Intervenant en introduction des travaux du colloque, M. Damien Le Guay, philosophe, vice-président du Comité National d’Éthique du Funéraire (CNEF) et maître de conférence à HEC et à l’IRCOM d’Angers, place le cadre des débats en s’interrogeant : "Finalement depuis quand fait-on le deuil ? Quelles sont ses phases et ses séquences ? La question n’est pas simple et reste ouverte". Il s’interrogera également sur le fait de savoir s’il n’y a pas dans le deuil une forme de réduction du psychique qui mettrait de côté son aspect humain.
Quelque chose s’est déréglé dans la question du deuil
Étayant son propos par un rappel de l’analyse du ministre de la Santé en 2005, en l’occurrence M. Douste Blazy, qui affirmait que bon nombre de dépressions s’enracinent dans les deuils mal faits. Ainsi, un deuil sur deux crée une forme d’enracinement en termes de violence. Dès lors, on constate que "quelque chose s’est déréglée dans la question du deuil".
Pour preuve de ce dérèglement, le phénomène de la disparition sociale de la mort autour duquel il posera 4 questionnements à résoudre dans le cadre des travaux du colloque.
D’abord, comment poser des paroles sur le deuil et les condoléances ? La mort sociale s’aligne sur un deuil aphone qui a du mal à passer par les mots, alors que la parole est indispensable au moment du deuil. Dès lors, s’interroge-t-il : "comment être libre tout en étant contraint à poser des paroles ?"
Ensuite, le travail de deuil n’est-il pas devenu une fausse maîtrise du deuil ? En effet, le travail du deuil est un processus qui excède le propre contrôle de la personne endeuillée, il perd alors de sa valeur au profit d’un processus plus maîtrisé. Il fera référence aux travaux de Patrick Baudry selon lequel "le deuil devient une automédication".
Les vivants doivent tuer les morts
Enfin, s’agissant de la troisième problématique, il la résume en une interrogation : "devons-nous avoir peur des fantômes ?" Selon l’intervenant, "ne pas rendre hommage aux morts, laisse penser qu’ils vont réapparaître par culpabilité". À ce propos, il citera Louis-Vincent Thomas qui déclarait que "les vivants doivent tuer les morts".
S’agissant du dernier questionnement, il le résumera en s’interrogeant : "la violence du deuil n’est-elle pas sous-estimée dans une forme de psychologie douce ?"
Lui succédant à la tribune, Mme Marie-Frédérique Bacqué, professeur en psychopathologie clinique à l’Université de Strasbourg et présidente de la Société de Thanatologie, abordera la question du vieillissement et "du sentiment de futilité chez les sujets âgés" et s’interroge sur le type de comportement qu’ils peuvent produire face à la mort. Elle précisera que l’on est face à un syndrome du glissement vers la mort qui doit être abordé dans un contexte éthique. En effet, en la matière, on se retrouve face à une personne qui ne se sent plus utile et qui demande à mourir. Dans une pareille situation, le professionnel se retrouve dans une situation délicate où il doit trouver un équilibre entre engagement et essoufflement et se figer sur la bonne distance. C’est à ce moment délicat qu’il doit "tenter de s’écouter avant d’écouter l’autre".
S’écouter avant d’écouter les autres
L’inaltérable M. Pedro Meca, représentant du collectif "Les morts dans la rue" précisera en préambule à son intervention, qu’une personne par jour décède dans la rue. Avec des moments teintés d’émotion, il insistera sur les difficultés que pose l’inhumation de personne dont on ne sait rien et à propos de qui on ne dispose d’aucune information. Dans cette circonstance dira-t-il, "nous faisons acte de foi en l’humanité, en nous nous disons que c’est le cadavre d’un semblable. Il n’est pas toujours pas facile d’arriver à cette profondeur d’humanité quand le cercueil est fermé". Concluant son propos, il révélera le sentiment des sans-abris, qui à leur mort, sont enterrés dans une fosse commune, "comme des chiens".
Achevant cette matinée intense de travaux, Mme Catherine Le Grand-Sébille, anthropologue, maître de conférence à la Faculté de médecine de Lille 2 et Mlle Cynthia Mauro, docteur en psychologie, Unité de soins palliatifs Saint-Vincent de Paul à Lille et vice-président de la Société de Thanatologie, ont traité de la question de savoir si "le deuil permet de parler de la mort ?"
La première évoquera le décès en maison de retraite où le silence autour de la mort est organisé. La seconde argumentera autour du fait que "la mort nous saisi plus que nous la saisissons. Elle fait violemment irruption dans le quotidien de nos vies, pour devenir une forme d’introspection douloureuse". Se fondant sur son expérience des unités de soins palliatifs, elle interrogera : "faut-il attendre le deuil pour parler de la mort ? Dans les unités de soins palliatifs, cette question est posée".
L’après-midi du colloque a été animée par Mme Maryse Dumoulin, médecin à l’hôpital Jeanne de Flandre, maître de conférence en éthique et santé publique à la Faculté de médecine de Lille 2, présidente de l’association "Nos Tout-Petits".
Dans son intervention, M. Claude Bersay, cardiologue donnera l’information selon laquelle il existe 21 fois plus de risques cardiaques le premier jour du deuil. Mme Celia Zaffaroni, psychologue clinicienne CIUMP du CHU de Nancy, reviendra sur le traumatisme qui constitue la rencontre avec le réel de la mort.
Dans la foulée, se sont succédées les allocutions de Jean-Marie Humeau, curé de Taverny, responsable diocésain des équipes funérailles, M. Sait-Ali Koussay, imam et aumônier de l’hôpital Avicenne de Bobigny et M. Stuart Ludbrook, pasteur aumônier protestant.
Une intense journée, rythmée et captivante qui s’est achevée avec l’intervention de M. Tanguy Chatel, sociologue, bénévole dans une unité de soins palliatifs, docteur en sciences des religions et de la laïcité.
Quelque chose s’est déréglé dans la question du deuil
Étayant son propos par un rappel de l’analyse du ministre de la Santé en 2005, en l’occurrence M. Douste Blazy, qui affirmait que bon nombre de dépressions s’enracinent dans les deuils mal faits. Ainsi, un deuil sur deux crée une forme d’enracinement en termes de violence. Dès lors, on constate que "quelque chose s’est déréglée dans la question du deuil".
Pour preuve de ce dérèglement, le phénomène de la disparition sociale de la mort autour duquel il posera 4 questionnements à résoudre dans le cadre des travaux du colloque.
D’abord, comment poser des paroles sur le deuil et les condoléances ? La mort sociale s’aligne sur un deuil aphone qui a du mal à passer par les mots, alors que la parole est indispensable au moment du deuil. Dès lors, s’interroge-t-il : "comment être libre tout en étant contraint à poser des paroles ?"
Ensuite, le travail de deuil n’est-il pas devenu une fausse maîtrise du deuil ? En effet, le travail du deuil est un processus qui excède le propre contrôle de la personne endeuillée, il perd alors de sa valeur au profit d’un processus plus maîtrisé. Il fera référence aux travaux de Patrick Baudry selon lequel "le deuil devient une automédication".
Les vivants doivent tuer les morts
Enfin, s’agissant de la troisième problématique, il la résume en une interrogation : "devons-nous avoir peur des fantômes ?" Selon l’intervenant, "ne pas rendre hommage aux morts, laisse penser qu’ils vont réapparaître par culpabilité". À ce propos, il citera Louis-Vincent Thomas qui déclarait que "les vivants doivent tuer les morts".
S’agissant du dernier questionnement, il le résumera en s’interrogeant : "la violence du deuil n’est-elle pas sous-estimée dans une forme de psychologie douce ?"
Lui succédant à la tribune, Mme Marie-Frédérique Bacqué, professeur en psychopathologie clinique à l’Université de Strasbourg et présidente de la Société de Thanatologie, abordera la question du vieillissement et "du sentiment de futilité chez les sujets âgés" et s’interroge sur le type de comportement qu’ils peuvent produire face à la mort. Elle précisera que l’on est face à un syndrome du glissement vers la mort qui doit être abordé dans un contexte éthique. En effet, en la matière, on se retrouve face à une personne qui ne se sent plus utile et qui demande à mourir. Dans une pareille situation, le professionnel se retrouve dans une situation délicate où il doit trouver un équilibre entre engagement et essoufflement et se figer sur la bonne distance. C’est à ce moment délicat qu’il doit "tenter de s’écouter avant d’écouter l’autre".
S’écouter avant d’écouter les autres
L’inaltérable M. Pedro Meca, représentant du collectif "Les morts dans la rue" précisera en préambule à son intervention, qu’une personne par jour décède dans la rue. Avec des moments teintés d’émotion, il insistera sur les difficultés que pose l’inhumation de personne dont on ne sait rien et à propos de qui on ne dispose d’aucune information. Dans cette circonstance dira-t-il, "nous faisons acte de foi en l’humanité, en nous nous disons que c’est le cadavre d’un semblable. Il n’est pas toujours pas facile d’arriver à cette profondeur d’humanité quand le cercueil est fermé". Concluant son propos, il révélera le sentiment des sans-abris, qui à leur mort, sont enterrés dans une fosse commune, "comme des chiens".
Achevant cette matinée intense de travaux, Mme Catherine Le Grand-Sébille, anthropologue, maître de conférence à la Faculté de médecine de Lille 2 et Mlle Cynthia Mauro, docteur en psychologie, Unité de soins palliatifs Saint-Vincent de Paul à Lille et vice-président de la Société de Thanatologie, ont traité de la question de savoir si "le deuil permet de parler de la mort ?"
La première évoquera le décès en maison de retraite où le silence autour de la mort est organisé. La seconde argumentera autour du fait que "la mort nous saisi plus que nous la saisissons. Elle fait violemment irruption dans le quotidien de nos vies, pour devenir une forme d’introspection douloureuse". Se fondant sur son expérience des unités de soins palliatifs, elle interrogera : "faut-il attendre le deuil pour parler de la mort ? Dans les unités de soins palliatifs, cette question est posée".
L’après-midi du colloque a été animée par Mme Maryse Dumoulin, médecin à l’hôpital Jeanne de Flandre, maître de conférence en éthique et santé publique à la Faculté de médecine de Lille 2, présidente de l’association "Nos Tout-Petits".
Dans son intervention, M. Claude Bersay, cardiologue donnera l’information selon laquelle il existe 21 fois plus de risques cardiaques le premier jour du deuil. Mme Celia Zaffaroni, psychologue clinicienne CIUMP du CHU de Nancy, reviendra sur le traumatisme qui constitue la rencontre avec le réel de la mort.
Dans la foulée, se sont succédées les allocutions de Jean-Marie Humeau, curé de Taverny, responsable diocésain des équipes funérailles, M. Sait-Ali Koussay, imam et aumônier de l’hôpital Avicenne de Bobigny et M. Stuart Ludbrook, pasteur aumônier protestant.
Une intense journée, rythmée et captivante qui s’est achevée avec l’intervention de M. Tanguy Chatel, sociologue, bénévole dans une unité de soins palliatifs, docteur en sciences des religions et de la laïcité.
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