Après la publication de la loi relative à la modernisation et la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) est sollicitée par nombre de ses adhérents mais aussi par des mairies et des fonctionnaires de police, qui s’interrogent sur les modalités d’application de la nouvelle rédaction de l’art. L. 2213-14 du CGCT. La modification de cet article a provoqué un vrai "binz" du fait du manque évident de concertation et de communication. Cela donne lieu à des interprétations et des applications différentes, voire opposées.
Richard Féret, directeur général délégué, CPFM |
L’art. 15 de la loi 2015-177, qui modifie certains articles du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), engendre de nombreuses interrogations et fait ressortir combien la rédaction des textes législatifs peut être lourde de conséquences pour des personnes qui n’ont pas été préalablement consultées mais qui sont en charge de leur application.
Il est regrettable que les personnes concernées – aussi bien les opérateurs funéraires que les fonctionnaires (personnels des mairies, policiers municipaux ou gardes champêtres) ou les élus – n’aient pas été consultées sur des projets de textes dont les dispositions les impactent directement.
Sur le contrôle des opérations funéraires
La nouvelle rédaction de l’art. L. 2213-14 du CGCT prévoit que la fermeture du cercueil ne fait plus l’objet d’un contrôle systématique (sauf si le cercueil est destiné à la crémation). Si le cercueil est destiné à être inhumé dans une autre commune, l’art. L. 2213-14 distingue deux situations :
- Il n’y a pas de membre de la famille présent à la fermeture du cercueil
La fermeture du cercueil doit s’effectuer en présence d’un fonctionnaire, qui procédera ensuite au scellement du cercueil. Cette situation correspond à ce qui se faisait jusqu’à présent et ne présente pas de difficulté. Il reste parfois difficile de faire connaître au fonctionnaire concerné la nécessité d’intervenir.
- Un membre de la famille est présent à la fermeture du cercueil
Dans ce cas, le texte indique que "les opérations de fermeture et de scellement du cercueil" s’effectuent sous la responsabilité de l’opérateur funéraire. Il manque des informations qui permettraient une application claire du texte.
Quelle est la définition de "membre de la famille" ? En effet, ce terme, qui semble apparemment simple, présente une ambiguïté. A priori, il s’agit d’un ascendant ou d’un descendant du défunt, voire son conjoint (ou partenaire de Pacs). Mais un collatéral (frère, sœur) pourrait-il faire l’affaire ? Quid d’un neveu ou d’une nièce, d’un oncle ou d’une tante du défunt ? Quid d’un allié (beau-frère, belle-sœur, voire beau-parent, gendre ou bru, etc.) ? Qu’en sera-t-il du degré de parenté ? Un arrière-petit-cousin pourrait-il faire l’affaire ?
Un voisin qui fréquentait régulièrement le défunt ne sera-t-il pas mieux à même de l’identifier que ne le sera le petit-neveu qui n’a pas revu son grand-oncle depuis plus de 20 ans… ?
Et quelle est la responsabilité de l’opérateur funéraire qui vérifie (sur quel critère et avec quel moyen) la validité du lien de parenté ?
Pourquoi ne pas avoir fait référence à la notion de "personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles" ?
En effet, cette personne est plus facile à identifier pour l’opérateur funéraire (c’est celle qui va passer la commande des prestations funéraires). Ce peut être un "membre de la famille", mais pas obligatoirement. Ainsi, dans le cas de figure où une personne, sans lien de parenté avec le défunt mais ayant qualité pour pourvoir aux funérailles (elle a été désignée par le défunt pour organiser ses funérailles, par exemple) assiste à la fermeture du cercueil, elle n’a pas qualité de "membre de la famille". Et si le défunt est sans famille
(mais pas sans personne qui pourvoit aux funérailles), il sera nécessaire, si l’on suit le texte, de faire intervenir un fonctionnaire pour contrôler l’opération de fermeture et procéder au scellement du cercueil.
Sur un plan pratique, une question importante reste sans réponse à ce jour
Que convient-il de faire si le membre de la famille, prévu pour assister à la fermeture, ne se présente pas au moment défini ?
- L’opérateur funéraire doit-il reporter cette opération, en attendant qu’un fonctionnaire puisse être prévenu et puisse venir assister à la fermeture du cercueil ? Mais dans ce cas, cela va retarder (voire modifier) le déroulement des funérailles prévu pour s’enchaîner après la fermeture du cercueil. Ce report (ou ces modifications) est loin d’être anodin et peut être source d’importants désagréments, voire de coûts supplémentaires Quid dès lors du formalisme encadrant la conclusion de l’acte commercial des obsèques ? Car il sera nécessaire de définir une nouvelle date, de faire éditer de nouveaux faire-part, de réserver à nouveau des matériels et équipements, etc. Mais cela va nécessiter, pour l’opérateur funéraire, d’établir un nouveau devis, suivi d’un nouveau bon de commande (sous peine de se mettre en infraction avec les dispositions réglementaires encadrant l’information des familles et la conclusion de contrat commercial pour des prestations funéraires).
- L’opérateur funéraire pourrait-il procéder à la fermeture et au scellement du cercueil après avoir constaté (mais sous quelle forme ?) l’absence du "membre de la famille" afin de permettre le bon déroulement des funérailles telles qu’il avait été déterminé auparavant ? Mais dans ce cas, dans quelle mesure ne se mettrait-il pas hors la loi ?
Il est certain que la consultation des opérateurs funéraires préalablement à la rédaction de ce texte aurait apporté un éclairage pratique au législateur pour rédiger un texte plus en adéquation avec la réalité et, de fait, plus facilement applicable. Ainsi, en faisant référence à la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou à une personne qu’elle aurait dûment mandatée, cela permettrait de restreindre la mobilisation des fonctionnaires pour le seul contrôle de la fermeture du cercueil en cas de crémation.
Proposition de rédaction de l’art. L. 2213-14 du CGCT Afin d'assurer l'exécution des mesures de police prescrites par les lois et règlements, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu'il y a crémation s'effectuent : - dans les communes dotées d'un régime de police d'État, sous la responsabilité du chef de circonscription, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par ses soins ; Lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil s'effectuent sous la responsabilité de l'opérateur funéraire en présence d’un membre de la famille, ou de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou d’une personne dûment mandatée par elle. |
Sur le "scellement" du cercueil par l’opérateur funéraire
La fermeture du cercueil par un opérateur funéraire est une action courante et sans ambiguïté, dès qu’elle est opérée avec l’autorisation délivrée par la mairie du lieu de sa réalisation. Si la pose de scellé sur la "vis police" prévue sur le couvercle du cercueil (le "scellement" du cercueil) est effectuée par un fonctionnaire, celui-ci va apposer sur ces deux vis un "cachet". Il s’agit le plus souvent* d’une pastille de cire que l’on fait fondre, dans laquelle est imprimé le sceau dont est muni le fonctionnaire. Ce sceau porte l’empreinte de la ville (dans le cas d’un fonctionnaire de police municipale ou d’un garde champêtre) ou le sceau de l’État (la "Marianne", dans le cas d’un fonctionnaire de la Police nationale).
Le scellement du cercueil par l’opérateur funéraire soulève une question importante : en quoi doit consister le scellé apposé sur la "vis police" ? Apposer une pastille de cire (cire solide ou cire molle) est assez facile à réaliser, mais que doit comporter l’empreinte du sceau que l’opérateur funéraire y appliquera ? Ce ne peut pas être le sceau de la commune ni le sceau de l’État ! Il aurait été judicieux que le texte législatif apporte une simple précision (la dénomination de l’entreprise ou son logo commercial, par exemple).
Pourquoi ne pas avoir prévu un délai d’application de ces dispositions ?
Le texte de la loi no 2015-177, paru au JO du 17 février 2015, est d’application immédiate au lendemain de sa parution. Or il aurait pu être indiqué que les dispositions découlant de la nouvelle rédaction de l’art. L. 2213-14 du CGCT soient d’application différée, le temps que des instructions complémentaires soient largement diffusées afin que les différentes parties concernées par ces dispositions puissent en prendre connaissance et anticipent une mise en œuvre concertée et efficace.
La consultation préalable des opérateurs funéraires, comme des fonctionnaires et des élus, eût été, en l’occurrence, un facteur d’efficacité et de déploiement dans la sérénité. Il est à déplorer que des décisions soient mises en œuvre de façon unilatérale, par des personnes qui n’auront pas à en assumer les conséquences pratiques et quotidiennes. Les projets de textes réglementaires impactant les opérations funéraires doivent faire l’objet d’un avis consultatif du Conseil National des Opérations Funéraire (CNOF), ce qui permet de faire remonter des observations dont la prise en compte peut s’avérer bénéfique pour aboutir à une application optimale des textes. On ne peut que regretter que les projets de textes législatifs sur le même secteur ne fassent pas, eux aussi, l’objet de la consultation des opérateurs funéraires et des fonctionnaires directement concernés.
Pierre Larribe
La CPFM
Nota :
* On observe l’utilisation de "cire molle" qui présente un aspect malléable et qui ne nécessite pas d’être "fondue" pour pourvoir être appliquée sur un support et recevoir l’empreinte d’un sceau. On observe également l’utilisation de "vignettes" (ou "gommettes") en papier, autocollante, dont le retrait entraîne la déchirure.
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