Magnifique, splendide… les qualificatifs élogieux manquent lors de la découverte de ce nouvel équipement funéraire intercommunal géré par la SEM PFI de la région de Saint-Brieuc. Si vous pensiez qu’il suffisait uniquement de disposer de fonds pour proposer aux familles en deuil un équipement de cette haute valeur ajoutée, vous êtes dans l’erreur. L’inspiration, le talent et la créativité sont des dons qui ne s’achètent pas, et rares sont ceux qui portent déjà en eux ces bénédictions. C’est incontestablement le cas des initiateurs du projet, Bruno Joncour, Christine Minet et Morgane Prigent-Caërou. Pour preuve, une réalisation qui fait date, et fera des émules ainsi que beaucoup d’envieux… à n’en pas douter. Voyage au pays de l’émotion.
Vue extérieure.
On ne peut que rester admiratif devant cet équipement, car, au-delà de la réalisation architecturale, on est immédiatement interpellé par le sens aigu du détail et de la logique qui préside au cheminement des familles lors du décès de leur proche. C’est la conclusion générale des nombreux invités lors de l’inauguration du complexe funéraire de Saint-Brieuc, un équipement public intercommunal qui se veut le trait d’union… mieux, un authentique trait d’esprit entre ceux qui restent et ceux qui nous quittent. Naissance d’un concept.
Être porteurs de l’esprit public
Dans son allocution de bienvenue, Morgane Prigent-Caërou, directrice générale de la SEM PFI de la région de Saint-Brieuc, souligne ce postulat fondateur de la seule entreprise publique locale funéraire en Côtes-d’Armor, animée par sa représentation élue au sein du conseil d’administration, notamment Bruno Joncour, son président fondateur, député de la circonscription, mais également Christine Minet, présidente en exercice de la SEM. "Accompagner la fin de vie, rendre hommage à nos morts dans le plus grand respect, c’est le signe d’une société humaine basée sur des valeurs de partage et de solidarité. Cette étape requiert toute notre attention afin de permettre à ceux qui restent de continuer à vivre apaisés". Et d’ajouter : "Je pense pouvoir affirmer que les PFI de la région de Saint-Brieuc sont un service public performant et novateur qui s’engage au quotidien auprès des personnes endeuillées, quelles que soient leurs conditions de ressources, quelles que soient leurs croyances philosophiques ou religieuses. Être porteur de l’esprit public dans le respect de l’intérêt général, du principe d’égalité et avec solidarité envers les familles confrontées à la difficile épreuve du deuil, doit aussi se traduire dans les actes, c’est notre engagement quotidien, notre devoir de dignité."
Une démarche préméditée, généreuse et sensible
Concevoir un équipement funéraire est une expérience particulière, où les émotions, les souvenirs refont surface… Il s’agit d’imaginer un lieu où l’architecture soit réconfortante et rassurante à un moment où les familles sont dans le plus grand désarroi. L’édifice frappe immédiatement par sa tonalité blanche immaculée. De larges claustras périphériques délimitent les espaces d’intimité, et sont autant d’ouvertures discrètes pour une lumière apaisante. Les murs accueillent les émotions, les larmes, les murmures. Ces périmètres sont les témoins des mots qui rassurent, des étreintes qui réconfortent.
La sérénité est bien l’enjeu. Pour tenter de l’atteindre, malgré le contexte funéraire est bien de s’affranchir des attributs classiques de la mort. Le projet de salons funéraires présentés et conçus comme pourrait l’être un appartement, et accessibles 24h/24 et 7j/7 garantit des conditions de confort optimales. Noblesse des matériaux, conjuguant les essences de bois murales à la minéralité des sols, la lumière artificielle se veut non agressive, elle ponctue la déambulation sans s’imposer. Les proches venant rendre hommage à la personne défunte accèdent à un espace séparé, mais communiquant avec l’espace familial, qui, lui-même, ouvre sur un patio privatif en extérieur.
Ces sas progressifs assurent d’une immersion douce ainsi que d’un retour maîtrisé vers l’extérieur. Ces paliers émotionnels permettent à tous de garder le contrôle de ses sentiments et de lâcher prise le moment venu.
Coupure du ruban lors de l'inauguration.
Tracer de nouvelles perspectives humanistes
Douceur, sérénité, quiétude, intimité… rien ici n’est le fait du hasard, mais bien d’une démarche préméditée. Cette exigence naturelle doit se traduire dans chaque détail d’agencement, de service, de produits proposés. "Nous avons réalisé un premier salon prototype, son évaluation, grâce aux retours des familles, va permettre de rénover les sept autres dans les prochains mois".
C’est ainsi qu’il a été fait appel au cabinet Colas-Durand, en architecture et maîtrise d’œuvre, et à l’agence Erwan Peron pour l’agencement intérieur et le visuel des salons de retrouvailles et à des entreprises costarmoricaines pour la réalisation des travaux. Tous ont su décliné ce projet imaginé par les PFI avec leurs valeurs fortes et leur sensibilité.
Créer des repères, générer du sens
Les PFI de la région de Saint-Brieuc conjuguent en permanence la nature des lieux funéraires avec un irrépressible besoin de transcender la tristesse des cœurs par l’apport artistique de sensibilités diverses. Morgane Prigent-Caërou aime à citer Christian Bobin, écrivain, philosophe et poète, notamment dans le magnifique ouvrage "Les Morts de notre vie". Sa réflexion inspire la démarche effectuée par la SEM PFI de la région de Saint-Brieuc dans sa volonté de ne pas être un centre funéraire de plus, même moderne, mais un lieu d’intimité chargé de bienveillance, accompagnant et loyal, discret et efficient.
Les paroles de Christian Bobin frappent juste et doivent trouver un écho favorable dans nos réflexions futures : "Pourquoi n’arrive-t-on pas à voir que nous mourrons du manque de beauté ? Pourquoi ne pas proposer à chacun et encore plus à ceux qui vont nous quitter le spectacle des merveilles de cette terre ? Je ne sais pas par quelle fatalité les maisons dernières où l’on met les dépouilles aujourd’hui sont si méthodiquement grises et sinistres. Les funérariums sont le symptôme d’un monde privé de cœur."
La présence d’artistes est ainsi devenue familière, attendue et espérée par les familles. Nous évoquions le trait d’union devenu le trait d’esprit. L’art en est désormais l’un des vecteurs décisifs. Photographes, plasticiens, designers… Aucun d’entre eux n’aurait pensé s’exposer dans un centre funéraire. Aujourd’hui, la démarche s’inverse et les demandes affluent, comme si la requalification d’un lieu synonyme de tristesse devenait une mission sociale impérative.
"C’est effectivement une mission d’un genre nouveau que de remettre la mort au centre de nos vies, et d’effectuer cette mise au point par l’émotion suscitée par une œuvre. C’est notre touche sensible au sein de ce processus qui consiste par l’entrée dans le deuil", insiste Morgane Prigent-Caërou. C’est ainsi que l’artiste plasticienne Emmanuelle M a conçu un élément issu de sa ligne créative "Big Flowers", exposé dans le salon Iroise. Sa réalisation en feutre de laine s’impose dans le champ esthétique du salon comme une note sensible et apaisante, une touche colorée s’ouvrant à la lumière. La symbolique de la fleur embrassant la vie puis se ternissant à l’aune de l’automne revient à nous aux lueurs du printemps. Un éternel recommencement, promesse de renouveau, tel est le message d’Emmanuelle M.
Salon Iroise.
Créer un espace de convivialité et de partage
Sur ce point également, la proposition d’un espace de convivialité et de partage digne de ce nom est un apport supplémentaire pour le rassemblement des familles sous forme de deux salons de 60 m2. Le centre funéraire étant le lieu fédérateur, se priver d’une telle ressource était difficilement justifiable auprès des familles. Ce sont elles qui ont confirmé le choix initial de la SEM PFI de la région de Saint-Brieuc. Cet espace d’intimité familiale offre tous les services attendus afin de permettre l’expression de tous les sentiments, de partager les bons souvenirs vécus avec la personne défunte, de se restaurer et se retrouver, d’évacuer le stress par le partage.
L’aspect convivial et ses exigences se traduisent par la possibilité de faire appel à un service traiteur, une installation mobilière confortable et sereine. Ces beaux espaces sont ouverts sur un carré de verdure orné d’un arbre de Judée, dont la particularité est de voir ses feuilles en forme de cœur devenir rouges en automne : tout un symbole.
Se retrouver "comme à la maison" et faire "comme à la maison", quoi de plus naturel ?
Repenser les fondamentaux, se démarquer
Lorsque l’on évoque un corbillard, se pressent aussitôt les images d’Épinal avec les véhicules noirs et les attributs du deuil. C’est ce que l’on appelle "la pompe funèbre"… comme si la douleur devait être véhiculée en ajoutant de la douleur à la souffrance. La chambre funéraire et l’équipement accueillant les PFI de la région de Saint-Brieuc interpellent immédiatement par la blancheur immaculée extérieure. Il en est de même pour la nouvelle flotte de véhicules corbillards, blancs et cohérents avec le postulat des lieux : "Apporter le meilleur à ceux qui sont dans le pire".
"Le meilleur est dans le service rendu, dans la qualité des équipements, dans le respect des intérêts matériels et moraux des familles, dans la prise en compte économique des funérailles, dans la loyauté de l’ensemble des personnels et des dirigeants envers l’éthique de leur mission funéraire de service public et de l’intégrité indispensable à l’accomplissement de cette mission. La couleur crème nous semble symboliquement approprié pour résumer ce postulat", précise Morgane Prigent-Caërou.
La crémation, respect de l’environnement et éthique citoyenne
Donner à la mission funéraire de service public en Côtes-d’Armor les moyens d’une action éthique et responsable a donc été de penser des équipements adaptés pour les décennies à venir, de prendre en compte l’évolution prévisible des obsèques, mais également les fortes intentions de choix de la crémation comme mode de sépulture, comme le souligne une étude commanditée par les SFVP – Services Funéraires de la Ville de Paris – et réalisée par l’institut de sondage IPSOS.
Aujourd’hui, la crémation est majoritaire au niveau des intentions. Bien que les régions françaises soient inégales en pourcentage, l’augmentation des crémations est un fait de société que personne ne peut ignorer. Concevoir un équipement en fonction de cette croissance inéluctable est un impératif de responsabilité en tant que gestionnaire de crématorium. La préservation de l’environnement est également au cœur des préoccupations de la collectivité. S’inscrire dans une démarche de développement durable va dans la satisfaction des objectifs fixés par le conseil d’administration de la SEM PFI de la région de Saint-Brieuc, gestionnaire délégué du crématorium.
"Maîtriser les rejets atmosphériques par un dispositif efficient de filtration, avoir un regard pertinent sur la consommation d’énergies non renouvelables, optimiser la filière de récupération, de traitement et de recyclage des métaux et des déchets, a toujours été pour nous un point sensible non négociable. Notre regard sur l’impact de nos activités est celui de la responsabilité et de l’éthique", précise Morgane Prigent-Caërou.
"Le choix des partenaires pour le nouvel appareil de crémation et le système de filtration est le fruit d’une patiente étude comparative, ainsi que d’une projection sur le long terme. Les conseils de Pierre Vidalet, notre assistant maître d’ouvrage, a été déterminant, et a couvert un large périmètre allant jusqu’au cérémonial de remise des cendres aux familles. Comme vous pouvez le constater, rien n’est jamais le fruit du hasard aux PFI de la région de Saint-Brieuc", conclut-elle.
Terrasse attenante au salon Retrouvailles.
Un financement transparent et sans surprise
Un bon projet se mesure à sa phase amont prévisionnelle ainsi qu’au respect des lignes budgétaires allouées. Compte tenu de l’importance de l’effort financier, cette rigueur de gestion est un préalable incontournable. La SEM PFI de la région de Saint-Brieuc recourt à l’emprunt bancaire et assure la couverture de ses risques, comme c’est son devoir en qualité de société d’économie mixte. La collectivité délégante, pour ce qui est notamment du crématorium, n’effectue aucun apport financier. Le risque étant couvert à 100 % par la SEM.
La gestion du crématorium et celle des services funéraires sont deux lignes de gestion distinctes, et font l’objet d’une surveillance statutaire par un commissariat aux comptes dont le rapport est examiné par le conseil d’administration. Il ne peut y avoir de zones floues dans la gestion d’un service public, fût-il délégué, et le regard de la représentation élue de la région de Saint-Brieuc est particulièrement attentif au respect total de l’éthique.
Le montant de l’investissement consacré aux travaux est de 1,35 million d’euros et est affecté à la mise aux normes du crématorium (557 389 €), à l’extension et la rénovation de la partie technique de la chambre funéraire, à la redéfinition des salles de cérémonies, à la rénovation d’un salon funéraire, ainsi que des salons de retrouvailles. Par cet investissement significatif, la SEM participe à l’économie locale, puisque les intervenants sont tous "costarmoricains", à l’exception du constructeur de l’appareil de crémation et de la ligne de filtration.
Incarner une éthique funéraire de service public
Morgane Prigent-Caërou exprime toujours avec une passion non dissimulée sa vocation et sa conception de sa mission. "Qu’est-ce qu’un pôle funéraire public ? Sinon un lieu universel où se rassemblent celles et ceux qui accompagnent un proche dans son ultime voyage. Ce lieu se doit d’être beau, lumineux, porteur de sens, avoir une âme dans laquelle se reconnaissent toutes les familles, quelles que soient leurs origines, confessions ou philosophies. Un lieu d’accueil et de fraternité, de partage et de parole libre, un espace préservé où tous se retrouvent en communion spirituelle pour rendre hommage à un être cher".
Accompagner l’émotion, devancer les attentes, satisfaire les exigences, respecter les contextes socio-économiques des familles, faciliter le recueillement et ne pas ajouter de la douleur à la souffrance, exprimer un comportement loyal et éthique, se montrer digne de notre mission funéraire de service public, tels sont nos engagements quotidiens, notre devoir de dignité. Comme le soulignait justement Christian Bobin dans son ouvrage "Ressusciter" : "La vérité est sur la terre comme un miroir brisé dont chaque éclat reflète la totalité du ciel." Notre rôle est de tenter de rassembler les éclats de ce miroir brisé pour permettre aux familles d’entrevoir les promesses de l’avenir". Une belle promesse d’avenir que nous savons être portée et respectée par les femmes et les hommes des PFI de la région de Saint-Brieuc.
Crédits photo de l’inauguration : © Serge Picard. Crédits photo des équipements : © Fabrice Picard |
Jérôme Maniaque
Résonance n° 1455 - Novembre 2018
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