À l’occasion des Rencontres annuelles de l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP), la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL), représentée par Marie Cornet, cheffe du bureau des services publics locaux, et Hélène Vareilles, son adjointe, avait répondu à l’invitation de Manuel Sauveplane pour présenter, devant un parterre d’élus, de chefs de services cimetières et de dirigeants d’opérateurs funéraires publics, les dernières actualités juridiques du secteur funéraire.
Au sein de la sous-direction des Compétences et des Institutions Locales (CIL), le bureau des services publics locaux (CIL3) a pour mission de s’assurer de la bonne mise en œuvre des compétences des collectivités dans le cadre des textes nationaux ou européens concernant l’organisation et le fonctionnement des services publics industriels et commerciaux et des services publics administratifs. Couvrant un large spectre, dont le domaine funéraire, son rôle est de définir le cadre juridique de la mise en œuvre des compétences des collectivités dans les différentes politiques publiques. C’est au sein de ce service que s’écrivent en interministériel, avec le ministère de la Santé notamment, les textes intéressant le domaine funéraire.
Un des principaux enjeux est de faire coïncider le temps long, celui des arbitrages politiques et administratifs, et celui de l’élaboration de la norme, avec les problématiques concrètes et immédiates que rencontrent les opérateurs funéraires, les collectivités et les proches des défunts.
Le décret "délai d’inhumation"
Ce décret, présenté comme un projet lors de l’assemblée générale, a été publié le 11 juillet au Journal Officiel. Il porte les délais d’inhumation et de crémation de 6 jours à 14 jours calendaires à compter du décès ou de la levée de l’obstacle médico-légal. Son élaboration est partie d’un constat simple : le délai moyen d’organisation des obsèques tend de plus en plus à se rapprocher des 10 jours, pour des raisons diverses telles que les délais d’attente de construction des caveaux, les délais nécessaires à rassembler des familles de plus en plus dispersées, des délais d’attente de crémation parfois très longs, en particulier dans les territoires sous-dotés en crématoriums. De même, les délais sont parfois allongés en cas de surmortalité saisonnière.
Les conséquences d’un délai d’inhumation ou de crémation trop court a pour effet la nécessaire production d’arrêtés préfectoraux autorisant à déroger au délai légal d’inhumation et de crémation, étape chronophage qu’il est apparu opportun de simplifier. Après échanges avec l’ensemble des parties concernées, le Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF) a rendu un avis favorable à cette évolution réglementaire en juillet 2023.
Outre l’allongement des délais de droit commun d’inhumation et de crémation, ce texte prévoit aussi de donner la possibilité aux préfets de faire passer le délai de 14 à 21 jours de façon temporaire en cas de circonstances particulières.
Enfin, ce texte prévoit, s’agissant de la plaque d’identité devant figurer obligatoirement sur le cercueil, que le nom du défunt ne soit plus obligatoirement gravé, mais inscrit de façon durable, et, s’agissant de la pose des scellés, de supprimer la référence aux cachets de cire, pour entériner une pratique de plus en plus généralisée de pose de stickers non décollables.
Récupération des métaux
Précisions utiles : l’allongement du délai ne fera pas disparaître les dérogations, qui continueront d’être délivrées par les préfectures, mais pour des inhumations ou des crémations au-delà de 14 jours. De même, les dérogations au délai de 24 heures continueront d’être délivrées.
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Récupération des métaux
Issues de la loi 3DS et de son décret d’application, les règles relatives à la vente des métaux issus de crémation, et à la destination des sommes collectées, nécessitent des précisions quant à leur mise en œuvre pratique. Dès le début de l’année, l’UPFP avait saisi la DGCL sur ce point afin de répondre aux questions que se posaient certains de ses adhérents gestionnaires de crématoriums ou collectivités en charge de la gestion, de la distribution et de l’emploi de ces fonds.
Il est apparu utile de rappeler que, depuis la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 janvier 2024, la constitutionnalité du dispositif introduit par la loi 3DS a été confirmée. Le Conseil constitutionnel en effet a rappelé que les métaux issus de crémation ne peuvent être considérés ni comme une partie du corps ni comme ayant un caractère patrimonial au sens du droit des successions.
En revanche, des questions techniques demeurent sur le plan administratif, comptable et fiscal : comment les recettes perçues doivent-elles être inscrites en comptabilité ? Les fonds destinés aux associations et fondations doivent-ils transiter par la collectivité en vue de leur redistribution ? Autant de points, qui pourront être utilement précisés ultérieurement par la DGCL.
Évocation d’un contentieux en cours devant le Tribunal des conflits
À la suite d’une sanction disciplinaire infligée à un agent contractuel d’une régie exploitant un crématorium, le conseil de prud’hommes avait été saisi par l’agent sanctionné. Celui-ci s’étant déclaré incompétent, ainsi que la cour d’appel, au motif que le service de la régie où travaillait l’agent était un service public administratif, le Tribunal des conflits avait donc été saisi, et l’audience renvoyée au 17 juin 2024.
Dans sa décision du 8 juillet 2024, le Tribunal des conflits a considéré qu’un crématorium géré en régie pouvait être qualifié de service public industriel et commercial (SPIC), et a attribué la compétence au juge judiciaire dans le cas d’espèce.
Groupes de travail mis en place sur la thématique funéraire
Les groupes de travail organisés par la DGCL avec les membres du CNOF sont notamment une réponse aux demandes de la filière funéraire pour pouvoir faire évoluer certains dispositifs, et répondre à des questions de la profession, comme des représentants des familles ou des élus. L’approche privilégiée pour ces groupes de travail est qu’ils soient assez restreints, mais néanmoins représentatifs des parties concernées par le sujet, pour privilégier des échanges riches et constructifs.
Ces groupes de travail sont actuellement au nombre de trois :
1/ Groupe de travail "Modèles de devis"
Ce groupe vise à formuler des propositions de simplification, de compréhension et de transparence pour les modèles de devis. Il s’agit d’apporter la transparence due aux familles sans ajouter de complexité pour les opérateurs, en utilisant notamment des mots clairs et compréhensibles pour tous. Le nouveau modèle de devis proposé sera annexé à un projet d’arrêté ministériel qui fera l’objet d’un avis du CNOF.
Un autre sujet très attendu des opérateurs funéraires, évoqué dans ce groupe de travail, est de leur donner la possibilité de prendre en charge des défunts à domicile sans avoir à signer un devis préalablement (ndlr : ce que l’art. L. 2223-33 du CGCT ne permet que la nuit, les dimanches et jours fériés).
2/ Groupe de travail "Formation"
Pour rappel, la DGCL est le certificateur des organismes de formation. Des remontées de préfectures font apparaître des questionnements quant aux pratiques de certains organismes de formation, en particulier sur les modes d’organisation des examens.
L’Administration a proposé aux partenaires, et cela fait plutôt consensus aujourd’hui, d’étoffer le dossier de demande de certification en l’assortissant d’une convention de partenariat rappelant les droits et obligations des organismes certifiés, et notamment la nécessité de transmettre annuellement à la DGCL un état des personnes ayant obtenu les diplômes de conseiller funéraire et de maître de cérémonie.
On observe en effet une forte augmentation du nombre d’organismes certifiés, et certaines pratiques s’avèrent perfectibles. Il s’agit donc de mieux encadrer les organismes qui ne respecteraient pas le cadre réglementaire. Certains sujets relatifs au déroulement de la formation sont encore en cours de discussion, tels que l’ouverture à l’alternance.
Enfin, un toilettage par voie de circulaire est envisagé concernant les jurys et leur rôle.
3/ Groupe de travail "Dématérialisation, digitalisation et numérisation"
Ce groupe de travail s’intéresse au ROF et au POF (ndlr : Registre des Opérateurs Funéraires et Portail des Opérateurs Funéraires). De nombreux participants présents dans la salle ayant fait état de difficultés de fonctionnement récurrents avec le POF (en particulier d’accès aux certificats de décès dématérialisés).
Le groupe de travail a justement pour fonction de remonter toutes les difficultés d’utilisation rencontrées pour permettre de les corriger. Si l’on peut regretter que peu d’hôpitaux et de communes aient recours au POF, il n’est cependant pas envisagé d’obliger les communes à l’utiliser, mais seulement de continuer à les y inciter.
4/ Éventuelle création d’un groupe de travail "crématoriums"
À la question posée par une participante de la réunion, la DGCL a répondu qu’il n’était pas prévu de recréer un groupe de travail consacré aux crématoriums (qui existait dans le passé), mais que le sujet pourra être étudié à la demande des fédérations si elles l’estiment nécessaire.
Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 206 - Août 2024
Résonance n° 206 - Août 2024
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