Question orale sans débat no 1049S de M. Jean-Pierre Sueur(Loiret – SOC)publiée dans le JO Sénat du 26/02/2015 – p. 413.Réponse du secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplificationpubliée dans le JO Sénat du 25/03/2015 – p. 2861.
M. Jean-Pierre Sueur
Monsieur le Secrétaire d'État, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures et, plus précisément, sur l'art. 15, aux termes duquel les régies, entreprises et associations habilitées à procéder aux obsèques doivent déposer des devis “dans chaque département où elles ont leur siège social ou un établissement secondaire, auprès des communes où ceux-ci sont situés, ainsi qu'auprès de celles de plus de 5 000 habitants“.
L'art. 2223-21-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) précise que ces devis “doivent être conformes à des modèles de devis établis par arrêté du ministre chargé des Collectivités territoriales“ – cet arrêté a été publié le 23 août 2010 – et que “ces devis peuvent être consultés selon des modalités définies, dans chaque commune, par le maire“. L'adoption de cet ensemble de mesures est le fruit d'une grande ténacité, qui remonte aux débats relatifs à la loi du 8 janvier 1993 modifiant le titre VI du livre III du Code des communes, et relative à la législation dans le domaine funéraire, que j'ai eu l'honneur de défendre devant le Parlement.
Cette ténacité se justifie par la nécessité de protéger les familles endeuillées, donc vulnérables, en leur permettant de disposer facilement d'informations précises et strictement comparables sur le prix des diverses prestations constituant une cérémonie d'obsèques. Je rappelle que les dispositions précitées de la loi du 16 février dernier sont d'application directe. Je suis bien entendu très attaché à l'application de ces mesures, qui ont été prises dans l'intérêt des familles, et uniquement dans leur intérêt. Aussi, quelles instructions le ministre de l'Intérieur a-t-il données ou compte-t-il donner aux préfets, afin que ceux-ci prennent toutes les dispositions nécessaires à l'application effective de la loi ?
En effet, l'ensemble des opérateurs funéraires agréés doivent être informés de la nécessité de déposer, conformément aux termes de l'arrêté du 23 août 2010, des devis conformes dans toutes les mairies visées par l'art. 15 de la loi précitée. Il convient également de sensibiliser les maires des communes concernées sur l'obligation qui est la leur, en vertu de la loi, de mettre effectivement à la disposition des familles ces devis-modèles que les opérateurs leur auront transmis selon les modalités de leur choix, et elles peuvent être très simples : il suffit qu'elles figurent sur le site Internet de la mairie.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'État, que je salue.
M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification.
Monsieur le Président, Monsieur le Sénateur, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'Intérieur, qui m'a chargé de répondre à cette question. Comme vous l'avez souligné, Monsieur Sueur, il convient de protéger nos concitoyens qui doivent organiser, dans un bref délai, les obsèques de l'un de leurs proches, alors qu'ils sont bien souvent dans une situation de fragilité psychologique et de douleur affective.
Vous l'avez rappelé, les opérations consécutives au décès sont réalisées par des opérateurs de pompes funèbres, majoritairement des entreprises de droit privé. La loi no 93-23 du 8 janvier 1993 modifiant le titre VI du livre III du Code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire, que vous avez vous-même portée, a libéré les prix des opérations funéraires. De ce fait, des écarts de prix substantiels peuvent être constatés d'un établissement à un autre, pour des prestations similaires.
Cette liberté des prix est toutefois encadrée par un certain nombre de règles spécifiques, notamment pour ce qui concerne l'établissement des documents commerciaux – les devis, les bons de commande et les factures – ou la nécessaire liberté de choix de l'opérateur par les familles. Au regard de la situation particulière des familles confrontées à un deuil, le Gouvernement est très attentif au strict respect de ces dispositions. Sur ce point, l'adoption de la loi no 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, issue d'une proposition de loi dont vous êtes à l'initiative, Monsieur le Sénateur, a constitué une étape importante dans la prise en compte, par le législateur, de l'évolution des pratiques funéraires que nous avons constatée au cours des deux dernières décennies.
Cette loi a instauré un modèle de devis pour les prestations funéraires. Au terme d'une concertation approfondie, le Gouvernement a fait le choix de définir, par arrêté du 23 août 2010, une terminologie commune de nature à faciliter les comparaisons de tarifs entre les opérateurs de pompes funèbres. Ce modèle de devis est en vigueur depuis le 1er janvier 2011. Depuis cette date, certains préfets ont déjà engagé des sanctions administratives à l'encontre des entreprises n'ayant pas respecté ce modèle. Pour respecter l'esprit ayant prévalu à la création du dispositif, le modèle de devis est très fréquemment intégré à la “documentation générale“ remise aux familles, ce qui permet à ces dernières de connaître l'étendue non seulement des prestations obligatoires définies par le droit en vigueur, mais également des prestations complémentaires.
L'art. 15 de la loi du 16 février 2015, que vous avez évoqué, a modifié les dispositions de l'art. L. 2223-21-1 du CGCT sur les devis, afin d'assurer une meilleure information des familles et de faciliter la comparaison des diverses prestations constituant une cérémonie d'obsèques ainsi que leur coût. Cette loi, qui a été publiée auJournal officiel de la République française le 17 février dernier, est d'application immédiate. La publication de cette loi n'a pas échappé aux préfets ni aux agents de préfecture, qui ont été nombreux à se tourner vers le ministre de l'Intérieur pour connaître la marche à suivre, une démarche assez similaire à la vôtre, Monsieur le Sénateur. Il leur a été indiqué que les opérateurs de pompes funèbres doivent déposer auprès des communes visées par l'art. 15 de la loi précitée des devis chiffrés.
Par ailleurs, dans chaque commune, il appartient au maire de définir les modalités de consultation de ces devis : mise à disposition dans les locaux de la mairie ouverts au public – accueil, état civil – ou, comme vous l'évoquez, mise en ligne sur le site Internet de la commune.
Le Gouvernement a donc particulièrement veillé à informer les préfets, eux-mêmes étant chargés d'informer à leur tour les mairies. Il est attentif à la mise en œuvre des dispositions de l'art. L. 2223-21-1 du CGCT sur les devis établis par les opérateurs funéraires.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur
Monsieur le Président, je souhaite remercier M. le secrétaire d'État pour cette réponse extrêmement précise. Je veux ajouter que, si je suis revenu à la charge à la faveur de la loi de 2015, c'est parce que certains contestaient l'écriture de la loi de 2008, où nous avions indiqué que les familles devaient pouvoir consulter des devis. Certains opérateurs funéraires avaient considéré que le verbe “pouvoir“ laissait place à une certaine ambiguïté et qu'il n'y avait plus d'obligation – ce que j'ai vivement contesté !
La loi est maintenant très claire, ce dans l'intérêt des familles. J'ai lu un certain nombre de réactions des professionnels du funéraire. Je leur ai répondu qu'il est de l'intérêt de leur profession de jouer pleinement la carte de la transparence. Plus grande est la transparence, mieux c'est, pour les professionnels comme pour les familles. La loi est donc désormais très claire.
De plus, comme les préfets ont le devoir d'habiliter les entreprises, ils peuvent retirer ou suspendre l'habilitation de celles qui ne respecteraient pas la loi. Vos propos, Monsieur le Secrétaire d'État, montrent que le Gouvernement est tout à fait dans l'optique d'une stricte application de la loi. C'est ce que je demande. Non pas pour compliquer les choses – Monsieur le Secrétaire d'État, vous vous êtes fait spécialiste de l'élimination de la complexité, lorsque cela est possible –, mais tout simplement parce que, lorsque l'on perd un être cher, hélas, il faut prendre en moins de vingt-quatre heures un grand nombre de décisions.
Or il est nécessaire que la loi et les pouvoirs publics protègent les familles endeuillées, et qu'il y ait la plus totale clarté sur les prix.
C'est pourquoi il s'agit de devis-modèles. Ce n'est pas une formule limitative, les professionnels peuvent faire d'autres propositions ; cependant, il faut qu'ils s'engagent à exercer leur métier et à offrir leurs prestations à un prix public, déterminé chaque année, dans des conditions qui auront été définies en toute transparence.
Source : Journal du Sénat
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