Votre panier

Panier vide
Le 2 décembre 2022 était signée une circulaire interministérielle sous l’égide du ministère de la Justice (NOR : JUST2233405C) ayant "pour objet de définir un cadre général aux annonces de décès et au traitement respectueux du défunt et de ses proches dans le contexte d’une enquête judiciaire, afin d’harmoniser les bonnes pratiques à mettre en œuvre lors des différentes démarches consécutives au décès".


Une fois n’est pas coutume, le secteur funéraire apparaît comme le grand "oublié" des travaux réalisés pour l’élaboration de cette circulaire, affichant quand même 28 pages (hors annexes). Rappelons en effet qu’en tout état de cause, l’opérateur funéraire constitue une étape et un acteur incontournables, qu’il s’agisse de la prise en charge du corps ou de la prise en charge de sa famille.

Cependant, si l’on se penche sur le "verre à moitié plein", on constatera que figurent en annexe une allusion à la charte de la personne endeuillée, mais surtout quelques passages dans le corps de la circulaire qui intéresseront à n’en pas douter les opérateurs funéraires, souvent insuffisamment informés sur le parcours du corps affecté par un obstacle médico-légal ainsi que sur les droits de sa famille (ces passages extraits de la circulaire figurent reproduits ci-dessous).

Mais comme tout verre à moitié plein est par hypothèse à moitié vide, on ne peut que s’indigner à la lecture de cette circulaire, sur les quelques développements consacrés à la présentation des corps fortement dégradés aux familles, qui démontrent à n’en pas douter une méconnaissance certaine de deux disciplines, pourtant capitales en la matière, que constituent la thanatopraxie et la thanatoplastie(*)

Titre 2 : Le traitement respectueux du défunt et de ses proches dans un cadre judiciaire

À chaque étape, tous les professionnels doivent exercer leur mission avec respect, dignité, décence et humanité à l’égard du défunt et de ses proches(1).

Le traitement respectueux du corps du défunt doit guider les professionnels dès sa découverte, en prenant des mesures appropriées pour le soustraire à la vue du public et des éventuels médias, sans dénaturer la scène et donc sans déplacer le corps, notamment en utilisant des panneaux obérant la vue.

Une vigilance doit y être apportée afin d’éviter la prise de photographies, notamment par la presse(2).

Partie 1 - Le traitement respectueux du corps du défunt

I - La réalisation d’actes médico-légaux

A. L’autopsie judiciaire et les prélèvements biologiques

Les pratiques funéraires et les rituels religieux, importants dans le processus de deuil, peuvent parfois se trouver retardés, voire empêchés par la réalisation d’actes médico-légaux nécessaires à la manifestation de la vérité.

C’est le cas de l’autopsie judiciaire qui peut être ordonnée pour les besoins de l’enquête judiciaire (en application des articles 60, 74 et 77-1 du Code de procédure pénale) ou d’une information judiciaire (en application des articles 156 et suivants du Code de procédure pénale). L’autopsie est réalisée non seulement aux fins de déterminer les causes et les circonstances du décès(3) notamment lorsque la cause de la mort paraît violente, suspecte ou inexpliquée, mais aussi aux fins d’identification du défunt (absence de documents d’identité, corps non reconnaissable).

Le médecin légiste peut effectuer des prélèvements aux fins d’analyses complémentaires histologiques (examen anatomo-pathologique) et toxicologiques. Conformément à la recommandation européenne R (99)3 sur l’harmonisation des règles en matière d’autopsie médico-légale, la pratique de prélèvement par échantillonnage d’organes nécessaire aux examens est à privilégier aux prélèvements d’organes entiers.

Ces investigations médico-légales sont souvent vécues douloureusement par la famille qui peut les percevoir - selon ses convictions religieuses ou les circonstances du décès -, comme une intrusion et une nouvelle mutilation du corps du défunt. Il est donc nécessaire d’organiser avec autant d’humanité que possible les mesures indispensables à la préservation des preuves notamment médico-légales comme les modalités visant à en informer les familles. L’autopsie judiciaire doit ainsi être réalisée dans les meilleurs délais et les contraintes des proches du défunt (par exemple si le décès a eu lieu sur un lieu de vacances, ou s’ils sont étrangers ou que le corps doit être ensuite transporté à l’étranger) doivent autant que possible être prises en compte.

B. Le droit à l’information des familles

L’art. 230-28 du Code de procédure pénale prévoit, dans son dernier alinéa qu’en raison des nécessités de l’enquête ou d’une information judiciaire, le conjoint, le concubin, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, les ascendants ou les descendants en ligne directe du défunt sont informés dans les meilleurs délais de ce qu’une autopsie a été ordonnée et que des prélèvements biologiques ont été effectués.

L’autorité judiciaire et les officiers et agents de police judiciaire doivent veiller à ce que l’information soit effectivement donnée aux familles. Ces informations doivent être délivrées avec tact en expliquant, dans des termes simples et accessibles, qu’ils sont effectués pour les nécessités de l’enquête, en rappelant le souci constant du respect du défunt lors de leur mise en œuvre. Il n’y a néanmoins pas lieu d’indiquer les motifs de réalisation de l’autopsie judiciaire et des prélèvements ; qui relèvent du secret de l’enquête.

Les professionnels peuvent utilement s’appuyer, le cas échéant, sur l’expertise de partenaires, tels que les associations d’aide aux victimes agréées, les psychologues des IML (Institut Médico-Légal) ou encore les aumôniers hospitaliers ou militaires.

Lorsque le défunt est de nationalité étrangère, les services d’enquête, sous le contrôle du magistrat en charge des investigations, avisent la représentation diplomatique ou consulaire en France du pays dont la victime était ressortissante des éventuels actes médico-légaux pratiqués. Celle-ci se chargera de l’annonce à la famille à l’étranger.

II - La présentation et la remise du corps aux proches

La présentation et la remise du corps, qu’elles fassent suite à une autopsie judiciaire ou non, peuvent revêtir un aspect traumatisant pour les proches. Il est essentiel de veiller à leur bon déroulement et à la manière dont les informations à ce sujet sont délivrées.

A. Dans le cadre d’une autopsie judiciaire

a) La présentation du corps pour un dernier hommage

Conformément aux dispositions de l’art. 230-29 alinéa 2 du Code de procédure pénale, le praticien est tenu de s’assurer de la meilleure restauration possible du corps. L’art. 230-29 alinéa 3 du Code de procédure pénale précise qu’il ne peut être refusé aux proches du défunt qui le souhaitent d’avoir accès au corps avant sa mise en bière, sauf pour des raisons de santé publique(4). L’accès au corps se déroule dans des conditions qui leur garantissent respect, dignité, décence et humanité.

Les décrets prévus par les articles 230-29 et 230-31 compléteront prochainement ces dispositions. À l’issue, une charte de bonnes pratiques, sera affichée en un lieu visible de l’IML afin d’informer les familles de leurs droits et devoirs.

[…] "Il est important d’expliquer à la famille les règles applicables, la manière dont la présentation va se dérouler, et de les préparer le cas échéant à l’état du corps, notamment en cas de blessures graves ou de mutilations. Au vu des informations données, les proches ont toujours la possibilité de renoncer à voir le corps du défunt, mais il doit s’agir d’un choix personnel. Afin de ne pas les écarter du processus de deuil, cette faculté s’applique également aux mineurs.

Si l’état du corps est trop dégradé, les professionnels peuvent envisager de présenter le corps recouvert ne laissant visible qu’une seule partie du corps (la main par exemple) ou d’organiser un temps de recueillement symbolique auprès d’un cercueil fermé. Il peut utilement être recouru à l’intervention d’un thanatologue, dans les IML qui en sont dotés, avec l’accord préalable et obligatoire des proches […]".

À savoir :

On ne peut que s’étonner, voire s’indigner des paragraphes de la circulaire consacrés à la présentation des corps autopsiés pour un dernier hommage. Si, le texte rappelle, à juste titre, que "les proches ont toujours la possibilité de renoncer à voir le corps du défunt, mais qu’il doit s’agir d’un choix personnel" ("notamment en cas de blessures graves ou de mutilations"), il est néanmoins curieux que les rédacteurs de la circulaire aient choisi une présentation négative de ces situations alors qu’il aurait été plus adapté de centrer la présentation de ce cas de figure autour des solutions existantes pour permettre justement la présentation de ces corps fortement dégradés.

En effet, depuis maintenant plusieurs décennies, s’est développée en France une discipline complémentaire à la thanatopraxie : la thanatoplastie. Cette discipline, aujourd’hui parfaitement maîtrisée, et faisant recours à des techniques très avancées, permet de reconstituer dans de très nombreux cas les parties du corps du défunt très abîmées ayant vocation à être présentées à la famille du défunt telles que le visage. Notons par ailleurs que de plus en plus de thanatopracteurs à travers toute la France sont formés à ces techniques et que ces formations spécifiques sont contraintes, chaque année de refuser des candidats tant la demande de formation est forte.

Rappelons d’ailleurs que cette discipline, a été en particulier développée pour permettre de présenter à leurs familles les militaires français décédés en opérations extérieures (Afghanistan, Mali, notamment) !

En outre, la phrase de la circulaire (page 17, § 5) qui indique qu’il "peut utilement être recouru à l’intervention d’un thanatologue, dans les IML qui en sont dotés, avec l’accord préalable et obligatoire des proches", m’interpelle… En effet, rappelons puisque, cela semble hélas nécessaire, que le mot "thanatologue" désigne la profession de "thanatopracteur" au Canada et non en France !

De plus, si l’intervention d’un thanatopracteur est en général possible, selon l’état du corps, y compris sur des corps autopsiés, son intervention n’est évidemment pas limitée aux seuls "IML qui en sont dotés". En effet, si certains IML comptent dans leurs effectifs des techniciens titulaires du diplôme national de thanatopracteur, leurs actions sur les corps se limitent en général à la réalisation de sutures ou de petites interventions de présentation sommaires des défunts.

En effet, les soins de conservation constituent au titre de l’art. L. 2223-19 (3°) du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) une activité du service extérieur des pompes funèbres et requièrent pour l’opérateur proposant cette prestation d’être titulaire d’une habilitation préfectorale à ce titre, ce qui n’est pas le cas des IML.

Enfin, ce paragraphe de la circulaire conclut que ces soins ne peuvent être réalisés qu’avec "l’accord préalable et obligatoire des proches". Cette affirmation est assurément fausse et entre en parfaite contradiction avec les règles de l’art. R. 2213-2-2 du CGCT qui subordonne la réalisation des soins de conservation, notamment à l’expression des dernières volontés écrites du défunt ou à défaut d’une demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et d’une déclaration préalable au maire de la commune (ainsi que, dans le cas particulier des obstacles médico-légaux de l’autorisation ou a minima, de la non-opposition expresse du procureur de la République ou du juge d’instruction).


b) La remise du corps

En vertu de l’art. 230-29 du Code de procédure pénale, lorsque la conservation du corps n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, à l’issue des investigations médico-légales, et l’identité établie en commission d’identification le cas échéant(5), le corps peut être remis aux familles, après autorisation de l’autorité judiciaire. Le procureur de la République ou le juge d’instruction délivre alors dans les meilleurs délais le permis d’inhumer. Un obstacle à la crémation peut toutefois être posé par l’autorité judiciaire compte tenu des nécessités de l’enquête ou des circonstances de commission des faits(6).

À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’autopsie, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles peut solliciter la restitution du corps auprès du procureur de la République ou du juge d’instruction(7) qui doit y répondre par une décision écrite dans un délai de quinze jours.

c) La restitution des prélèvements biologiques

Conformément aux dispositions de l’art. 230-30 du Code de procédure pénale, l’autorité judiciaire compétente peut ordonner la destruction des prélèvements biologiques, en ce compris les organes prélevés lorsqu’ils ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité. Cette destruction s’effectue alors selon les modalités prévues par l’art. R. 1335-11 du Code de la santé publique, par voie d’incinération. Si la famille s’interroge à ce sujet, il convient de faire preuve de pédagogie en lui expliquant sobrement le cadre légal applicable(8) et en lui assurant du traitement respectueux de ces restes humains.

Toutefois, sous réserve des contraintes de santé publique, lorsque ces prélèvements constituent les seuls éléments ayant permis l’identification du défunt, l’autorité judiciaire peut autoriser leur restitution en vue d’une inhumation ou d’une crémation(9). Cette question doit être évoquée avec les proches, en fonction de leurs souhaits quant à la restitution ou à la destruction. Sous réserve de l’appréciation de la Cour de cassation, il convient de se reporter aux modalités de restitution des scellés, détaillées aux articles 41-4 et suivants (enquête) et 99 (instruction) du Code de procédure pénale.

B. En l’absence d’autopsie

En l’absence d’autopsie, la présentation du corps du défunt pourra avoir lieu dans un établissement de santé autre qu’un Institut Médico-Légal, en chambre mortuaire ou de soin si le corps n’a pas encore été déplacé. Il convient de respecter les précautions déjà évoquées concernant la préparation de la famille à la présentation du corps […]. En cas de blessure grave ou de mutilation, le personnel veille à couvrir les parties du corps concernées et à en informer la famille préalablement, afin que les proches qui le souhaitent puissent renoncer à la présentation le cas échéant.

Pour une lecture intégrale du texte de la circulaire : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45383
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris


Nota :
(1) Article 16-1-1 du Code civil, article 230-29 du Code de procédure pénale.
(2) La publication de photographies peut relever du délit d’atteinte à l’intégrité du cadavre prévu et réprimé par l’art. 225-17 alinéa 1 du Code pénal.
(3) L’autopsie judiciaire se distingue de l’autopsie médicale définie par l’art. L. 1211-2 du Code de la santé publique comme l’autopsie "pratiquée, en dehors du cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire, dans le but d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès".
(4) Art. R. 2213-2-1 a) et b) du CGCT qui prévoit la liste des infections transmissibles justifiant une mise en bière (fermeture de cercueil immédiate).
(5) Les procédures d’identification utilisées, conformes au protocole défini au niveau international par INTERPOL s’appuient sur deux structures distinctes mais complémentaires, la cellule ante mortem et la cellule post mortem qui, mises en corrélation, permettent à une commission d’identification composée de spécialistes de différents domaines scientifiques de prononcer les identifications formelles des corps.
(6) Art. R.2213-34 du CGCT.
(7) Dans des conditions de forme précisées par décret ultérieur.
(8) L’art. R. 1335-11 du Code de la santé publique vise les "pièces anatomiques d’origine humaine" qui comprennent notamment les déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables. Le terme "déchets", susceptible d’être source de mauvaise compréhension de la part des familles, doit ainsi être évité.
(9) L’art. 16-1 du Code civil modifié par la loi du 19 décembre 2008 dispose que : "Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation doivent être traités avec respect, dignité et décence".

 

Résonance n° 187 - Janvier 2023

 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations