Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense ; JO 2 août 2023.
L’art. 19 de cette loi prévoit que, désormais, la mention "Mort pour la France" puisse figurer, lorsque la demande en sera faite, sur le monument aux morts de la commune, non plus de domicile ou de naissance, mais de celle du lieu d’inhumation :
Art. 19
Au premier alinéa de l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, après le mot : "domicile", sont insérés les mots : "ou du lieu d’inhumation".
L’art. L. 515-1 est donc désormais ainsi rédigé : Lorsque la mention "Mort pour la France" a été portée sur l’acte de décès dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, l’inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou du dernier domicile ou du lieu d’inhumation ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire.
Lorsque la mention "Mort pour le service de la Nation" a été portée sur l’acte de décès dans les conditions mentionnées à l’art. L. 513-1, l’inscription du nom du défunt sur un monument de sa commune de naissance ou de son dernier domicile est obligatoire.
La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des combattants et des victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services territoriaux ou des associations ayant intérêt à agir.
La gravure obligatoire sur le monument aux morts
Pendant longtemps, aucune réglementation ne venait encadrer cette pratique, et le juge le rappelait opportunément : "Aucun texte législatif ou réglementaire spécifique ne détermine les conditions d’inscription d’un nom sur les monuments aux morts communaux ; que, cependant, il est d’usage que les décisions municipales prises en la matière s’inspirent de l’esprit de la loi du 25 octobre 1919, relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre ; qu’en vertu de cet usage, sont en principe inscrits sur les monuments aux morts communaux les noms des personnes déclarées mortes pour la France et nées ou domiciliées en dernier lieu dans la commune, afin que leur mémoire soit conservée dans le lieu où ces personnes étaient le mieux connues." (TA Nancy, n° 0300916, Polimann et Guyot - TA Besançon, 29 nov. 2007, Pellicia : BJCL 2008, p. 336, concl. S. Tissot-Grossrieder – TA Strasbourg, 13 juill. 2010, n° 0906042, Schaffhauser, cités par Samuel Deliancourt et Caroline Lantero : Les maires et les monuments dédiés aux morts de la Première Guerre mondiale, La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 23, 6 juin 2011, 2202). Cette construction prétorienne fut consacrée par la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 à l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires.
À la lecture de cette nouvelle mouture de l’art. L. 515-1, on constate que l’inscription du nom du défunt est obligatoire dès lors que le maire en reçoit la demande et que le défunt remplissait certaines conditions de rattachement à la commune (dernier domicile du défunt, commune de naissance, et, désormais commune du lieu d’inhumation), et que, bien entendu, son acte de décès porte la mention "Mort pour la France". Il y a donc une extension de cette obligation communale.
Mort pour le service de la Nation : pas de changement
On remarquera en revanche que le deuxième alinéa de l’art. L. 515-1 du Code des pensions militaires n’est pas modifié dans le même sens pour le défunt "Mort pour le service de la Nation". Cette mention d’état civil, créée par le décret n° 2016-331 du 18 mars 2016 relatif à la mention "Mort pour le service de la Nation" n’emporte donc pas les mêmes effets de la mention "Mort pour la France" (rappelons que celle-ci modifie la procédure de reprise des concessions en état d’abandon qui ne peut intervenir avant un délai de cinquante ans décompté à partir de la date d’inhumation, pour les concessions cinquantenaires ou perpétuelles en application des articles L. 488 et L. 489 du Code des pensions militaires (R. 2224-22 Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT), on relèvera néanmoins qu’à l’égal des "Morts pour le France" que l’inscription de leur identité à raison de leur sacrifice est obligatoire sur le monument aux morts de leur commune de naissance ou de dernière domiciliation, à défaut de pouvoir l’être, donc, dans la commune du lieu d’inhumation. Ces personnes seront celles désignées par l’art. L. 492 ter du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.
"Le ministre compétent peut décider que la mention "Mort pour le service de la Nation" est portée sur l’acte de décès :
1° D’un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire ;
2° D’un autre agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité.
Lorsque, pour un motif quelconque, la mention "Mort pour le service de la Nation" n’a pu être inscrite sur l’acte de décès au moment de la rédaction de celui-ci, elle est ajoutée ultérieurement dès que les éléments nécessaires de justification le permettent.
Lorsque la mention "Mort pour le service de la Nation" a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues au présent article, l’inscription du nom du défunt sur un monument de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation est obligatoire.
La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités civiles ou militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services départementaux ou les associations ayant intérêt à agir.
Les enfants des personnes dont l’acte de décès porte la mention "Mort pour le service de la Nation" ont vocation à la qualité de pupille de la Nation."
La possibilité de l’inscription facultative d’un nom sur le monument aux morts
Enfin, il ne faut pas oublier que le juge (tribunal administratif de Poitiers 19 décembre 2019, n° 1802123) a par le passé décidé qu’il n’était pas interdit au conseil municipal, dans des circonstances particulières, d’admettre que d’autres noms y soient apposés, lorsque, notamment, l’inscription concerne des personnes disposant d’un lien particulier avec la commune, et à la condition qu’une telle inscription ne fasse pas perdre au monument son caractère et sa nature.
Il relève à ce titre, par exemple, la qualité de citoyen d’honneur de la commune du défunt pour établir ce lien de rattachement. La mention du "véritable caractère" de ce monument est d’importance, et constitue la reprise du principe selon lequel le maire, "même en l’absence de menaces de troubles à l’ordre public [...], doit interdire l’apposition, sur le monument aux morts de la commune, d’emblèmes de nature à enlever à ce monument son véritable caractère" (CE 4 juillet 1924, Abbé Guerle, Lebon 640 ; D. 1924. 3. 48, concl. R. Meyer).
Pour illustrer ce dévoiement, on mentionnera que constitue une telle atteinte le dépôt d’une gerbe sur un monument aux morts dans le cadre d’une manifestation contre l’interruption volontaire de grossesse (CE 28 juillet 1993, n° 107990, Assoc. Laissez-les vivre-SOS futures mères)…
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes
Résonance n° 195 - Septembre 2023
Résonance n° 195 - Septembre 2023
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