Dans le cadre de la loi 3DS (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification) initiée par le Gouvernement en mai 2021, et promulguée le 22 février 2022, il existe des dispositions concernent la législation funéraire. L’une d’elles, importante, concerne les résidus métalliques issus de la crémation.
Rappelez-vous, une entreprise de collecte et de recyclage des déchets métalliques avait soulevé la question du devenir des éléments métalliques recueillis après les crémations, reprochant aux gestionnaires de crématoriums de faire des profits aux dépens des défunts et de leur famille.
Dans les faits, les gestionnaires de crématoriums, confrontés au recueil de résidus métalliques à l’issue des crémations, appliquent les dispositions qui s’imposent à tout producteur de "déchets", à savoir l’obligation de tri et de valorisation ou de recyclage de ces derniers. Ces résidus métalliques, principalement sous forme d’agrégats ou de pièces métalliques déformés par la chaleur de l’opération de crémation, sont séparés des cendres destinées à être remises à la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.
Ils sont ensuite collectés par des entreprises spécialisées dans le retraitement des déchets métalliques qui les trient et les valorisent. Cette valorisation engendre des revenus financiers que les entreprises de retraitement reversent aux "producteurs" de ces déchets.
Attentive au bon déroulement de la crémation (qui consiste à accélérer la transformation de la dépouille mortelle en cendres pour permettre aux familles qui choisissent ce mode d’obsèques de réaliser les volontés du défunt), la législation avait veillé à encadrer le devenir des cendres, mais ne s’était pas penchée sur la production potentiellement génératrice de résidus métalliques.
À défaut d’indication législative claire, la très grande majorité des entreprises gestionnaires de crématoriums, soucieuses de ne pas intégrer ces "revenus" dans leurs recettes de fonctionnement, avaient choisi de reverser ces sommes à des associations caritatives.
Cette polémique ayant attiré l’attention du grand public et celle des pouvoirs publics, les discussions sur la loi 3DS ont permis d’intégrer l’étude de cette question dans les travaux préparatoires aux débats parlementaires. Ainsi, la loi précise des modalités de prise en charge de ces résidus en ajoutant l’art. L. 2223-18-1-1 au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), mettant ainsi fin au flou juridique.
La loi précise désormais que ces résidus métalliques ne sont pas assimilés aux cendres du défunt. Elle indique que "ces métaux font l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue du traitement approprié pour chacun d’eux".
Cette précision est importante. En faisant obligation au gestionnaire du crématorium de récupérer ces métaux et de les céder, à titre gracieux ou onéreux, à un prestataire spécialisé dans leur tri et leur valorisation, elle exclut sans ambiguïté la possibilité pour la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles (ou au défunt lui-même dans le cadre de l’expression de ses volontés) de considérer que ces résidus métalliques puissent faire l’objet d’une réclamation pour "restitution".
En revanche, le législateur souhaite qu’une information soit donnée au public (en particulier aux personnes qui commandent une prestation de crémation), précisant que les éventuels résidus métalliques (les crémations ne produisent pas toutes des déchets…) font l’objet d’une collecte et d’une valorisation. Il précise également que les fonds issus de cette valorisation doivent être utilisés pour financer la prise en charge des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes, ou pour alimenter un don à une association d’intérêt général ou à une fondation reconnue d’utilité publique.
Un décret d’application viendra préciser les modalités d’information du grand public sur ces dispositifs. Un affichage dans les locaux d’accueil du crématorium devra préciser ces modalités. Les documents commerciaux (bon de commande de crémation…) devront également comporter ces informations.
La Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) se réjouit des échanges qu’elle a initiés avec les parlementaires et la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL), qui ont permis d’aboutir à des dispositions claires et réalistes sur le traitement de ces résidus métalliques et l’utilisation des revenus générés.
Pour rappel, un premier projet parlementaire, était envisagé. Il précisait que, sur demande du défunt ou de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les résidus métalliques issus de la crémation puissent être remis à cette dernière. Cette disposition n’était pas réaliste. Comment remettre l’urne recueillant les cendres du défunt et des éléments métalliques déformés sans perturber la personne destinataire ? L’aspect de ces résidus peut provoquer un choc émotionnel brutal.
Un tel projet aurait transféré à la personne destinataire la charge du retraitement de la valorisation de ces déchets, sans certitude qu’elle donne suite à cette logique. De plus, il aurait pu être source de contentieux, la personne ayant pourvu aux funérailles pouvant exiger une restitution d’éléments non retrouvés à l’issu de la crémation. À noter qu’il n’y a pas "d’inventaire" des éléments métalliques présents sur le corps du défunt préalablement à la crémation.
Une autre disposition développait l’idée que les revenus versés aux crématoriums, en retour de la valorisation, soient reversés aux personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou à la succession. Techniquement il aurait été particulièrement complexe de recenser les résidus métalliques et de répartir le montant global reversé aux crématoriums par les entreprises de valorisation des métaux, aux différentes familles concernées.
Ainsi, nous sommes satisfaits que la DGCL et les parlementaires aient entendu, compris et pris en compte les arguments et recommandations défendus par la CPFM. Nous nous félicitons des précisions législatives qui sont désormais effectives et qui renforcent le professionnalisme des gestionnaires de crématoriums, attachés à leur mission de service public.
Art. L. 2223-18-1-1 – Création loi n° 2022-217 du 21 février 2022 – art. 237 (V) Sans considération de leur origine, les métaux issus de la crémation ne sont pas assimilés aux cendres du défunt. Ces métaux font l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue du traitement approprié pour chacun d’eux. Le produit éventuel de la cession prévue au I est inscrit en recette de fonctionnement au sein du budget du crématorium où les métaux ont été recueillis. Ce produit éventuel ne peut être destiné qu’aux opérations suivantes : 1° Financer la prise en charge des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes, mentionnées à l’art. L. 2223-27 ; 2° Faire l’objet d’un don à une association d’intérêt général ou à une fondation reconnue d’utilité publique. Les dispositions des I et II figurent sur tout document de nature contractuelle prévoyant la crémation du défunt et sont affichées dans la partie des crématoriums ouverte au public. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. |
Pierre Larribe
CPFM
Résonance n° 178 - Mars 2022
Résonance n° 178 - Mars 2022
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