Avec près d’une dizaine de crématoriums et plus de vingt-cinq funérariums réalisés, l’Atelier Bertin Architectes met depuis vingt ans son expérience au service du funéraire. Orchestrées par Jacques Bertin et Maria Sanabria, leurs créations architecturales sont marquées par une volonté indéfectible de respecter l’humain et l’environnement. De cet esprit naissent des réalisations empreintes de transparence et d’effacement… de cet effacement progressif du corps de l’être aimé vers la flamme originelle.
Crématorium de Gap
Privilégier le lien direct que peut avoir l’architecture avec "l’Homme et la Vie" a conduit Jacques Bertin et Maria Sanabria a intervenir aussi bien dans le domaine de la santé, de l’éducation que dans celui des établissements dédiés aux personnes âgées et aux handicapés. C’est donc dans un cheminement logique qu’ils se dirigent vers le funéraire dans les années quatre-vingt-dix et initient notamment le concept du crématorium de proximité.
Une première boutique funéraire rue Lecourbe à Paris, peu de temps après une chambre funéraire à Sainte-Geneviève-des-Bois, tout près de l’historique et célèbre "cimetière des Russes"… Et, en 1996, l’Atelier Bertin Architectes gagne le concours pour la création du crématorium-funérarium et jardin du souvenir de Poitiers. Le début d’une belle aventure d’édification de bâtiments liés à la fois au souvenir et à la crémation commence et surtout celui d’une nouvelle réflexion sur l’humanisation de ce type de lieu où la mémoire, la sérénité et la disparition doivent se mêler pour ne faire plus qu’un.
Dans cette idée, la conception du crématorium-funérarium de Poitiers sera un manifeste représentatif de leurs recherches sur le sujet avec une maîtrise d’œuvre complète comprenant l’intérieur et l’extérieur. Un soin particulier est donc apporté aux espaces paysagers avec notamment la création d’un patio donnant une ouverture sur l’environnement où se trouve, en son centre, une fontaine et des bassins d’eau longitudinales, séparant ainsi le funérarium et le crématorium (cet atrium sera remplacé par la suite par une travée végétalisée). La "traversée" se faisait alors sur un petit pont en verre, comme une transparence au-dessus de l’eau. Les deux bâtiments proposent quant à eux une vision reposante, boisée, aux tonalités blanches et beiges. Les portes et les bancs (légèrement arrondis et en lamellé-collé) de la salle de cérémonie ont été spécifiquement dessinés par l’atelier Bertin.
Crématorium "de proximité"de Bourg-Saint-Andéol.
Cette expérience architecturale sera suivie de nombreux projets, réalisés seuls ou en participation (souvent un architecte local pour la direction de chantier). Parmi les plus marquants, le crématorium de Gap (05), réalisé en 2011, représente parfaitement la philosophie de Jacques Bertin et Maria Sanabria. L’ensemble est en béton blanc, inscrit dans une perspective de lignes courbes, à la forme générale inclinée, humble et propice au recueillement, suggérant un navire qui s’en va. Les façades évoquent, avec leurs finitions graphiques jouant sur l’ombre et la lumière, la disparition. La salle de cérémonie, dont la porte d’alcôve (superbe vitrail monumental) est l’œuvre du maître verrier Claude Baillon, s’ouvre vers un jardin zen, un bois alpin et une petite rivière aux clapotis apaisants.
D’autres réalisations démontrent leur volonté de donner une orientation réfléchie à leur travail. Le crématorium de Bastia (2011/2013) s’inscrit dans une adaptation environnementale poussée, tant géographique (terrain très accidenté) que géologique et culturelle (façades en pierres sèches). Celui de Saint-Thégonnec (29) répond à des principes écologiques avec une ossature bois et un système de récupération des calories du four alimentant le chauffage par le sol du bâtiment. Pour Beaurepaire (38), l’Atelier Bertin choisit l’option organique avec un édifice tout en courbes où deux demi-cercles légèrement différents sont assemblés en un rond à l’ossature bois et aux façades en terre cuite. Comme pour Gap, on retrouve une porte d’alcôve monumentale mais ici en verre peint, œuvre des architectes.
Enfin, l’un des derniers en date, le crématorium de Bourg-Saint-Andéol (07), construit en 2012, envisage l’humain au centre des préoccupations sociétales. L’enjeu est ici la proximité. En effet, pour Jacques Bertin, les moments douloureux et difficiles du deuil ne doivent pas s’augmenter de la pénibilité d’un fastidieux transport dû à un établissement beaucoup trop éloigné. D’une surface de 305 m² (la moitié environ d’une structure "normale"), ce crématorium de proximité a une salle de cérémonie de 100 places mais, modulable, elle peut augmenter sa capacité à 150.
Jacques Bertin et Maria Sanabria,
architectes dans leur atelier.
Pour conclure, comme le dit fort justement Jacques Bertin : "On ne peut aborder ce type de bâtiments (une fois assimilées les spécificités et les contraintes purement techniques) sans être empreint d’émotions et de dons de sens. Même si nous avons obligation de mettre, sur notre plan d’architecte, les éléments incontournables "four/sas/salle de cérémonie/accueil" (définis selon une circulation particulière et inévitable), une fois cela posé, alors l’émotionnel se substitue au fonctionnel. Là, nous devons donner un sens profond à notre travail. Envisager le crématorium comme une transparence dans l’environnement et comme un refuge (pour les familles) où l’être cher et la douleur peuvent commencer à s’effacer."
Gil Chauveau
Résonance hors-série #1 - Spécial Crémation - Août 2015
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