À l’heure où la crémation n’est plus anecdotique, ou les propositions de vols low-cost envahissent nos écrans et où la crise économique encourage bon nombre de nos concitoyens à partir travailler à l’étranger…, les textes de loi, eux, restent au point mort concernant la pratique dite : du "dépotage" !
Philippe Le Normand, dirigeant des Pompes Funèbres Roger Marin. |
Pour ceux d’entre vous qui ne savent pas encore ce qu’est le dépotage - on parle bien de funéraire et non pas de jardinage -, il s’agit d’un cas particulier auquel bon nombre d’exploitants de crématoriums et d’entreprises de pompes funèbres sont confrontés de plus en plus fréquemment.
En effet, du fait même de l’évolution et du développement conjugués de la crémation, des moyens de transport et du tourisme, sans oublier la délocalisation de certaines entreprises dans des pays économiquement et fiscalement plus attrayants, il n’est plus très rare qu’un exploitant de crématorium, pour ne citer qu’eux, ait affaire à un défunt ayant fait l’objet d’un rapatriement depuis l’étranger – donc cercueil en zinc – et qui ait clairement exprimé sa volonté d’être crématisé. Il faut alors dépoter ou expoter le cercueil en zinc du cercueil en bois traditionnel afin de pouvoir procéder à la crémation.
Bien que très simple dans les faits, cette pratique l’est beaucoup moins du point de vue administratif, et représente bien souvent, pour les pompes funèbres et les exploitants de crématoriums, le début d’une suite de démarches administratives à l’issue incertaine car fonction de l’accord du procureur, du préfet et/ou du maire. Alors que ce cas de figure se présente de plus en plus souvent, il n’existe, à ce jour, aucun texte, aucune loi qui vienne encadrer et réglementer cette procédure.
Lors d’un entretien récent avec Philippe Le Normand, dirigeant des Pompes Funèbres Roger Marin et exploitant de deux crematoriums, l’un en Seine-et-Marne et l’autre dans l’Essonne, celui-ci nous confiait : "il y a une vraie incohérence dans le fait qu’une préfecture autorise l’expotage et la préfecture voisine non. Il est vraiment nécessaire qu’un texte vienne encadrer ce cas de figure… Il faut que le législateur se penche sérieusement sur la question. C’est un cas récurrent, et cela n’ira pas en s’arrangeant aux vu des évolutions sociétales".
Et de poursuivre : De plus, les démarches administratives ne sont que l’un des problèmes.
Quid des cercueils en bois qui présentent des caractéristiques différentes des cercueils Français (traverse de renfort en dessous du cercueil, pieds en excroissance, dimensions parfois démesurées, etc…).
Quid de l’élimination des cercueils en zinc (transport, recyclage, désinfection, destruction).
Quid de la présence ou non de pacemaker lorsque le certificat médical n’a pas été complété de façon rigoureuse, quid des maladies et infections à la manipulation, quid de l’hygiène en général lors de ce genre d’opération délicate, quid du délai réglementaire pour procéder à la crémation… Lorsque ce cas de figure se présente, nous naviguons à vue et devons nous adapter au plus vite afin que les familles n’en subissent pas les conséquences, d’aucune façon."
M. Le Normand n’est pas un cas isolé, loin de là, et le vide juridique qui entoure la pratique de l’expotage n’est pas fait pour arranger les professionnels funéraires dans leur travail au quotidien. Dès lors que la crémation augmente, de même que la mobilité des personnes, légiférer sur la pratique de l’expotage vaut autant que la mise en place d’un schéma régional des crématoriums pour le bon fonctionnement du secteur funéraire en France.
Steve La Richarderie
Résonance hors-série #1 - Spécial Crémation - Août 2015
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