Les vaccinations contre l’épidémie de la Covid-19 se poursuivent, s’ouvrent à divers publics, mais, en ce qui concerne les personnels de la branche funéraire, silence, pour ne pas dire mépris.
Recevoir les proches d’un défunt atteint de la Covid-19, manipuler celui-ci jusqu’à la fermeture du cercueil, rencontrer de multiples personnes pendant une période de surmortalité, rien n’y fait… le professionnel funéraire est socialement l’équivalent d’une méduse, transparent, urticant pour certains. Notre filière ne représente que 20 000 salariés, soit epsilon dans la masse des individus actifs.
Elle n’intéresse qu’occasionnellement, quand la lumière crue d’une actualité la met en scène d’un événement public. Sitôt les funérailles terminées, la lumière s’éteint et les professionnels repartent dans l’ombre. Rassurez-vous, je ne vous fais pas ici une redite de la chanson de Brassens sur un pauvre fossoyeur. Il ne s’agit pas de tirer furtivement une larme sur le sort des "croquemorts".
Je ne veux que citer le Code du travail, section du risque biologique, où les entreprises doivent réserver le plus et le meilleur en matière de sécurité des salariés. Mais, quand il est question de la responsabilité de l’État à l’égard de ces mêmes professionnels funéraires exposés aux risques et rigueurs de cette épidémie, rien n’arrive. L’inclusion des personnels funéraires dans les populations prioritaires pour être vaccinées ne dépend pas des employeurs, mais bel et bien du Gouvernement.
Hélas, ce qui arrive aujourd’hui n’a rien de surprenant
Déjà en ce qui concerne l’attribution des masques chirurgicaux, il a fallu combien de semaines pour que l’État reconnaisse ses lacunes à notre égard ? Vous êtes étonnés de cette situation ? Moi pas.
Je l’ai vécue en direct dans la préparation face à la perspective d’épidémie de grippe aviaire H5N1 pendant l’hiver 2006-2007. Associé à l’époque à la réflexion gouvernementale et interbranche pour ce qui concernait le funéraire, j’avais constaté l’absence absolue de prise en compte au niveau gouvernemental des besoins pour assurer la continuité de la mission de service public des pompes funèbres.
Par bonheur, ce virus a muté dans le bon sens. Mais à l’époque, la crainte reposait sur la perspective de morts en nombre selon un processus morbide rapide, sanglant, douloureux et paniquant. J’avais averti lors d’une réunion sur les conséquences d’un oubli des professionnels funéraires en mettant en avant le droit de retrait et la fermeture de facto des entreprises. Personne n’a entendu le message, ni dans les rangs professionnels qui étaient loin de penser à quel point leur sort ne serait pas sérieusement pris en compte, ni dans les esprits décideurs de notre pays, hier, et encore apparemment aujourd’hui.
Il est vrai que nous ne postons pas de camions à travers les routes, que nous ne bloquons pas les gares et les aéroports, que nous laissons les carburants sortir des raffineries de pétrole. Nous n’incendions également pas les poubelles, nous ne cassons pas les abribus. Nous ne tirons pas sur les écoliers, nous ne vendons pas de drogue, nous laissons les gens vivre et dormir en toute tranquillité, nous payons nos impôts et nos contraventions, et même… nous rappelons dans nos cérémonies les valeurs morales de cette société qui nous traite comme des parias.
Alors si un jour mon fils ou ma fille me dit vouloir faire carrière dans les pompes funèbres, je lui dirai de bien réfléchir avant de faire ce sacrifice insensé…
Olivier Géhin
Résonance n° 166 - Janvier 2021
Résonance n° 166 - Janvier 2021
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