Il y a quelque temps, Laurent Bettoni me contacte, il a lu sur le web les chroniques que je fais dans "Résonance", et il veut savoir si cela m’intéresse de lire son livre. Il m’envoie des extraits du livre à sortir, et je suis sous le charme.
Pourtant, ce n’est pas le genre littéraire que je préfère, comme dirait San-Antonio : "Moi, vous me connaissez", ce dont je me régale, c’est le polar, le roman noir et parfois le thriller. Là, on est plus dans la science-fiction, l’anticipation, puisque l’on parle de voyage spatio-temporel…Et surtout, c’est le livre destiné à un public assez jeune, pour adolescents, mais dont les adultes peuvent aussi se délecter sans aucun souci. Car nul voyage dans les temps préhistoriques ou dans le futur ; non, plus dans un passé assez proche, le Paris de 1912, puis une étape sur le retour en 1947. Et quand un gamin de quatorze ans qui veut mener une enquête se voit aider de Sherlock Holmes, il ne peut être qu’aux anges !
On croise aussi des personnages comme Proust, dont nous apprendrons enfin comment peut naître le titre d’une œuvre majeure, Cocteau. Puis on voyage aussi dans l’évolution du social ; bien que ce livre soit une œuvre de pure fiction, il y a quelques jolis clins d’œil à l’évolution industrielle, entre autres. Cela peut aider les plus jeunes à comprendre certains rouages de la mondialisation, par exemple.
C’est un livre surprenant, un mélange d’une écriture feutrée, impeccable pour les descriptions, les paysages et autres scènes, mais les dialogues sont bien ceux d’adolescents du XXIe siècle, ce cocktail littéraire donne une fluidité de lecture et surtout un genre très intéressant pour amener nos chères têtes blondes à la lecture.
Résumé :
Arthus Bayard a perdu ses parents dans un accident d'avion lorsqu'il avait cinq ans. Depuis, Bérengère et Thibault Saint-Ange, amis de longue date des Bayard, l'élèvent comme leur fils. Ils ont aussi une fille, Lalie, du même âge qu'Arthus. Les parents étant absorbés par leurs affaires, les adolescents sont placés sous la responsabilité d'une gouvernante écossaise, Loreena, descendante éloignée de l'éminent scientifique Alexander Fleming, et d'un homme à tout faire froussard et maladroit, Tomaso.
Un dimanche matin, alors que la famille Saint-Ange se recueille sur la tombe de Paul et Clémence Bayard, une force mystérieuse s'empare d'Arthus : il se met à trembler de toutes parts. Lalie lui prend la main pour essayer de le calmer, mais se retrouve soudain transportée avec lui dans le Paris de 1912. De retour dans le présent, incrédules, les deux adolescents demandent l'aide de Loreena et Tomaso.
Hélas, quand le don hors du commun du garçon se manifeste à nouveau, les adultes sont également impuissants. Ils atterrissent ainsi tous les quatre au beau milieu d'un bal costumé du début du XXe siècle, entourés d'artistes de l'époque : Proust, Cocteau, Nijinski... Mais la fête tourne court lorsque Arthus découvre qu'elle est le théâtre d'une terrible machination... Très vite, nos héros sont entraînés dans une série d'aventures dont les surprises et rebondissements sont nombreux.
Au cours de leur lutte improvisée contre l'infâme Chronos, ils croisent la route de l'explosif Bonnot et du flegmatique Conan Doyle, qui leur apporte une aide plus qu'élémentaire. La petite bande file ensuite tambour battant et bien malgré elle dans des époques et des lieux différents, où Chronos attend Arthus de pied ferme pour l'ultime confrontation. Tomaso claque des dents, Lalie pique des colères, Loreena joue des pieds et des poings, et Arthus se rapproche du terrible secret qui l'entoure.
Laurent Bettoni
Crédit photo : Laurent Bettoni.
Extraits :
"Arthus avait-il bien entendu ? Sherlock Holmes en personne allait l'aider à résoudre une enquête. Trop la classe !"
"Le garçon rejoignit Loreena et Lalie, tandis que le père de Sherlock Holmes prit la place de copilote, à côté de Tomaso. Un grand sourire aux lèvres, pointant sa canne en avant tel un sabre de cavalerie, il sonna la charge : "Chauffeur, à Montmartre !" Sur ce cri de guerre, la De Dion-Bouton roula vers le repaire des voyous montmartrois, où, pour reprendre les mots de Conan Doyle, la diligence s’ébranla en direction du territoire apache. Avec à son bord un fameux équipage, constitué d’un écrivain légendaire, d’un homme de main, dont c’étaient la maladresse et la frousse qui étaient légendaires, d’une nurse anglaise au caractère en acier trempé, d’une jeune fille aussi ravissante que capricieuse et d’un jeune homme capable de voyager dans le temps ; ces deux derniers s’entendant parfois comme chien et chat, parfois comme larrons en foire, se détestant ou s’adorant, d’une minute à l’autre."
Rencontre avec L’auteur :
Sébastien Mousse : Bonjour Laurent, quand tu as écrit ce livre, tu écrivais plus pour les adolescents, les adultes, ou dès le départ tu voulais lier les deux lectorats ?
Laurent Bettoni : J’ai d’emblée cherché à écrire un livre populaire et pour tous publics. Comme il y a le film du dimanche soir qu’on regarde en famille, j’ai voulu proposer le "livre du dimanche soir" ; un grand divertissement pour tous, des petits-enfants aux arrière-grands-parents. De "l’entertainment" pur. Mais attention, pas au détriment du style. Du moins ai-je essayé. Pour moi, le terme "populaire" ne revêt aucune connotation péjorative, au contraire. Il est extrêmement difficile de satisfaire le plus grand nombre. Et comme tu le précisais dans ta présentation – tu as très bien senti mon intention –, mon souhait est de conduire à la lecture des gens qui n’y seraient peut-être pas venus. Et l’air de rien, tout en divertissant, je tente d’enseigner deux, trois petites choses.
SM : "Arthus Bayard et les maîtres du temps" n’est que le début, la fin du livre appelle une suite, est-ce que tu sais le nombre d’opus prévu ?
LB : J’adore et redoute à la fois les suites. Je les adore, car si j’ai adoré un premier tome ou un premier film, j’en veux encore ; je les redoute, car si elles me déçoivent, je trouve que ça dévalorise l’œuvre. J’ai donc eu une véritable interrogation lorsque nous avons envisagé, avec l’éditrice, Stéphanie Chevrier, la possibilité de poursuivre l’aventure, des aventures d’Arthus. Et plane également l’angoisse, pour l’auteur, de rester prisonnier à vie d’un même livre et des mêmes personnages. Conan Doyle, par exemple, puisqu’il est un peu question de lui dans ce roman, a été assez malheureux de ne pas pouvoir écrire autre chose que ses Sherlock Holmes. Chaque fois qu’il s’y est essayé, les lecteurs n’ont pas été au rendez-vous. En France, Frédéric Dard n’a jamais pu sortir de San-Antonio – façon de parler. Voilà ce que j’avais en tête au moment d’envisager une suite à Arthus. Mais il se trouve que j’adore cette histoire, que j’adore mes personnages et que j’ai adoré le travail effectué avec Stéphanie et ses collaboratrices, Aurélie et Inès. J’ai été mis en confiance très rapidement et j’ai joui d’une grande liberté durant la phase d’écriture, ce qui compte plus que tout pour moi. Je peux donc annoncer, c’est officiel à présent, que le tome II doit paraître courant 2014. Cela aussi, c’est remarquable, de la part de Stéphanie, de s’engager autant en amont des retombées du premier tome. En tout cas, pour moi, c’est un signe fort de la confiance qu’elle me témoigne.
SM : On sent dans les personnages, dans l’écriture, une inspiration venant d’horizons très divers, comme Harry Potter, Sherlock Holmes, Werber… Ce sont des auteurs que tu apprécies ?
LB : Parmi les trois auteurs que tu évoques, je n’en ai lu qu’un, Conan Doyle. En revanche, j’ai vu au cinéma tous les "Harry Potter" et je ne connais rien de l’œuvre de Werber. Je suis un grand fan de Conan Doyle – tout comme Arthus – et j’ai beaucoup aimé les films de la série "Harry Potter". J’ai, de toute manière, une culture cinématographique qui se ressent, d’après ce qu’on me dit, dans ma façon d’écrire, très visuelle et très scénarisée. Il est vrai que j’ai voulu faire avec Arthus un livre à grand spectacle, en costumes et décors. Sinon, les auteurs que j’apprécie sont plutôt dans la mouvance de Céline, Bret Easton Ellis, Chuck Palahniuk, Jay McInerney ; assez proches de ce que j’écris d’ordinaire. Très loin d’Arthus, donc.
SM : Tu mêles, tout au long de ton ouvrage, l’histoire, la mythologie, les légendes et la fiction, le résultat est très intéressant et captivant, mais l’exercice est-il difficile ?
LB : Pour moi qui ai toujours été nul en histoire, l’exercice est plus que difficile. C’est aussi ce qui m’a poussé à m’interroger sur la pertinence d’une suite. J’ai mis six mois à collecter pour le tome I les informations historiques dont j’avais besoin et à bâtir le scénario. Les recherches de documentation n’est pas la partie que je préfère… Mais il faut croire que je suis un brin masochiste, car, pour le tome II, je me suis lancé dans quelque chose d’assez énorme, dont je ne peux encore rien dire pour le moment. En tout cas, pour le tome I, chaque fois que je pouvais, j’inventais, c’est plus simple. Ainsi la mythologie de Chronos sort-elle de mon cerveau dérangé. Pour le reste, j’ai dû vérifier les infos, car la seule consigne de Stéphanie était : "Pas d’uchronie". J’ai donc suivi les consignes de la chef.
SM : Tu ne veux pas te cantonner dans un style, certains auteurs ne font que du polar, du noir de la S-F, toi, lorsque l’on t’interroge, tu parles de littérature grise, qu’est-ce donc exactement ?
LB : Ah ! La littérature grise… Ce terme m’est venu un peu comme une blague, parce que j’en avais marre d’entendre parler de littérature noire d’un côté et de littérature blanche de l’autre. Je trouve cela réducteur et très scolaire. Pour moi, il y a la littérature, qui constitue un genre en soi, et la non-littérature (documents, essais, guides, dictionnaires, etc.), qui en constitue un autre. Je n’aime pas tellement être catalogué ni rangé sur une étagère, même si cela arrange les libraires. Donc, je dis que je fais de la littérature grise, car j’essaie de toujours tout mêler dans mes livres sans me préoccuper des Codes, ni des convenances, ni des barrières, qui ne sont jamais que des vues de l’esprit fondées sur… rien.
SM : Quelle est ton actualité, littéraire ou non, du moment ?
LB : Mon actualité littéraire, c’est bien sûr "Arthus Bayard et Les Maîtres du temps", en librairie à l’instant où je rédige ces lignes. J’ai également une série littéraire chez La Bourdonnaye, intitulée "Les Costello, une série mordante", une histoire de déménageurs losers et vampires, dans laquelle il y a de l’humour et du noir, justement. La première saison s’est achevée le 15 septembre, et l’intégrale va prochainement sortir (fin octobre, début novembre) ; il s’agit d’un feuilleton en six épisodes par saison, dont chaque épisode est écrit pour un temps de lecture de vingt minutes. Cela me permet de faire le lien avec mes nouvelles activités au sein de cette maison d’édition, qui m’a récemment confié la responsabilité de sa ligne éditoriale. Je vais m’amuser comme un petit fou ! Enfin, dernière actualité, la création du GLN (Groupement pour le développement de la Lecture Numérique), dans lequel je suis chargé des relations avec les auteurs. Le GLN se fixe comme objectif de promouvoir le développement de la lecture sur tous supports numériques, et de fédérer tous les acteurs intervenant dans ce domaine. Cela en bonne intelligence et en complémentarité avec les acteurs de la chaîne éditoriale "traditionnelle". Le numérique et le papier ne sont pas ennemis, ils sont seulement deux supports de lecture à disposition du public. Nous avons eu un rendez-vous très intéressant, à ce sujet, avec les représentants de la Société des Gens De Lettres (SGDL), ce matin.
SM : Laurent, je te remercie de m’avoir accordé un peu de ton temps pour les lecteurs de Résonance.
LB : Merci à toi pour l’intelligence de tes questions, c’est très agréable. Et j’espère de tout cœur que les lecteurs de "Résonance" se régaleront avec Arthus.
Sébastien Mousse
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