Aquamation, promession, résomation… Des alternatives à la crémation, jugées par leurs promoteurs plus écologiques, tentent de s’imposer aux États-Unis, au Canada, en Australie notamment. En France, ces procédés funéraires sont interdits, comme le rappelait le ministère de l’Intérieur en juillet 2016. Pour l’heure, pas de salut donc hors de la crémation et de l’inhumation.
Elles se nomment résomation, aquamation, promession, et ces pratiques funéraires sont présentées par leurs promoteurs comme des alternatives futures, crédibles et écologiques à la crémation. Encore peu fréquentes, elles visent à offrir le choix de dissoudre les corps par la chaleur, par le froid ou par la chimie. Pour l’heure, seules l’inhumation et la crémation sont autorisées en France. Par ailleurs, le défunt doit obligatoirement se présenter à la cérémonie dans son cercueil scellé. Mais demain ?
Elles se sont mises à deux, chacune de son côté, pour promouvoir la promession, la transformation de corps en compost. La Suédoise Susanne Wiigh-Masak et l’Américaine Katrina Spade usent toutefois de voies différentes. La Suédoise, dès 2001 à Lyr, a engagé un projet via sa société Promessa consistant à réduire le défunt en usant de la cryotechnologie. Le corps est fragilisé en étant plongé dans de l’azote liquide à -196°C. Placé sur une table vibrante, friable, il est ensuite disloqué, séché à froid pour en extraire l’eau, filtré pour recueillir les métaux. Placés dans une urne biodégradable, les résidus obtenus peuvent alors s’en aller nourrir la terre. Plusieurs pays (Suède, Afrique du Sud, Corée du Sud) permettent ce procédé.
Techniques de compostage
Katrina Spade va plus loin, voulant appliquer à l’homme les techniques de compostage déjà usitées sur les dépouilles d’animaux. Architecte à Seattle, elle a imaginé un bâtiment (Urban Death Project) où les cadavres humains viendraient se décomposer, placés au contact de sciure de bois dans ce lieu ventilé. En désagrégeant les corps dans une réaction naturelle, les bactéries les transformeraient en terreau à disperser. L’argument écologique se résume à autant de planches de bois coupées, de béton funéraire et de produits de thanatopraxie produits en moins dans la nature. Psychologiquement, sommes-nous prêts ? C’est autre chose.
Autre alternative à la crémation imaginée : la destruction du corps dans l’eau, à l’aide d’un procédé d’hydrolyse. Les hautes températures varient selon les méthodes proposées, les chairs étant dissoutes en quelques heures. La pratique a été rendue possible en Australie et outre-Atlantique, ne rejette pas de gaz et utiliserait dix fois moins d’énergie. Témoin la solution dérivée développée depuis 2007 par le biochimiste Sandy Sullivan (baptisée "résomation") pour le compte d’une société écossaise exerçant aux États-Unis.
D’abord expérimentée sur des cadavres d’animaux, testée au funérarium Anderson-McQueen à Saint-Petersburg (Floride), cette technique a ensuite été légalisée dans une demi-douzaine d’États américains et s’est répandue jusqu’au Canada. Selon son créateur, la résomation n’utilise qu’un septième de l’énergie nécessaire à une crémation. Elle produit un tiers de gaz à effet de serre en moins. Qui plus est, aucune substance nocive du type dioxine ou mercure n’est libérée. Début janvier 2017, cette seule opération était facturée l’équivalent de 660 € dans cet établissement funéraire américain.
Placé dans un caisson d’aluminium
Le corps est placé dans un sac en soie hydrolysable, puis entre dans un caisson en aluminium (le "Resomator"). Il est ensuite plongé dans une solution d’eau et d’hydroxyde de potassium (corrosif) que l’on chauffe à 170 degrés pendant près de trois à quatre heures (pour un adulte de corpulence normale), sous pression pour éviter l’ébullition. Les tissus humains sont dissous dans le liquide. Si le défunt portait une prothèse, un plombage, les parties métalliques sont récupérées. Comme lors d’un passage au four, ne demeurent ensuite que des fragments osseux, qui sont ensuite broyés en une poudre blanche collectée, puis remise à la famille dans une urne. On est ici bien près d’un rite de crémation, une cérémonie pouvant précéder la résomation, suivie de la remise de l’urne aux proches.
Une méthode assez semblable est employée au Canada, à Prince Albert (dans le Saskatchewan). Un thanatopracteur a équipé sa maison funéraire d’une machine en 2012, disposant les corps dans un mélange de 300 litres d’eau, d’hydroxyde de sodium et de potassium, chauffé à 98 degrés pendant douze heures. À la fin du processus, outre des os, ne restent dans l’eau que des acides aminés, des peptides et du sel.
En imaginant qu’un jour cette technique soit autorisée en France, la question du sort du liquide récupéré (300 litres) devrait être posée, au regard de la réglementation environnementale française. Qu’en fait-on ? Commentant ce sujet en mai dernier, la Fédération Française de Crémation a appelé avec prudence à "ne pas trop se précipiter".
Olivier Pelladeau
Résonance hors-série n°4 - Août 2017
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