Le serpent de mer du "devis type" refait une apparition plutôt remarquée. Il semble que ce texte ne fasse pas l’unanimité, loin de là, chez les professionnels du funéraire toutes tendances publiques ou privées confondues. Un homme d’État célèbre l’aurait qualifié de "machin", un de plus pour une profession qui s’interroge plutôt sur l’offensive des groupes bancaires au niveau des contrats obsèques. Étrange, sur ce dernier sujet, le silence règne sous les colonnes parlementaires... un oubli sans doute.
Corinne Loiodice, présidente de l'Union du Pôle Funéraire Public (UPFP) |
Côté UPFP (Union du Pôle Funéraire Public), le sentiment est unanime. Le "devis type", plutôt que d’apporter des réponses claires au niveau du grand public, va a contrario jeter une cacophonie des plus déplorables pour l’image globale des opérateurs funéraires.
En effet, l’art. L. 2223-21-1 du CGCT concernant les modèles de devis des opérateurs funéraires vient d’être complété le 28 janvier dernier par un nouvel alinéa qui instaure l’obligation pour ceux-ci de déposer des "devis types" dans les mairies des communes sur lesquelles ils exercent leur activité (siège ou établissement secondaire), ainsi que celles de plus de 5 000 habitants du département, afin qu’ils soient éventuellement consultés par les familles.
Ainsi, cet article, qui dispose que :
"Les devis fournis par les régies et les entreprises ou associations habilitées doivent être conformes à des modèles de devis établis par arrêté du ministre chargé des Collectivités territoriales. Ces devis peuvent être consultés selon des modalités définies, dans chaque commune, par le maire".
Est donc désormais complété par les dispositions suivantes :
"Les régies, entreprises et associations habilitées déposent ces devis dans chaque département où elles ont leur siège social ou un établissement secondaire, auprès des communes où ceux-ci sont situés, ainsi qu’auprès de celles de plus de 5 000 habitants. Elles peuvent également déposer ces devis auprès de toute autre commune."
Pour la fédération UPFP, cette mesure est inefficace, inopérante, discriminatoire et enfin risquée pour les collectivités :
Inefficace : car non seulement les devis types ne reflètent pas l’ensemble des tarifs des opérateurs funéraires ni la qualité du service rendu, mais leurs dépôts obligatoires encourageront les pratiques de dumping servant "d’appât" ou "d’alibi", ainsi que les pratiques d’entente, en particulier entre les enseignes d’un même réseau. Seul un devis personnalisé tenant compte des différentes demandes et modalités d’obsèques peut réellement permettre aux familles de comparer les prestataires funéraires.
Inopérante : car la comparaison de devis au plan départemental est impossible, le marché funéraire étant très territorialisé, et en conséquence le dépôt de devis dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants d’un département est parfaitement inutile. En effet, les tarifs d’un convoi "local" d’opérateurs funéraires installés sur ou à proximité d’une commune sont évidemment inférieurs à ceux d’un convoi "délocalisé" d’opérateurs funéraires installés dans une autre partie plus ou moins distante du département.
De surcroît, s’agissant du funéraire public, la territorialité, plus particulièrement applicable aux régies, limite leur champ d’intervention aux seules collectivités dont elles émanent.
Discriminatoire : car la différence tarifaire entre convoi "local" et convoi "délocalisé", qui s’explique par la distance à parcourir et la durée de l’intervention, pourrait avoir pour effet d’entacher durablement l’image des opérateurs funéraires non locaux dans l’esprit du public, les amenant à les considérer comme ayant des tarifs "plus chers" en général, et non pour ce seul cas d’espèce.
Risquée pour les collectivités : car d’une part elles pourraient faire l’objet de suspicions de favoritisme ou de concurrence déloyale lorsqu’elles exercent elles-mêmes cette mission en concurrence avec d’autres opérateurs, et d’autre part les commentaires de leurs agents sur ces devis types en réponse aux familles pourraient être considérés comme une "recommandation" d’opérateurs funéraires, voire même un démarchage.
Enfin, cette mesure pourrait rester sans effet pour la très grande majorité des familles, car celles-ci ne se rendent pratiquement plus en mairie pour déclarer les décès : les décès en établissements de soins (80 %) sont déclarés par l’établissement concerné, les autres décès (20 %) sont essentiellement déclarés par les opérateurs funéraires, qui effectuent cette démarche à leur demande, en complément des prestations d’obsèques qu’elles ont déjà commandées.
Pour l’UPFP, nous considérons que, pour répondre à la préoccupation légitime de renforcer l’information des familles, il aurait été plus simple et plus efficient de contraindre les opérateurs funéraires :
- à avoir à leur tarif un devis de base inhumation et un devis de base crémation et de les afficher dans les locaux de réception des familles pour l’organisation d’obsèques,
- à devoir présenter aux familles et avoir disponible l’intégralité des fournitures et prestations prévues à leur tarif général.
Ces dispositions auraient protégé les familles de pratiques dénoncées encore récemment par les médias, telles que celles consistant à avoir à son tarif un cercueil de base peu coûteux jamais proposé aux familles ou en "rupture de stock", ou à imposer aux familles des classes d’obsèques sans autre choix possible.
C'est pour toutes ces raisons que nous avions proposé de plutôt compléter l’art. L. 2223-21-1 du CGCT par les dispositions suivantes :
"Les opérateurs funéraires devront afficher dans leurs locaux de réception des familles un devis de base pour l’inhumation et un devis de base pour la crémation, et présenter obligatoirement aux familles l’intégralité des fournitures et prestations prévues à leurs tarifs et les avoir disponibles."
Nous ne saurions qu’inciter les familles à faire établir des devis personnalisés auprès des opérateurs funéraires, seuls ces devis pouvant leur permettre une vraie comparaison.
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