Nous avons appris le décès de Monsieur Pascal Moreaux, le 19 novembre dernier, à l’âge de 80 ans. Chevalier de l’Ordre national du Mérite et professionnel émérite ayant œuvré de nombreuses années au sein du groupe OGF, il fut l'un des précurseurs de la crémation en France. Très engagé dans le domaine associatif, il n'a eu de cesse, en tant que président des Amis du Musée Funéraire National, de promouvoir le patrimoine et la culture funéraire française. Sa bienveillance et son dévouement étaient connus et reconnus par l'ensemble de la profession.
Un maître du métier funéraire s’en est allé Il est difficile pour moi de parler de cet ami disparu, car rendre hommage à ce grand Monsieur n’est pas aisé tant sa personnalité était riche et vaste. Je le connaissais naturellement mieux sur le plan professionnel que personnel, et c’est sur ce plan que je voudrais davantage évoquer sa mémoire. Au-delà de l’amitié que je lui portais et de l’immense respect qu’il m’inspirait, je veux avant tout retenir le fait qu’il était notre maître à penser, notre guide absolu lorsqu’on abordait les sujets relatifs à ce métier si unique et "extra ordinaire" des pompes funèbres. Il excellait dans l’art de transmettre sa passion du métier aux autres Il avait d’ailleurs, après son départ des PFG, créé une école de formation qui, tout comme le Musée des Amis du Funéraire, constituait un véritable aboutissement de son engagement pour cette profession. Oui, Pascal Moreaux, c’était tout cela. Une passion débordante pour ce métier, une très grande culture générale, et une immense culture sur tous les sujets touchant à la mort. C’était aussi un altruisme sans limite pour expliquer, transmettre et faire aimer ce métier si particulier dans lequel beaucoup d’entre nous ont œuvré ou fait carrière. Philippe Gentil |
Acteur dans l’évolution des pompes funèbres En décédant, Pascal Moreaux tourne pour nous une page d’histoire de notre métier de pompes funèbres. Permettez-moi de vous écrire pourquoi en témoignant ici des conditions pendant lesquelles j’ai partagé avec lui des tranches de vie et d’expérience professionnelle pendant 35 ans. Au printemps 1984, je l’ai rencontré pour la première fois au siège social des PFG, au "boulevard", comme on disait à l’époque. Je me rappelle très précisément les circonstances, puisque j’avais été délégué par la région Bourgogne-Franche-Comté pour la représenter ès-qualité dans les travaux qui allaient être ceux de la commission nationale du cérémonial. J’étais arrivé par avance dans la salle de réunion, ce qui m’a permis d’avoir avec lui un premier tête-à-tête, où notre relation a pris d’emblée la dimension d’une histoire d’amitié. Avec ses hauts et ses bas, cette histoire entre nous a finalement duré jusqu’à sa mort. En fait, il faut expliquer l’identité exacte de cette association C’était en réalité l’association des amis de Pascal Moreaux autour d’un idéal partagé du métier. Là aussi, il faut remettre les pendules à l’heure : l’évolution d’OGF a provoqué de nombreux départs (démissions, licenciements) qui se vivaient parfois dans la douleur relationnelle tant nous avions au début des années quatre-vingt encore l’impression d’appartenir à une entreprise à caractère familial. La diaspora des "anciens des PFG" se reconnaissait dans le lien maintenu avec Pascal, puisque sa position d’inspecteur général du groupe lui avait permis de connaître personnellement et parfois en profondeur les effectifs. Un rôle l’a aidé dans ce sens Il nous a formés sur un point essentiel, celui de notre adaptation à la montée crématiste. Dès 1985, il allait de région en région pour former en interne les effectifs du groupe afin de les préparer à cette mutation fondamentale. Avec ses graphiques, ses courbes prévisionnelles, on peut dire qu’il a été visionnaire. OGF lui doit en fait sa dimension de premier acteur français dans la gestion déléguée des crématoriums. On ne saurait trop le souligner à l’heure où Pascal tire sa dernière révérence. Olivier Gehin |
Un homme intègre, un puits de sciences, toujours à l’écoute des autres, un ami fidèle Pendant de nombreuses années, j’ai eu le bonheur de cotoyer un homme hors du commun. Pascal Moreaux nous a quittés, il laisse un vide considérable dans la profession funéraire ; où que l’on aille, et quels que soient les professionnels à qui l’on s’adresse, on entend des louanges. Pascal était à l’écoute de tous, toujours disponible pour donner un renseignement, un conseil, une recommandation. En recherchant dans les années passées, il est impossible de trouver une photo où il ne sourit pas, un homme extrêmement gentil et à l’écoute de tous. Toujours curieux dans les domaines de sa profession, avec une mémoire hors du commun, il est devenu la référence sur tous les sujets du funéraire, aussi bien les cérémonies, que la législation. Il connaissait les articles concernant le secteur funéraire du Code Général des Collectivités Territoriales par cœur, savait aussi interpréter les textes de loi qui semblent incompréhensibles à tout un chacun, les expliquer et comment les appliquer. Comment évoquer les différentes fonctions qu’il a exercées dans la profession funéraire ? Il a été un maître de cérémonie dont la qualité des prestations a été reconnue par les familles et par les personnalités présentes lors des funérailles. Il a mis en place le service international des rapatriements. Il a été directeur du crématorium du Père-Lachaise, de services de logistique, inspecteur général, il était un négociateur hors pair. C’est à ce titre qu’il a été à l’origine de la création de la grande majorité des crématoriums dans notre pays. Ce fin négociateur était connu et reconnu. Outre les conseils et la formation, Pascal a accompagné la majorité des projets de crématoriums et de chambres funéraires. Lorsqu’une municipalité avait un projet, c’est à lui qu’on faisait appel. Il faisait l’étude de faisabilité, le bilan prévisionnel, les plans comme assistant à maîtrise d’ouvrage, et très souvent, il suivait le dossier jusqu’à l’ouverture du crématorium. Formation D’un caractère aimable, il répondait spontanément à chacun avec des conseils judicieux, si bien que, lorsque l’on parle de lui à une personne travaillant dans le secteur funéraire, on entend : "C’est lui qui m’a formé(e), qui m’a conseillé(e), je lui dois tout ce que je sais…" Car non seulement il conseillait, il formait, mais il continuait à apporter des conseils et des informations juridiques et commerciales bien après les formations. Pascal Moreaux avait, entre autres qualités, de savoir communiquer, si bien que ses cours étaient passionnants. Ils étaient très documentés, émaillés d’exemples concrets et d’anecdotes très drôles, qu’il semblait vivre. Outre la formation et la maîtrise d’ouvrage, Pascal a travaillé durant de nombreuses années sur l’évolution des cérémonies funéraires avec les maîtres de cérémonie et des représentants de diverses religions. Il a créé des modèles de cérémonies incluant la prise de parole, les gestes d’hommage, les mouvements, le portage, les moments musicaux. Ces types de cérémonies sont toujours la trame de ce qui est utilisé actuellement. Un passionné d’histoire Pascal Moreaux a fait partie de cette génération qui a donné de nombreuses années de son existence lors de la guerre d’Algérie, il a fait partie d’associations d’anciens combattants, si bien qu’à la fin de sa vie il avait un poste élevé au niveau départemental. Lors de ses funérailles, une grande délégation d’anciens combattants était présente accompagnée par 36 porte-drapeaux, tous très émus. En 1989, afin de faire connaître et défendre le patrimoine funéraire, Pascal Moreaux a créé, à la demande de la Ville de Paris, une association appelée "Les Amis du Musée Funéraire National". La Ville de Paris avait l’intention de créer un musée funéraire, mais n’a jamais fourni les locaux promis (rappelons que Barcelone, Dublin, Vienne, Amsterdam et l’Allemagne ont créé un musée funéraire), mais l’association a continué au cours de ses trente années d’existence, organisant des expositions, des visites dans tous les cimetières de la région parisienne, en province et à l’étranger. Ce qui a marqué tous ceux qui l’on connu, c’est bien sûr son immense culture, mais aussi sa chaleur, sa joie de vivre et son sens de l’humour. Il aimait rire, son répertoire de blagues et anecdotes était infini, son plaisir était de les faire vivre, la même racontée par un autre devenait insipide, alors qu’avec Pascal Moreaux, c’était à mourir de rire. Il aimait la vie, il aimait ce qui est beau, il aimait se cultiver, il aimait ses amis, leur gardant une amitié fidèle quoi qu’il arrive. Il aimait tellement la vie que, lorsqu’il était malade en fin de vie, il n’y croyait pas et faisait toujours des projets pour l’avenir. Il m’avait dit : "J’ai un copain qui est parti à 95 ans, il n’y a pas de raison que je n’y arrive pas." Vous allez nous manquer, Monsieur Moreaux. Muriel Ghys |
Résonance numéro spécial n° 9 - Décembre 2019
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