, a suivi une formation en psychologie auprès de l’École Européenne de Psychothérapie Socio- et Somato-Analytique, un enseignement qui est basé sur une intégration méthodique et scientifique des grands courants validés. Il ne s’agit pas ici d’additionner des concepts mais de considérer l’humain de manière holanthropique (holos = entier & anthropos = humain).
Joséphine Dard |
Dans le cadre de ses thérapies, Joséphine est appelée à aider des personnes qui n’arrivent pas à faire ce que l’on appelle le travail de deuil, qui n’acceptent pas le décès d’une personne, que cela soit un enfant, un conjoint, un parent.
Pour mémoire, le travail de deuil se déroule en cinq étapes (certains psychanalystes disent 7, mais ce sont souvent les cinq étapes suivantes qui sont reconnues).
- Le refus : le déni de la réalité, on ne peut croire au décès de la personne.
- La colère : on en veut à la terre entière, ce décès est injuste, pour lui, elle…
- Le marchandage : souvent la période la plus courte, on essaie de marchander le retour de la personne disparue, c’est lorsque la personne se rend compte que cela est impossible, qu’elle rentre dans la phase suivante.
- La dépression : généralement la phase la plus longue du processus de deuil. Elle est caractérisée par une grande tristesse, une détresse psychologique et morale plus ou moins importante, selon chacun, souvent suivie d’une longue période de remise en question. C’est à ce moment-là qu’un accompagnement peut aider la personne qui la traverse. Certaines personnes en viennent à des intentions de suicide, rejoindre l’autre, car la mort d’un être aimé nous renvoie à notre propre mort.
C’est une fois ces quatre étapes passées que l’on peut enfin franchir la cinquième.
- L’acceptation : on a compris la disparition irréversible de l’autre, et on l’accepte, on envisage la vie sans cette personne défunte, sans pour autant l’oublier.
Certaines personnes ont besoin d’aide extérieure, c’est pour eux que Joséphine est là…
Sébastien Mousse : Bonjour Joséphine, merci de me recevoir pour répondre à quelques questions. Tout d’abord comment vient la vocation un jour d’aider son prochain par ce genre de thérapie ?
Joséphine Dard : Bonjour, j’ai traversé depuis mon enfance différentes turbulences souvent extrêmes qui m’ont fait m’interroger sur l’âme humaine. Mon parcours de vie m’a amenée à fréquenter des thérapeutes, à lire énormément sur le sujet. Cette science m’attire depuis longtemps mais ce qui m’a convaincue de me former en psychologie c’est la nécessité de comprendre ce qui arrivait à l’un de mes enfants.
SM : Quelle aide une thérapeute peut-elle apporter à une personne qui n’arrive pas à faire face à la perte d’un être cher ? Comment cela se déroule-t-il ?
JD : Lorsque l’on perd un être cher, c’est un arrachement. Une douleur cruelle qui doit se transformer en une tristesse apaisée. La thérapie peut aider à cette transformation, comme une famille unie ou des amis très proches. Le deuil est un processus commun à toute l’humanité, le thérapeute va aider la personne endeuillée à traverser ce processus. Le danger est de passer du deuil à la dépression. Ce qu’il faut surtout éviter c’est de s’isoler. Avant, grâce aux religions (quelle qu’elles soient) le deuil était accompagné, il y avait des rituels, on voyait le corps, il y avait un temps de prière, un temps pendant lequel on s’habillait en noir, etc. Notre société actuelle a fait disparaître ce temps consacré à l’être aimé. Il y a donc un manque, que le thérapeute est là pour combler.
SM : En combien de temps une personne totalement déprimée peut-elle arriver en phase d’acceptation ?
JD : Le DSM IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) parle d’une période de deuil de deux mois ce qui est absolument aberrant. Les anciens disaient qu’il faut 3 ans pour accepter, car 3 ans c’est le temps que mettait le corps pour retourner à la terre. Je sais par expérience que l’on ne peut pas donner de délai, cela dépend d’un certain nombre d’éléments, comme l’âge du défunt, son lien avec la personne endeuillée, et les circonstances de son départ. Malheureusement on a tendance à se terrer pour vivre son deuil, dans ce cas il durera donc beaucoup plus longtemps. La thérapie, grâce à différents outils peut réduire ce temps. Mais il faut surtout en parler, essayer dans la mesure du possible de se divertir, dédier un moment pendant la journée à la personne disparue en allumant une bougie, lui consacrer ses pensées pendant 20 minutes par exemple puis le reste de la journée se redonner le droit de vivre.
Ce n’est pas seulement vous qui faites un travail de deuil, c’est aussi le deuil qui vous travaille. Il faut donc aussi accepter d’être différent à tout jamais après le perte de l’être aimé.
SM : Il ne doit pas être facile d’être à l’écoute de personnes déprimées, il faut une certaine force de caractère, est-ce que le thérapeute se protège lui-même pour ne pas sombrer à son tour dans la dépression ?
JD : Pour être à l’écoute d’une personne déprimée, il faut être capable de voir les choses de son point de vue, de se placer à son côté pour éclairer devant elle. Mais c’est à la personne d’avancer, de choisir et parcourir son chemin, on ne peut malheureusement pas le faire à sa place. Il n’est pas question de sombrer, c’est au contraire un immense bonheur de voir la personne avancer.
SM : Le cadre du centre est idyllique, Frédéric, ton père, écrivait ici. Par ses écrits il pansait quelquefois les peines de ses contemporains, tu le fais à ton tour par tes thérapies. Le lieu est important pour les stages de thérapie intensive ?
JD : Oui, il me semble que ce lieu est primordial, c’est ce que ressentent les gens qui y sont venus. L’Eau Vive est un endroit calme, paisible, où il est bon de venir se ressourcer loin du quotidien. Prendre du temps pour soi pour se recentrer.
J’organise des stages, le thème du deuil y est abordé de façon douce, à travers le dessin, l’écriture, le mouvement et un rituel approprié.
SM : Joséphine je te remercie de m’avoir accordé un peu de ton temps, au plaisir.
Sébastien Mousse
Thanatopracteur.
Éditeur l’Atelier Mosésu
Résonance n°113 - Septembre 2015
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