Les organisations professionnelles du funéraire évoluent et renouvellent leur gouvernance, donnant lieu à l’arrivée d’une nouvelle génération de dirigeants animée d’une réelle volonté de s’adapter aux évolutions de la société contemporaine. Le moment est, semble-t-il, propice à l’amorce du renouveau de la filière funéraire en abattant les cloisons artificielles qui se sont dressées entre ses différents acteurs et engager une nouvelle dynamique permettant à chaque organisation, sans se renier, ni s’effacer, d’apporter sa contribution à un dialogue et une concertation à même d’aboutir à une réflexion commune autour de l’avenir de la filière.
Certes, cet appel à une cohérence de représentation de la filière peut apparaître innovant, néanmoins, il ne constitue pas une surprise au regard de notre histoire commune. En effet, comment ne pas rappeler le cours de l’histoire marqué par de nombreux appels à une plus grande entente et coordination entre les acteurs majeurs de la filière. Comment ne pas rappeler également la recommandation de la mission de l’Inspection Générale de l’Administration (IGA), de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), de juillet 1989, quant à une représentation unifiée de la filière ? Il convient également de souligner que même l’Intelligence Artificielle (IA) plaide pour un rapprochement.
Du rapport de l’IGA à l’IA : unité et coordination
C’est très certainement un enjeu majeur pour la branche qui lui permettra de poser d’une seule voix dans son dialogue avec l’exécutif, mais également dans sa relation avec l’opinion publique. L’unité syndicale n’est pas une chimère, elle est pourtant une réalité sur des préoccupations communes, comme constaté lors de la dernière crise sanitaire. Dès lors, pourquoi cette union de circonstance ne deviendrait-elle pas permanente ? Le moment historique que nous traversons est plus que favorable. En effet, la récurrence des crises et situations exceptionnelles sont de nature à encourager ce rassemblement de forces syndicales, et la limitation du nombre de structures syndicales rendrait le processus aisé.
La création d’une chambre syndicale unique ne constitue pas une innovation en soi. Historiquement, la suggestion date et figure en tant que recommandation de la mission de l’IGA, de l’IGF et de l’IGAS, de juillet 1989, destinée à faciliter la concertation avec les instances ministérielles autour des sujets relatifs à la réforme des règles régissant l’exercice de la profession. Dans ce rapport, est spécialement mentionnée "la création d’une association professionnelle pour l’ensemble des entreprises et des fédérations. Cette association participerait aux instances nationales et départementales".
Très certainement, les contraintes de l’époque n’ont pas permis de donner corps à cette recommandation, malgré quelques louables tentatives des responsables professionnels de l’époque.
Pourtant, une telle recommandation est également partagée par l’IA, laquelle, interrogée sur l’avenir de Syndicats Professionnels du Funéraire (SPF), détaille quelques tendances qui pourraient marquer leur avenir :
• La digitalisation : les SPF devront s’adapter à la digitalisation du marché funéraire. Ils devront utiliser les outils numériques pour communiquer avec les professionnels du funéraire et pour organiser leurs actions.
• La personnalisation : les SPF devront s’adapter aux besoins des professionnels du funéraire de plus en plus individualisés. Ils devront proposer des services et des offres adaptés à chaque professionnel.
• La collaboration : les SPF devront collaborer entre eux pour être plus efficaces. Ils devront se coordonner pour défendre les intérêts des professionnels du funéraire et pour faire face aux défis du marché.
En conclusion, l’IA suggère, pour faire face à ces défis, de se renouveler et de s’adapter aux changements de la société, d’être plus innovants, plus efficaces et plus proches des professionnels du funéraire et de collaborer entre eux pour être plus efficaces. Ils devront se coordonner pour défendre les intérêts des professionnels du funéraire et pour faire face aux défis du marché funéraire.
Bien évidemment, si l’option d’une structure syndicale unique n’est pas à l’ordre du jour, il est permis de se demander si celle d’une instance de concertation officielle ou non, structurée ou informelle n’est plus indiquée et adaptée afin de réparer l’évolution des mentalités.
Pour la mise en place d’un "Comité de liaison du funéraire"
J’ai des souvenirs de contacts très avancés, dans les années 1994-1995, entre les trois structures syndicales de l’époque, en vue d’un rapprochement soutenu à travers un comité de liaison. Les négociations n’ont pu aboutir, certainement faute d’une évaluation approfondie de la situation, et notamment des modalités opérationnelles d’une telle initiative.
Plus que jamais, le temps de cette structure de coordination est venu. Il correspond à un virage historique qui ne pourra que produire des effets positifs sur la cohésion du métier, à la fois dans la relation avec les pouvoirs publics locaux, départementaux, régionaux, nationaux, et l’opinion publique. Afin de ne pas reproduire les échecs du passé, il convient de bâtir cette union autour d’une plateforme d’action concertée, d’un calendrier de mise en œuvre et d’une gouvernance de circonstance.
Objectifs du "Comité de liaison du funéraire" ("CLF")
• Rechercher des positions communes sur des sujets d’intérêt commun ;
• Représenter les organisations professionnelles membres dans les différentes instances professionnelles nationales, européennes et internationales dans le cas où un mandat lui aura été expressément donné à l’unanimité de ses membres. Il est par ailleurs précisé que chaque organisation garde la représentativité qui lui est propre au sein des différentes instances professionnelles ;
• Veiller au respect des règles d’éthique ainsi que valoriser l’image des métiers du funéraire ;
• Défendre et promouvoir la notion de service public des pompes funèbres.
Programme de travail
Le "CLF" est constitué sur la base d’un programme de travail pluriannuel. Le calendrier des actions à mener est arrêté au début de chaque année civile. Ce programme comprend notamment les dossiers consensuels suivants :
• Réaménagement du Code de déontologie de la profession et des règles d’éthique ;
• Solliciter auprès des services du Premier ministre le label "le deuil grande cause nationale" ;
• Publier un baromètre de la filière funéraire ;
• Mettre en place l’amicale parlementaire du funéraire ;
• Publier un rapport annuel sur l’état de la filière funéraire ;
• Flécher des financements européens vers la filière ;
• Porter le projet de directive européenne relatif aux transferts intracommunautaires de dépouilles mortelles ;
• Création d’un observatoire de la filière ;
• Travailler à la constitution d’un fonds d’archives nationales.
Les membres fondateurs
Les membres fondateurs sont les fédérations, syndicats ou associations professionnelles partageant la décision de création du "CLF" et ayant contribué activement à la rédaction de ses statuts et de leur dépôt. Ils sont investis de la gestion et de l’activité du "CLF".
Les membres adhérents
Les membres adhérents sont les organisations professionnelles du funéraire qui adhéreront au "CLF" postérieurement au dépôt des statuts. Les adhésions pourront faire l’objet d’une période probatoire.
Le "Comité des représentants permanents"
Il a pour objectif de préparer l’ordre du jour des sessions du conseil d’administration, qui est établi de la façon suivante :
• Points A de l’ordre du jour : parmi ces points figurent les sujets sur lesquels les représentants permanents ont trouvé un consensus. Ces points de l’ordre du jour sont adoptés sans discussion par le conseil d’administration.
• Points B de l’ordre du jour : ils sont constitués des dossiers sur lesquels un consensus ne s’est pas dégagé au sein des représentants permanents. Ces dossiers sont soumis à l’arbitrage du conseil d’administration.
Le "Comité des représentants permanents" a également pour mission d’élaborer le programme de travail annuel du "CLF", d’analyser et évaluer l’impact des textes législatifs et réglementaires sur l’activité funéraire, d’en dresser un rapport au conseil d’administration, de formuler toutes propositions d’action ou de réflexion sur des sujets d’intérêt commun. Les représentants permanents se réunissent autant de fois qu’il sera nécessaire, et au moins une fois par trimestre.
La "Conférence des présidents"
Composée des présidents des organisations professionnelles adhérentes ou de leur représentant désigné ayant le pouvoir pour les représenter. Elle constitue le conseil d’administration du "CLF". Les membres sont désignés pour une période d’une année et confirmés par l’assemblée générale. La "Conférence des présidents" se réunit aussi souvent que les affaires du "CLF" l’exigent, et au minimum une fois par trimestre.
Très certainement, cette recommandation ne fera pas l’unanimité. Mais, au vu de la situation actuelle de la filière et des évolutions en cours, a-t-on le choix d’une ultime tergiversation ? La société évolue, et la filière doit s’y adapter en mettant en place un véritable espace de concertation professionnelle, afin d’être en phase avec les évolutions sociétales. S’adapter aux mutations précitées, c’est également mettre en place un instrument de communication avec la société civile. Le "CLF" est l’outil qui permettra l’immersion de la filière dans la société contemporaine. Il est anormal qu’une mission de service public, telle que celle que porte la filière, ne soit pas au cœur de la Nation, comme le sont d’autres métiers.
Méziane Benarab
Résonance n° 200 - Février 2024
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