L’université de Lorraine (UDL) et l’Union Crématiste Européenne (UCE) ont organisé le 25 octobre dernier, à la faculté de droit de Nancy, un colloque sur le thème : "Éthique et crémation : réflexions sur une liberté éclairée". Synthèse des travaux de cette enrichissante journée.
Jo Le Lamer, président de la FFC, vice-président de l’UCE, membre du CNOF. | Bruno Py, professeur de droit privé et sciences criminelles, agrégé des facultés de droit IFG- Iscrimed EA 7301. |
L’éthique est animée par des valeurs, celles du respect, de la réciprocité, de la sollicitude pour autrui, ce qui met l’homme au centre des relations humaines. Elle ne pose pas la question du "Bien" et du "Mal", ce qui relève de la morale. Elle est individuelle (la personne) quand la morale est collective (le groupe).
Dans le domaine de la mort, comment mettre l’homme au centre de notre action ?
C’est, pour ses obsèques, leur donner du sens et de la décence, de la dignité, dans le respect de ses volontés, de ses convictions, de sa croyance ou de sa non-croyance, de ses engagements, de ce qu’il a été pendant sa vie… Et ceci, quel que soit le mode d’obsèques choisi : inhumation ou crémation. Cette dernière est de plus en plus choisie par les Français (33 %), ce qui tend à rapprocher petit à petit notre pays des pays d’Europe du Nord notamment (70 % et plus).
Cette progression continue ne manque pas d’interpeller et de faire réfléchir sur les modalités d’accompagnement et de ritualisation, liées à ce mode d’obsèques, à une époque où la croyance religieuse moindre fait que la majorité des obsèques par crémation (53 %) ne sont pas précédées d’une cérémonie religieuse.
Cela n’exonère pas pour autant d’une nécessaire ritualisation, d’une cérémonie civile, afin de rendre un hommage digne au défunt, mais aussi afin d’aider les vivants à "exorciser" leur peur de la mort et de rendre l’absence plus supportable, en l’inscrivant dans un schéma logique de suite de la vie. Car les rites funéraires concourent, par leur dimension cathartique, au travail de deuil.
Avec la crémation, il y a une nécessité sociétale à développer une nouvelle ritualité, une "re-ritualisation" en quelque sorte, certes déjà mise en œuvre dans les crématoriums, mais qualitativement de manière très inégale. Les améliorations à y apporter sont de la responsabilité des professionnels du funéraire, certes, mais incombent aussi à tous les acteurs de la société sensibilisés à ce sujet, dont le monde associatif, à commencer par les associations crématistes.
Oui, il faut une cérémonie, civile ou religieuse, mais une belle cérémonie, une cérémonie digne, qui ait du sens, donc avec une véritable ritualisation, aussi bien pour l’hommage avant la crémation, que lors de la remise de l’urne funéraire, voire pour la dispersion des cendres (si telle était la volonté du défunt).
Groupe de travail "religion et crémation". | Groupe de travail "argent et crémation". |
C’est une exigence éthique
Et le mode d’obsèques par crémation ne doit pas y déroger. Ne serait-ce que pour faciliter la relation mémorielle qui doit exister, demeurer, traverser les années, entre les morts et les vivants. Peu importe la forme, apparente ou non, pourvu qu’elle soit. Car la crémation a instauré, incontestablement, un nouveau mode de relation avec la mort, avec le défunt : l’intériorisation du souvenir. De ce fait, il n’est plus forcément besoin d’aller dans un cimetière, en particulier au moment de la Toussaint, pour penser à ses "chers disparus". Un objet, une photo, un écrit, une odeur, une chanson, suffisent…
Il faut que la démarche crématiste, qui est à la fois philosophique et humaine, préserve l’essentiel : la trace morale et sociétale que chacun(e) d’entre nous doit vouloir et pouvoir laisser.
Question de choix.
Question de sens.
Question d’éthique.
Résonance reviendra sur les travaux de cette journée dans une prochaine édition.
Jo Le Lamer et Bruno Py
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