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6 mai 19h00, les bureaux de vote sont fermés, à la déception générale de ces quelques milliers de votants qui n’ont pas pu accomplir leur devoir. Dépouillement oblige, les bureaux doivent fermer à une certaine heure afin de livrer aux Français le verdict des urnes. Les instituts de sondage sont sur le qui-vive, selon les dernières estimations, une véritable révolution électorale est annoncée. Pour la première fois, un inconnu, représentant de la société civile est sur le point de l’emporter et massivement. Sans campagne électorale, mais sur la base d’un programme de mesures sociales innovantes, une femme est en passe de remporter l’adhésion populaire. Si elle gagne, c’est qu’elle aura ému la France entière par la teneur de son message.
19h58, en avance de deux minutes sur l’horaire des journaux télévisés, le visage de Christine Parent apparaît sur les écrans. Dans son QG, l’émotion est énorme, empreinte d’humilité. Celle qui a fait, tout au long de sa campagne, du deuil la grande cause nationale vient de triompher avec plus de 70 % des suffrages. Elle a tout balayé sur son passage. Normal, tout électeur, quel que soit son âge, a été touché au moins une fois dans sa vie par un deuil.

Pour la première fois, les Français élisent une femme à la présidence de la République. Une endeuillée entre à l’Élysée. Son programme d’action est simple, donner à la personne endeuillée un véritable statut prenant en compte le vécu du deuil dans l’ensemble des catégories sociales.

Son gouvernement est formé de présidents d’associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes endeuillées, d’associations de personnes handicapées et d’associations de familles. Signe fort de son exécutif, un aveugle est nommé à Matignon. Symbolique à plus d’un titre, cette nomination est destinée à lever l’ensemble des entraves à l’accessibilité des personnes endeuillées aux structures d’accompagnement.

Le premier Conseil des ministres de la nouvelle équipe gouvernementale dure plus longtemps que prévu. Il est presque 16h, lorsque le Premier ministre en personne s’avance sur le perron de l’Élysée. Le "château", comme on le surnomme, n’est pas doté des équipements fonctionnels facilitant la mobilité d’un aveugle. Le service du protocole est désarçonné, c’est la première fois qu’un aveugle tient un point de presse et les journalistes ne sont pas moins déstabilisés. Observant la scène à distance, madame la présidente mesure l’ampleur de l’effort que les différents services ministériels devront déployer pour rendre la République accessible.

L’intervention du Premier ministre est sans fioriture. D’emblée, il annonce une série de mesures qui feront l’objet d’une ordonnance signée par le président de la République, en attendant l’ouverture de la session parlementaire consacrée à la codification du statut de la personne endeuillée.

Dans le détail ces mesures sont les suivantes :

- Suppression de tout prélèvement d’impôts, taxes ou autres mesures d’effet équivalent à l’occasion des obsèques d’une personne décédée. Suppression des prélèvements sociaux concernant les revenus de l’assurance-vie affectée au financement des obsèques, ainsi que la livraison du capital garanti.
- Pension de réversion, suppression du plafond de ressources.
- L’assurance veuvage est portée à 800 € mensuels, versée pendant 4 ans, sans conditions de ressources et une majoration de 10 % par enfant à charge.
- Rétablissement de la ½ part fiscale supplémentaire plafonnée pour les personnes seules ne pouvant pas justifier avoir élevé seules leur(s) enfant(s) pendant au moins 5 ans.
- Relèvement du taux de la réversion du régime général de 54 % à 60 % pour tous.
- Plafonnement de l’abattement fiscal pour gros travaux tenant compte du foyer fiscal et non du nombre de personnes.
- Le certificat d’hérédité est supprimé dans les opérations de règlement des successions. Il est remplacé par la justification de l’identité par une pièce officielle ou tout document de l’état civil référent.
- Lors d’un décès, la déclaration d’impôts transmise par l’administration fiscale aux proches du défunt est désormais une déclaration pré-remplie et renseignée, intégrant la modification de la composition du foyer à la suite du décès.
- Suppression des frais perçus par les établissements bancaires à l’occasion de la clôture du compte courant du défunt.
- Amélioration du traitement des réclamations formulées à l’occasion de la cessation des droits acquis par le défunt ou l’ouverture des nouveaux droits pour les héritiers. Les délais de traitement de ces réclamations sont désormais de un mois.
- Lors de l’ouverture d’un compte bancaire, les personnes physiques seront invitées à désigner un mandataire post mortem (parents, conjoint, autre) qui serait autorisé pendant l’année suivant le décès à faire fonctionner le compte. Cette faculté éviterait bien des problèmes.
- Dans la perspective de ne conserver qu’un seul document entre le bulletin de décès et l’extrait d’acte de décès, le bulletin de décès sera le seul document exigé dans le cadre des démarches visant à la cessation des droits de la personne endeuillée ou l’ouverture de nouveaux droits pour les héritiers.
- Désormais, il est possible de renoncer en ligne à une succession, sans aucune autre formalité.
- Les congés spéciaux pour le décès d’un enfant ou d’un parent sont portés à cinq jours.
- L’indemnité journalière allouée pour l’accompagnement d’un proche en fin de vie est portée à 70 €.
- Les proches d’un défunt et pour un maximum de cinq personnes se déplaçant pour se rendre à des obsèques en Métropole et empruntant les lignes aériennes des compagnies françaises ou le réseau de la SNCF bénéficient d’une remise tarifaire de 30 % doublée d’une priorité de réservation. Cet avantage est accordé avec la souplesse de modification et d’adaptation calendaire. Ce même avantage tarifaire est accordé aux proches se rendant également dans les territoires ultramarins.
- Le 29 octobre est désormais déclarée journée nationale des personnes endeuillées.
- Il est créé un Conseil national des personnes endeuillées regroupant l’ensemble des administrations, associations et professionnels en charge de l’accompagnement.
- Il est créé un Code des droits de la personne endeuillée rassemblant l’ensemble des textes internationaux, législatifs, réglementaires et conventionnels régissant l’ouverture des droits des ayants droit et l’extinction de ceux accordés à la personne décédée.

Cette annonce aurait pu ressembler à la réalité, si ce n’est qu’elle est tellement ambitieuse et généreuse pour les personnes endeuillées qu’elle la dépasse. C’est bel et bien une fiction imaginée au moment des élections présidentielles et destinées à sensibiliser l’ensemble des candidats à la situation des personnes endeuillées.

Elle aura au moins le mérite de la sensibilisation autour de certaines situations discriminantes que subissent les personnes endeuillées, ainsi que sur les aberrations de la société contemporaine à leur égard.
Est-il normal que les compagnies aériennes et la SNCF accordent une remise tarifaire liée à la participation à une foire ou à une exposition et jamais lorsque des proches se déplacent pour participer à des obsèques ?
Est-il normal qu’un jour, levé à 4 h du matin, après une nuit sans sommeil, l’on doive encore dans le hall froid d’un aéroport justifier de la perte d’un être cher pour être embarqué sur le premier vol ?
Est-il normal que l’on doive justifier de sa qualité d’héritier d’un résidu de financement des obsèques de l’ordre de 4 € par un acte de notoriété que le notaire dressera moyennant la coquette somme de 125 € ?
Il en est de même pour le changement de carte grise pour un véhicule qui ne coûte plus que 400 €.
 
La réponse à toutes ces interrogations est bien évidemment négative.

Mais que fait notre société pour lever ces aberrations et contradictions ?

Le chemin est encore long pour aller vers un véritable statut de la personne endeuillée. Les milliers de bénévoles s’activant dans les associations d’accompagnement contribuent, chaque jour, à porter cette légitime revendication. Eux seuls savent combien notre société a contribué "à tuer le deuil par son silence".

Le moment est désormais venu de faire du deuil un élément de débat sur l’évolution de notre société. La période est donc propice. Chacun y contribuera à sa façon.

La nôtre c’était de faire ce rêve !
Méziane Benarab
George-Edward Le Roy
 
* Une fiction de circonstance à l’occasion des élections présidentielles.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations