Cette fiche n° 5782 est issue du service documentaire "Pratique des opérations funéraires" des Éditions WEKA, dirigé par Marie-Christine Monfort, cheffe de service des crématoriums de la Métropole Européenne de Lille. Mis à jour en permanence, ce service offre une veille juridique et réglementaire, et des conseils opérationnels pour tous les professionnels pratiquant le droit funéraire.
La création ou l’agrandissement du cimetière relève de la compétence du conseil municipal (Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT –, art. L. 2223-1, al. 2). Modifiée par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 et le décret n° 86-272 du 24 février 1986, la procédure de création ou d’agrandissement d’un cimetière varie selon le lieu de son implantation.
Quelles sont les étapes à suivre pour créer un nouveau cimetière ou agrandir un cimetière existant ?
- Estimer les besoins et choisir le terrain d’assiette adéquat
Il convient au préalable d’évaluer les besoins afin de répondre aux demandes d’inhumations et de concessions destinées à la fondation de sépultures particulières. Doivent être prises en compte les prescriptions de l’art. L. 2223-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), qui dispose que les terrains consacrés à l’inhumation des morts doivent être cinq fois plus étendus que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé de défunts qui peuvent y être enterrés chaque année.
Toutefois, ces dispositions ne s’appliquant qu’au terrain commun, il conviendra de prendre en compte d’autres paramètres : le ratio inhumation/crémation, par exemple, qui permettra de prévoir l’emprise du site cinéraire et des sépultures d’urnes, la largeur minimum des allées au regard des normes relatives à la circulation des personnes à mobilité réduite…
À noter
Dans les communes (ou les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) compétents en matière de cimetières) de 2 000 habitants et plus, le cimetière doit être équipé d’un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation (CGCT, art. L. 2223-1, al. 1er). Ce site cinéraire doit comprendre au minimum un espace aménagé pour la dispersion des cendres (dit "jardin du souvenir"), et un columbarium ou des espaces concédés pour l’inhumation des urnes (dits "cavurnes") (CGCT, art. L. 2223-2, al. 2).
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- Le choix du terrain est en principe libre
L’art. R. 2223-2 du CGCT précise toutefois que les terrains les plus élevés et exposés au nord doivent être privilégiés, et qu’un rapport établi par un hydrogéologue agréé doit se prononcer sur le risque que le niveau des plus hautes eaux de la nappe libre superficielle puisse se situer à moins d’un mètre du fond des sépultures.
Le choix du terrain sera essentiellement dicté par la composition géologique du sol et par les risques de pollution des eaux souterraines. La commune devra également tenir compte des prescriptions des documents d’urbanisme, ainsi que des risques d’inondation du terrain d’assiette (rép. min. n° 37213 : JO Sénat Q, 2 mai 2002, p. 1304).
Remarque
Le cimetière d’une commune peut se situer sur le territoire d’une commune voisine : ce peut être le cas lorsqu’il y a regroupement de communes, lorsqu’un cimetière intercommunal a été créé, ou bien encore lorsque la commune se trouve dans l’impossibilité de disposer d’un terrain convenable sur son propre territoire.
L’art. R. 2213-31, alinéa 2, du CGCT précise que tout cimetière affecté en totalité ou en partie à la desserte d’une commune est considéré comme y étant situé même s’il se trouve hors des limites territoriales de cette commune. En conséquence, le maire de la commune propriétaire du cimetière y exerce seul les pouvoirs de police réglementaire et de police spéciale en matière de funérailles.
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Si elle n’est pas déjà propriétaire du terrain sur lequel elle projette de créer le cimetière ou de l’étendre, la commune doit procéder à son acquisition soit à l’amiable, soit par voie de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette dernière option permet à la commune de prendre possession d’un terrain purgé de toute hypothèque ou servitude du fait de son ancien propriétaire.
À noter
Une commune peut procéder à une expropriation sur le territoire d’une autre commune pour la création ou l’agrandissement d’un cimetière, si elle ne dispose pas sur son propre territoire d’un terrain présentant la même aptitude à recevoir l’ouvrage.
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- Prendre la décision de créer ou d’agrandir le cimetière, et solliciter, si besoin, l’autorisation du préfet
La création ou l’extension d’un cimetière situé à la fois à moins de trente-cinq mètres des habitations et à l’intérieur du périmètre d’agglomération des communes urbaines doit être autorisée par arrêté préfectoral (CGCT, art. L. 2223-1, al. 2).
Dans les autres cas (communes rurales et communes urbaines si le cimetière créé se situe à l’extérieur du périmètre d’agglomération ou à l’intérieur de ce périmètre mais à plus de trente-cinq mètres des habitations), les communes disposent d’une totale liberté de créer ou d’agrandir leurs cimetières, sous réserve de respecter les règles d’urbanisme.
Remarque
Sont considérées comme communes urbaines les communes dont la population agglomérée compte plus de 2 000 habitants et celles qui appartiennent, en totalité ou en partie, à une agglomération de plus de 2 000 habitants (CGCT, art. R. 2223-1, al. 1er). Selon la circulaire du 3 mars 1986 relative à la création et à l’agrandissement de cimetières, cette définition recouvre la notion d’unités urbaines au sens de l’Insee ; il peut s’agir d’agglomérations urbaines multi-communales ou de villes isolées. La population à prendre en compte est celle résidant à l’intérieur des périmètres d’agglomération.
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- Procédure de création ou d’extension du cimetière en zone urbaine
a) Délibération du conseil municipal décidant la création ou l’extension
Dans tous les cas, le conseil municipal devra prendre une délibération décidant la création ou l’agrandissement du cimetière et sollicitant, le cas échéant, l’autorisation du préfet. Cette délibération devra être suivie, le cas échéant, d’une demande officielle d’autorisation adressée au préfet.
b) Délibération par laquelle le conseil municipal sollicite le préfet du département d’implantation afin qu’il ouvre et organise une enquête publique sur ce projet, ou courrier du maire qui a reçu délégation
c) Organisation de l’enquête : elle a pour but d’informer la population sur la nature exacte du projet et de recueillir ses observations
1/ Composition du dossier d’enquête, les différentes pièces à réunir :
• Le dossier de présentation du projet (situation du terrain concerné, description des aménagements envisagés) ;
• Le compte rendu de l’étude hydrogéologique obligatoire réalisée par un expert agréé : cette étude garantit la préservation de la nappe phréatique, mais elle permet également d’anticiper le délai de rotation nécessaire pour assurer la décomposition des corps du fait de la nature des sols ;
• La délibération du conseil municipal ayant approuvé le projet de création ou d’extension ;
• La délibération du conseil municipal ayant sollicité le préfet du département afin qu’il organise cette enquête publique (ou l’arrêté du maire qui a reçu délégation) ;
• L’arrêté préfectoral prescrivant l’enquête publique ;
• Le plan masse du ou des terrains d’implantation de l’extension ou de la création.
2/ Désignation du commissaire enquêteur et remise du dossier d’enquête par le préfet. Le registre d’enquête dûment paraphé par ses soins est mis à la disposition de la population durant un mois. Vous devez prévoir un local fermé pour le commissaire enquêteur, qui y tiendra ses permanences.
• Publicité de l’enquête : quinze jours au moins avant le début de l’enquête, et pendant toute sa durée, un avis d’enquête est affiché à la mairie et sur site. Il doit également faire l’objet d’une publication dans au moins deux organes de presse locale ;
• À l’issue de l’enquête, le commissaire enquêteur rédige un procès-verbal de synthèse dans lequel il présente les observations recueillies au maire de la commune. Les réponses apportées par le maire sont communiquées aux citoyens qui se sont exprimés. Ils émettront ensuite ou non un avis favorable sur le projet.
d) Saisine du préfet
Le maire transmet au préfet un dossier d’autorisation comprenant :
• Un plan détaillé du terrain à acquérir (en double exemplaire) ;
• Un plan du cimetière actuel (en double exemplaire) ;
• Le procès-verbal de l’enquête publique ;
• Le procès-verbal d’expertise de l’hydrogéologue ;
• La délibération du conseil municipal portant approbation du rapport de l’expert et votant le prix d’acquisition du terrain (en double exemplaire) ;
• Un état indicatif de la situation de la caisse municipale ;
• Éventuellement, le plan d’occupation des sols ou le plan local d’urbanisme ;
• Lorsque le projet ne se réalise pas sur le territoire de la commune, un certificat du maire attestant qu’il n’existe pas de terrain adapté dans la commune.
Avant de prendre sa décision, le préfet doit recueillir l’avis du Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques (CoDERST).
À noter
En l’absence de réponse du préfet dans les six mois, la demande d’autorisation de création ou d’extension du cimetière est considérée comme rejetée (CGCT, art. R. 2223-1, al. 2).
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L’autorisation de création ou d’agrandissement du cimetière prend la forme d’un arrêté préfectoral.
Notre conseil
Anticipez la saturation des cimetières existants en programmant la reprise des sépultures en terrain commun, et des concessions non renouvelées ou abandonnées, mais aussi, si besoin, en prospectant les ressources foncières pour leur extension ou la création d’un nouveau cimetière.
Le corollaire d’une bonne gestion de votre cimetière est l’établissement et le suivi de son plan précis, qui vous permettra d’identifier en temps réel le régime juridique des différentes parcelles qui y figureront et de veiller régulièrement pour chacune à l’évolution de leur utilisation pour optimiser la répartition des surfaces qui leur sont consacrées. Du fait de la tension foncière qui prévaut dans de nombreuses communes, l’extension du cimetière doit être le recours ultime lorsque toutes les opportunités ont été visitées et mises en pratique.
Par la suite, la tenue de ce document de travail vous protégera d’éventuelles erreurs. Le Conseil d’État, dans une lecture du 17 janvier 2011, n’avait pas manqué de rappeler au maire d’une commune qu’il engageait la responsabilité de cette dernière lorsqu’il avait attribué une même parcelle à deux familles différentes.
Erreurs à éviter
N’omettez pas de prévoir les dépenses d’investissement liées à la création du cimetière : acquisition du terrain d’assiette, coût de l’édification de la clôture (qui constitue une dépense obligatoire – CGCT, art. L. 2321-2) et des plantations, construction des réseaux viaires, rémunération de l’expert hydrogéologue, etc.
À noter
La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles a étendu la notion d’intérêt communautaire, qui concerne désormais les métropoles, les communautés urbaines, mais également les communautés de communes.
Au nombre des compétences obligatoires (optionnelles pour les communautés de communes) figurent la création, la gestion et translation des cimetières et des sites cinéraires d’intérêt métropolitain. Le maire d’une commune membre d’un EPCI doit donc vérifier si son projet est éligible à une intervention de cet EPCI avant de l’engager.
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FAQ
Plusieurs communes peuvent-elles créer un cimetière commun par le biais d’un établissement de coopération intercommunale ?
Oui, un établissement de coopération intercommunale peut créer et gérer un cimetière commun si cette compétence lui a été déléguée par les communes le composant.
Peut-on créer un cimetière confessionnel privé ?
Non, depuis la loi du 14 novembre 1881, la création de cimetières confessionnels, comme leur agrandissement, est interdite.
Les riverains du cimetière créé ou agrandi peuvent-ils être indemnisés par la commune du préjudice subi du fait de la proximité du cimetière ?
Oui, mais ils doivent prouver qu’ils subissent un préjudice anormal et spécial (CE, 25 nov. 1994, Commune de Serrières-de-Briord, n° 111724).
Références juridiques
• CGCT :
• art. L. 2223-1 posant l’obligation pour chaque commune ou EPCI compétent en matière de cimetières de disposer d’un cimetière et, dans certains cas, d’un site cinéraire ; il précise en outre que la création, l’agrandissement ou la translation d’un cimetière relève de la compétence du conseil municipal et nécessite, selon son lieu d’implantation, une autorisation préfectorale ;
• art. L. 2223-2 comportant des précisions quant à la superficie que doit présenter le terrain consacré à l’inhumation des morts et quant aux équipements du site cinéraire ;
• art. L. 2321-2 disposant que la clôture des cimetières, leur entretien et leur translation figurent parmi les dépenses obligatoires de la commune ;
• art. R. 2213-31 soumettant l’inhumation dans le cimetière communal à l’autorisation du maire ;
• art. R. 2223-1 précisant les conditions de la demande d’autorisation de création, d’agrandissement ou de translation de cimetières ;
• art. R. 2223-2 donnant des préconisations concernant l’implantation des cimetières et leurs clôtures, lesquelles doivent obligatoirement atteindre 1,50 mètre de hauteur.
• Code de l’environnement, art. L. 123-1 et suivants encadrant les enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement.
• Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles.
• Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, art. 45, simplifiant la procédure de création et d’agrandissement des cimetières, subordonnée à autorisation préfectorale dans certains cas seulement.
• Loi du 14 novembre 1881 qui consacre la neutralité du cimetière en abrogeant l’article 15 du décret-loi du 23 prairial an XII qui imposait aux communes de prévoir une partie du cimetière ou un lieu d’inhumation spécifique pour chaque culte.
• Décret n° 86-272 du 24 février 1986 pris pour l’application de l’article 45 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 et modifiant le Code des communes, précisant la notion de communes urbaines pour l’application de la procédure de création et d’agrandissement des cimetières.
• Circulaire du 3 mars 1986 relative à la création et à l’agrandissement de cimetières, commentant le nouveau régime juridique résultant de la loi du 25 juillet 1985 et rappelant les dispositions juridiques jusqu’alors applicables.
• Rép. min. n° 37213 : JO Sénat Q, 2 mai 2002, p. 1304 : la réponse ministérielle précise que l’autorité compétente, pour décider de l’extension du cimetière, doit tenir compte des problèmes de sécurité et de salubrité publiques liés aux risques d’inondation du terrain d’assiette, indépendamment de son classement en zone inconstructible d’un plan d’occupation des sols au titre de la réglementation de l’urbanisme.
• CE, 25 novembre 1994, Commune de Serrières-de-Briord, n° 111724 : cet arrêt reconnaît le préjudice anormal et spécial subi par le riverain d’un cimetière dont les limites avaient été portées à douze mètres de sa maison.
Marie-Christine Monfort
Transmis par Julien Prévotaux
Directeur éditorial, WEKA
Résonance n° 184 - Octobre 2022
Résonance n° 184 - Octobre 2022
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