La CPFM a renforcé depuis janvier 2022 son accompagnement sur les problématiques "sociales" de ses adhérents, mais elle n’oublie pas pour autant le droit funéraire. En effet, tous les jours, des opérateurs funéraires appellent le service juridique de la fédération pour nous interroger sur des questions concrètes et opérationnelles de droit funéraire.
Forts de ces expériences et de ces retours terrain, nous vous proposons pour Résonance, exceptionnellement ce mois-ci, un aperçu des réponses que nous pouvons apporter à nos adhérents. À la suite de nombreuses interrogations, nous avons choisi de vous présenter un rappel sur le transport de corps avant mise en bière après la levée de l’obstacle médico-légal.
Est-il possible de transporter le corps du défunt sans cercueil vers une chambre funéraire après son dépôt dans un service de médecine légale, une fois que le "PV aux fins d’inhumation" a été délivré par un procureur ? En principe, non.
Il faut bien comprendre la situation et les enjeux de ce cas de figure.
Les délais
Lorsqu’il établit un "PV aux fins d’inhumation", le procureur de la République signifie qu’il n’est plus nécessaire de conserver le corps à disposition de la justice. Dès lors, la Personne Ayant Qualité Pour Pourvoir aux Funérailles (PAQPPF) peut prendre des dispositions pour organiser les obsèques.
La date du "PV aux fins d’inhumation" sert alors de point de départ au délai de 6 jours pour inhumer ou crématiser, au lieu de la date du décès. S’applique ici un report du point de départ du délai d’inhumation et de crémation prévu aux articles R. 2213-33 et R. 2213-35 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Mais attention, ce report ne s’applique pas à l’opération de transport avant mise en bière. En effet, celui-ci devra dans tous les cas être réalisé dans un délai de 48 heures à compter de l’heure du décès (art. R. 2213-11 du CGCT).
Le transport du défunt
Dans la plupart des cas d’obstacle médico-légal, le temps que l’examen du corps, voire de l’autopsie, soit mis en œuvre et que le procureur de la République, ayant pris connaissance du rapport du médecin légiste, puisse établir le "PV aux fins d’inhumation", le délai de 48 heures à compter de l’heure du décès est dépassé. Le transport du corps avant mise en bière sur demande de la famille n’est plus envisageable dans le cadre réglementaire. Le corps devra donc être mis en bière au sein du service de l’Institut Médico-Légal (IML).
La réponse ministérielle n° 15227 du 2 juillet 2013 considère, en se basant de façon discutable sur les articles R. 2213-8 et R. 2213-8-1 du CGCT, que "le transport de corps après une autopsie judiciaire ne peut être effectué qu’après mise en bière".
Cette situation est souvent très difficile pour les familles endeuillées qui sont sous le choc de la mort violente de leur défunt et qui se trouvent de facto privées de la possibilité de revoir facilement leur défunt avant sa mise en bière. En effet, le service hospitalier accueillant l’IML est souvent éloigné du lieu de survenance du décès et du lieu de vie des proches. Les familles, qui aimeraient que le corps du défunt puisse être ramené sans cercueil dans une chambre funéraire à proximité de l’un de ces lieux, se trouvent alors soit dans l’obligation de se déplacer jusqu’à l’IML pour revoir leur défunt au moment de sa mise en bière, soit dans l’obligation de se recueillir devant un cercueil fermé.
Pourtant, après que le "PV aux fin d’inhumation" a été établi, on observe que des corps sont transportés sans cercueil depuis un IML vers une chambre funéraire. En effet, dans ce cas, le procureur de la République a donné un ordre de réquisition pour ramener le corps à proximité du lieu de décès. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une opération demandée par la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, puisque cette opération n’est réglementairement pas possible si le délai de 48 heures est dépassé. Le procureur de la République, lorsqu’il prend un ordre de réquisition, agit dans le cadre d’une situation exceptionnelle, et non pas régulière. Il n’est donc pas tenu de respecter les délais prévus par la réglementation. Celui-ci n’est effectivement pas tenu d’ordonner le retour du corps avant mise en bière et il peut tout à fait refuser d’ordonner cette opération.
Il est clair que les transports "retour" de corps avant mise en bière réalisés avec un ordre de réquisition brouillent la lisibilité des dispositions réglementaires. Un opérateur funéraire ayant observé que cette opération a été réalisée pourra imaginer que cela est possible "réglementairement parlant". Il devient tentant de penser que le report du point de départ du délai des six jours pour pourvoir aux funérailles s’appliquerait également au point de départ du délai des 48 heures pour transporter le corps d’un défunt sans cercueil. Mais la réglementation en vigueur ne permet pas un tel report.
Il est souvent difficile pour l’opérateur funéraire, sollicité par une famille dont le proche est décédé dans des circonstances très souvent dramatiques, dans le cadre de l’organisation d’un transport du corps sans cercueil depuis l’IML vers une chambre funéraire située à proximité de la résidence de la famille, de ne pas pouvoir répondre positivement à cette demande. En faisant cela, il se mettrait effectivement en infraction par rapport à la réglementation.
Il reste que, pour les familles confrontées à une situation tragiquement douloureuse, l’impossibilité de faire revenir le corps du défunt sans cercueil à proximité de leur lieu de résidence, avec pour conséquence d’avoir à se rendre à l’IML pour pouvoir assister à la mise en bière de leur proche, est une charge supplémentaire, souvent difficile à comprendre et à accepter. Surtout lorsque, dans des situations similaires, des ordres de réquisitions ont pu permettre à d’autres familles de pouvoir revoir et veiller leur défunt dont le corps a été transporté sans cercueil depuis l’IML vers une chambre funéraire.
Ces ordres, aléatoires, de transport de corps sans cercueil engendrent une disparité de traitement pour les citoyens. Certaines familles auront "la chance", dans leur malheur, qu’un procureur ordonne le retour sans cercueil depuis l’IML vers une chambre funéraire, alors que d’autres familles devront subir la "double peine" d’être confrontées d’une part à la mort violente d’un proche et d’autre part à l’impossibilité de pouvoir se recueillir auprès du corps. Mais il faut bien comprendre que ce type de pratique n’est pas réglementée, et dépendra du "bon vouloir" du procureur ordonnant la levée de l’obstacle médico-légal. Il est d’autant plus regrettable que cette disparité ne soit pas clairement identifiée par les pouvoirs publics, alors que les services du ministère de la Justice ont récemment publié une circulaire relative à l’annonce du décès et au traitement respectueux du défunt et de ses proches (voir Résonance n° 187 – Janvier 2023).
En définitive, il est important pour l’opérateur funéraire, lorsque le décès présente un problème médico-légal, de bien connaître le cadre qui entoure cette situation et les limites de ses marges de manœuvre en matière de transport de corps avant mise en bière. Il faudra par conséquent être très vigilant avant de s’engager à proposer une prestation de transport avant mise en bière qui ne pourra pas être réalisée, sous peine de se mettre en infraction avec la réglementation.
En complément des réponses directes aux adhérents, la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) communique régulièrement des informations juridiques et organise aussi des webinars permettant aux entreprises adhérentes à notre fédération d’appliquer en toute sécurité les dispositions réglementaires et législatives.
Si vous souhaitez en savoir plus sur nos actions, nous vous invitons à vous rapprocher des équipes de permanents de la CPFM mais aussi de votre référent régional.
Delphine Berteau
Directrice des affaires juridiques de la CPFM
Pierre Larribe
Responsable juridique de la CPFM
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