À l’instar du cimetière existe un monopole communal en matière de site cinéraire, que ce dernier occupe tout ou partie d’un cimetière ou qu’il constitue l’accessoire d’un crématorium*.
Contrairement à ce qui est parfois un peu rapidement affirmé, l’interdiction des cimetières privés ne résulte pas d’une disposition législative explicite. L’art. L. 2223-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui impose aux communes de consacrer à l’inhumation des morts un ou plusieurs terrains spécialement aménagés à cet effet, ne contient manifestement aucune disposition en ce sens. Ainsi, l’inhumation, qui n’est interdite que dans les lieux de culte (art. L. 2223-10 du CGCT peut être exceptionnellement autorisée par le préfet dans des propriétés privées (art. L. 2223-9 du CGCT). D’ailleurs, existent encore des cimetières privés, mais leur création et leur agrandissement sont prohibés par la jurisprudence (CE, 18 juin 1944, Sieur Lagarrigue : Rec. CE p. 237 ; CE, 13 mai 1964, Sieur Eberstarck : Rec. CE p. 288 ; CA Aix, 1er fév. 1971, Sieur Rouquette : AJDA 1972 p. 111). Sur la base de cette interdiction affirmée par le juge de créer de nouveaux cimetières privés, est donc consacrée l’existence d’un monopole communal en la matière.
Les sites cinéraires ne sont pas des cimetières mais peuvent occuper tout ou partie d’un cimetière
Bien que les sites cinéraires ne soient pas assimilés à des cimetières par le juge administratif (voir D. Dutrieux, Le "jardin cinéraire" n’est pas un cimetière, note sous TA Paris, 25 juin 2002, n° 00188246, préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris : AJDA 3 fév. 2003, p. 179), la création et la gestion de sites cinéraires privés, en dehors de toute délégation par une personne publique, a été également prohibée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 15 janv. 2002 : Collectivités territoriales - Intercommunalité, juin 2002, comm. 140, p. 16, note D. Dutrieux). Le pourvoi en cassation contre cet arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 15 janv. 2002 a été rejeté, la Cour de cassation confirmant ainsi l’interdiction des sites cinéraires privés (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, pourvoi n° 02-14.360). À noter que la possibilité de déléguer à une personne privée la gestion d’un site cinéraire en dehors de toute délégation d’un crématorium a été prévue par l’ordonnance du 28 juil. 2005 et supprimée par la loi du 19 déc. 2008 (voir D. Dutrieux, Opérations funéraires, crémation et sites cinéraires : à propos de l’ordonnance du 28 juil. 2005 : JCP A, 5 sept. 2005, act. 517, p. 1312). En effet, concernant les sites cinéraires, les communes ne peuvent déléguer leur gestion que s’ils sont l’accessoire de crématoriums. Par ailleurs, l’art. 23-III de la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008, à propos des sites délégués sur le fondement de l’ordonnance du 28 juil. 2005, prévoit la reprise de ces sites dans un délai de cinq années. Par surcroît, le législateur – art. 16 de la loi n° 2008-1350 précitée - a souhaité l’instauration d’une sanction pénale pour la gestion d’un site cinéraire privé après le 31 juil. 2005. En effet, l’art. L. 2223-18-4 du CGCT dispose que : "Le fait de créer, de posséder, d’utiliser ou de gérer, à titre onéreux ou gratuit, tout lieu collectif, en dehors d’un cimetière public ou d’un lieu de dépôt ou de sépulture autorisé, destiné au dépôt temporaire ou définitif des urnes ou à la dispersion des cendres, en violation du présent Code est puni d’une amende de 15 000 Ä par infraction. Ces dispositions ne sont pas applicables aux sites cinéraires créés avant le 31 juil. 2005".
La consécration d’un monopole
Ainsi, comme en matière de crématorium, un monopole existe également au profit des communes concernant les sépultures de cendres, puisque soit la commune délègue l’accessoire d’un crématorium, soit elle gère elle-même son équipement. Il est d’ailleurs possible de s’interroger sur une assimilation désormais envisageable entre cimetière et site cinéraire (en dehors du site cinéraire accessoire du crématorium) puisque, lorsque la commune gère son site cinéraire, c’est, selon les textes, et notamment la combinaison des articles L. 2223-1 (dans sa version qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013, issue de l’art. 14 de la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008) et L. 2223-2 du CGCT, nécessairement un cimetière affecté en tout ou partie aux urnes et aux cendres.
Au sein du cimetière, la commune va accueillir un site cinéraire, qui peut être obligatoire. En effet, à compter du 1er janv. 2013, dans la rédaction de l’art. L. 2223-1 du CGCT - qui définit les conditions de création, d’agrandissement des cimetières - issue de l’art.14 de la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008 relative à la législation funéraire, est imposé aux communes de 2 000 habitants et plus de disposer d’au moins un cimetière et un site cinéraire. Il en est de même des établissements de coopération intercommunale compétents en matière de cimetières, regroupant 2 000 habitants et plus (à noter que ce seuil de population correspond également à celui fixé par l’Institut national de la statistique et des études économiques pour la définition des villes). Comme l’a récemment rappelé le ministère de l’Intérieur, le regroupement de sites cinéraires entre cimetières de plusieurs communes, permettant que la charge financière supplémentaire entraînée par la mise en oeuvre de cette disposition puisse être mutualisée au niveau intercommunal, est envisageable. Dès lors qu’au moins un cimetière et un site cinéraire sont présents sur le territoire d’une des communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunal, l’obligation posée par l’art. L. 2223-1 du CGCT est considérée comme satisfaite (voir Rép. min. n° 76414, JOAN Q 28 déc. 2010, p. 13963).
Le site cinéraire obligatoire
Ce site cinéraire doit contenir au minimum un espace de dispersion et soit un columbarium, soit des sépultures (concessions) d’urnes. Il convient de noter que, dans le décret n° 2011-121 du 28 janv. 2011, le régime des concessions d’urnes est calqué sur celui des concessions funéraires et la sortie d’une urne sera désormais régie par les règles de l’exhumation (articles R. 2223-23-2 et R. 2223-23-3 du CGCT), de même que la procédure de translation de cimetière (art. R. 2223-23-1 du même Code). Néanmoins, pour les autres lieux de dépôts (les columbariums notamment), le dépôt et le retrait d’une urne seront a priori soumis à une déclaration préalable (sauf dispositions contraires dans le règlement du cimetière).
S’il n’y a pas d’obligation pour un tel équipement au sein des cimetières des communes de moins de 2 000 habitants (s’il en était besoin, on rappellera que sur environ 36 700 communes, 32 000 connaissent une population inférieure à 2 000 habitants, et ne se voient donc imposer aucune obligation), force est d’admettre qu’avec un pourcentage de crémation s’approchant d’un décès sur trois, les élus devront nécessairement ouvrir leurs cimetières aux cendres et proposer des équipements répondant aux attentes des usagers.
Existent d’autres lieux de sépulture pour les cendres
Néanmoins, le cimetière n’est pas le seul lieu de sépulture pour les cendres, puisque celles-ci peuvent être dispersées en pleine nature (sauf sur les voies publiques). La commune conserve toutefois une grande responsabilité en la matière. En effet, selon les dispositions de l’art. L. 2223-18-3 du CGCT, en cas de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt. Ce même article précise que l’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet.
Il sera observé que l’obligation un temps imposée d’une déclaration préalable au lieu de dispersion par le décret du 12 mars 2007, a été implicitement abrogée par la loi du 19 déc. 2008, et vient d’être expressément supprimée par le décret n° 2011-121 du 28 janv. 2011.
Dès lors ce dispositif permet d’appréhender une nouvelle responsabilité communale, celle de la mémoire. Tant par le dispositif figurant auprès de l’espace de dispersion du cimetière que par ce registre tenu par les services de l’état civil ont pour objet de permettre, en quelque sorte, de "retrouver", pour des proches, le lieu où auront été dispersées les cendres. Sauf le cas d’une autorisation préfectorale d’inhumation de l’urne par le préfet (qui devrait demeurer exceptionnel), les urnes et les cendres seront donc soit dans un cimetière, soit dans un site cinéraire d’un crématorium ou soit dispersées dans un lieu qui pourra être connu dès lors que la commune de naissance du défunt, dont le corps a fait l’objet d’une crémation, sera elle-même connue. Il en est fini de cette "confiscation" familiale du cadavre réduit à l’état de cendres, confiscation dénoncée à juste titre (J.-P. Sueur et J. -R. Lecerf, Sérénité des vivants et respect des défunts : Doc. Sénat n° 372, 31 mai 2006).
* Voir notamment D. Dutrieux, La commune et la crémation, dans B. Py et M. Mayeur, La crémation et le droit en Europe : coll. "Santé, qualité de vie et handicap", 2e éd., Presses Universitaires de Nancy 2011, p. 239-256, et, D. Dutrieux, Urnes, cendres et site cinéraire : AJCT oct. 2011, p. 445-448.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître
de conférences associé
à l’Université de Lille 2.
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