En partenariat, pour la première fois, avec la Ville de Paris, le SIFUREP (Syndicat Intercommunal Funéraire de la Région Parisienne), le plus important syndicat intercommunal du domaine funéraire en France, a organisé son colloque annuel, le jeudi 20 octobre dernier. Cette collaboration témoigne du véritable enjeu urbain et environnemental des cimetières pour la métropole.
À l’occasion de ce colloque, 120 personnes représentant les communes du syndicat, des syndicats intercommunaux de cimetière, des professionnels ont échangé leurs expériences et leurs points de vue sur la gestion et l’entretien respectueux de la biodiversité dans les cimetières.
Le colloque a été ouvert par Carinne Juste, présidente du SIFUREP, maire de Villetaneuse, présidente du syndicat intercommunal du cimetière des Joncherolles, et Fabienne Giboudeaux, maire adjointe de la Ville de Paris en charge des espaces verts. Véritables milieux de vie, les cimetières constituent de précieux réservoirs d’espèces florales et faunistiques rares ou ordinaires, inhabituels dans un environnement urbain, et de véritables îlots de fraîcheur, indispensables en période de canicule. Ainsi, le plan biodiversité de la Ville de Paris, qui a été présenté en novembre au conseil municipal, intègre également les cimetières.
Une démarche stratégique globale
Philippe Jacob, responsable du plan biodiversité à l'"Agence de l’écologie urbaine, direction des espaces verts et de l’environnement" de la Ville de Paris, a montré combien la biodiversité nécessite une démarche stratégique globale afin de mettre en cohérence la politique de la Ville de Paris en matière de biodiversité, à l’échelle de la commune et de la métropole. "Les 4 enjeux majeurs sont de renforcer les continuités écologiques, mieux intégrer la biodiversité dans la démarche de développement durable initiée par la Ville de Paris, développer et fédérer la connaissance, porter les messages avec la création de l’observatoire de la biodiversité". Le premier objectif du plan consiste, souligne M. Jacob, à renforcer les continuités que sont les trames verte et bleue. "Les cimetières font partie de ce cheminement, le but est que les espèces ne viennent pas à Paris pour y mourir, mais puissent circuler, s’alimenter et se reproduire". Un certain nombre d’actions sont déjà engagées dans le cimetière du Père-Lachaise, l’un des quatre sites pilotes du plan.
Au cimetière de Pantin (en Seine-Saint-Denis), la végétalisation des cheminements entre les sépultures a été mise en œuvre en conciliant les impératifs de sécurité et de confort de l’usager et les objectifs de continuité écologique. Des espaces refuges d’évolution naturelle seront installés dans certains cimetières après une expérimentation au Père-Lachaise. Les participants ont découvert que des renards s’étaient installés dans le cimetière du Père-Lachaise ou au cimetière des Joncherolles.
La prise en compte du développement durable dans les cimetières : nouvelles formes paysagères, nouveaux modes de gestion
Plusieurs exemples d’aménagement de cimetières ont été présentés lors du colloque. Parmi eux, ceux du cabinet Atelier de l’Île qui s’est chargé de l’extension des cimetières de Noisy-le-Grand et de Magny-le-Hongre. Dans le premier cas, Bernard Cavalié, paysagiste, souligne qu’il a été ajouté à l’établissement existant, dépourvu de toute végétation, "un espace de terrasses, organisé autour de l’eau et de haies. Les sépultures sont limitées à des dalles horizontales, restreignant ainsi la partie minérale au profit du végétal". L’extension du cimetière de Magny-le-Hongre, situé à Marne-la-Vallée, a privilégié encore davantage l’aspect végétal. "Des lisières ont été installées au bout de chaque allée, le mur d’enceinte a été équipé de structures métalliques accueillant des plantes grimpantes et, autour des sépultures, liberté est laissée de choisir ses plantations, ce qui donne encore plus de diversité au paysage".
Autre exemple d’aménagement de cimetières favorisant la biodiversité, celui d’Angers. Les services des espaces verts de la ville se sont fixé comme objectif "zéro phyto". Pour faciliter leur entretien, les espaces sont transformés. Ainsi, des allées sont enherbées, les espaces inter-tombes sont plantés avec des tapis de sedum, plante vivace qui limite la pousse des mauvaises herbes. Dans les cimetières parisiens, l’utilisation de produits phytosanitaires a diminué de 87 % entre 1998 et 2011...
Pour réfléchir à la place des cimetières, les communes disposent des outils cartographiques réalisés par le SIFUREP, en partenariat avec l’APUR, (Atelier Parisien d’Urbanisme). Frédéric Bertrand, architecte, urbaniste, a rappelé les enjeux climatiques et l’intégration nécessaire des cimetières dans la trame verte.
"Si on s’y met tous, cimetières, jardins, terrains de sport, a indiqué M. Bertrand, on peut considérablement améliorer les déplacements et les migrations de la faune et aussi accroître les îlots de fraîcheur". Afin d’aider les gestionnaires des cimetières dans leurs travaux visant à favoriser la biodiversité, le SIFUREP a décidé de créer une centrale d’achats qui offrira ses services dans le cadre de marchés et qui sera aussi un lieu de mutualisation des expériences.
Des actions d’information doivent être menées pour informer et former les publics
Ces aménagements nécessitent une bonne sensibilisation du public, ont insisté les intervenants. Certes, les transformations paysagères en cours répondent aux nouveaux usages des cimetières, lieux aussi de promenade familiale, mais les visiteurs, notamment les personnes âgées, peuvent avoir certaines difficultés à se déplacer sur des espaces enherbés ou à accepter la multiplication des escargots et des limaces sur les tombes ou la végétation spontanée...
Les cimetières sont aussi des lieux de visite insoupçonnés. Ainsi, le CORIF, (Centre Ornithologique d’Île-de-France), organise régulièrement des visites dans les cimetières parisiens, notamment au Père-Lachaise, à Pantin ou à Thiais. "Il existe, a indiqué Patrick Suiro, 60 espèces d’oiseaux nicheurs à Paris dont 25 au Père-Lachaise..." Les cimetières qui le désirent peuvent faire appel au CORIF pour organiser des visites et faire ainsi mieux connaître leur patrimoine ornithologique et la faune qui réinvestit ces lieux comme les renards au Père-Lachaise ou au cimetière de Thiais par exemple.
Le rôle social et culturel des cimetières dans la cité.
La deuxième partie du colloque a mis en lumière le rôle social et culturel des cimetières dans la cité. Ces lieux sont, en effet, les témoins de l’histoire de la ville, constituant un véritable patrimoine identitaire. Mur des Fédérés au cimetière du Père-Lachaise, monuments de la déportation au cimetière de Bagneux, tombe de Karl Marx au Highgate Cemetery de Londres, stèle des anarchistes pendus au cimetière de Waldheim à Chicago : autant de sites qui, comme l’a rappelé Danielle Tartakowski, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris VIII, font l’objet de rassemblements, de liens collectifs, d’usages non prévus. "Les vivants créent du lien entre les tombes et à partir de là ils donnent un sens à la vie et à la mort" explique Mme Tartakowski. Une étude des constructions sociopolitiques que sont les cimetières et leur inscription dans la cité est d’ailleurs le sujet du numéro du magazine "Mouvement Social" paru début novembre dernier et auquel Danielle Tartakowski a contribué.
Une route européenne des cimetières
Pour faire connaître au grand public cet héritage funéraire, une route européenne des cimetières a été créée à l’initiative de l’ASCE, (Association of Significant cemeteries in Europe). En France, seuls Paris et Strasbourg ont adhéré à cette organisation. D’autres villes sont appelées à les rejoindre et à participer à cette route qui concerne cinq millions de visiteurs potentiels par an. Dans le cadre des projets Paris métropole, le SIFUREP a la volonté de créer une initiative similaire entre les cimetières de son territoire et envisage d'adhérer à son tour pour représenter ses communes adhérentes.
Comment conserver la variété de ce patrimoine funéraire ?
Régis Bertrand, professeur émérite d’histoire moderne de l’Université Aix-Marseille, conseille aux gestionnaires de cimetières, de se faire aider par les sociétés de généalogistes, car "dans des tombes banales peuvent être enterrés des personnages célèbres localement ou nationalement...".
La visite des cimetières révèle l’histoire et les traditions des communautés locales. Les épitaphes sur les stèles, les identités, sont des témoins de la petite et de la grande histoire. M. Bertrand explique qu’il ne faut pas toujours vouloir tout conserver et "fossiliser" mais qu’il faut garder la trace par une couverture photographique. "Parfois il convient de conserver la cohésion d’ensemble, une perspective générale des carrés plutôt que telle ou telle tombe." Les cimetières sont aussi les témoins d’un art funéraire riche et souvent local mais qui a disparu, comme les couronnes en céramique de Vallauris. L’aspect ethnologique des cimetières par l’étude des objets déposés sur les tombes doit aussi être étudié.
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