Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales - Février 2022.
I - Textes officiels
1 - Décret n° 2022-284 du 28 février 2022 relatif à l’établissement du certificat de décès
L’élaboration ou la transmission du certificat de décès sur support papier devient l’exception.
Ce décret renforce l’obligation d’établir les certificats de décès par voie électronique, en précisant que l’élaboration ou la transmission du certificat de décès sur support papier est exceptionnelle. Cette obligation s’applique lorsque le décès a eu lieu dans un établissement de santé public ou privé ou dans un établissement médico-social.
Lorsque le médecin, l’étudiant ou le praticien sont, pour des raisons techniques, dans l’impossibilité de transmettre un certificat de décès par voie électronique, ils peuvent procéder à son édition.
JORF n° 0050 du 1er mars 2022 - NOR : SSAP2131992D
2 - Arrêté du 26 janvier 2022 portant allongement du délai d’inhumation et de crémation en raison des circonstances exceptionnelles liées à la propagation de l’épidémie de la Covid-19
Les règles funéraires sont à nouveau adaptées sur le territoire métropolitain, à La Réunion, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour une durée de trois mois à compter de la date de l’entrée en vigueur de l’arrêté (art. 2).
Pour la Guyane, les dispositions de l’art. 2 entrent en vigueur à l’échéance des dispositions de l’arrêté du 15 septembre 2021 portant diverses adaptations dans le domaine funéraire en outre-mer en raison des circonstances exceptionnelles liées à la propagation de l’épidémie de la Covid-19 et pour une durée de trois mois à compter de la date de l’entrée en vigueur du présent arrêté.
Il peut donc encore être dérogé aux délais d’inhumation ou de crémation prévus aux articles R. 2213-33 et R. 2213-35 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) sans accord préalable du préfet dans la mesure strictement nécessaire au regard des circonstances. Le délai dérogatoire ne peut alors dépasser 14 jours calendaires après le décès ou, le cas échéant, un délai supérieur fixé par le préfet pour tout ou partie du département.
L’opérateur funéraire adresse au préfet par tout moyen une déclaration écrite motivée précisant le délai dérogatoire mis en œuvre au plus tard 15 jours après l’inhumation ou la crémation.
II - Jurisprudence
1 - CA Colmar, 28 février 2022, n° 22/00679, Confirmation
La cour d’appel de Colmar offre dans son arrêt du 28 février 2022 une nouvelle illustration de l’application de la méthodologie du faisceau d’indices afin de déterminer et de désigner la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en l’absence de dernières volontés exprimées par le défunt.
Au cas d’espèce, une fratrie s’opposait quant à la détermination des volontés de leur défunte mère. Une des filles, Mme Y, affirmait que sa mère souhaitait que son urne soit placée dans le caveau familial avec l’urne de son époux et de sa mère. En opposition, M. Z, le fils de la défunte affirmait quant à lui que leur mère souhaitait que son urne, ainsi que celles de son père et de la mère de sa mère, soient placées dans le nouveau columbarium.
Le juge de première instance avait alors considéré que la décision de la détermination du lieu de dépôt de l’urne revenait à Mme Y.
Formant appel de la décision, M. Z, accompagné de sa sœur Mme A ainsi que de son neveu M. B, sollicite de la cour l’infirmation du jugement en ce qu’il désignait Mme Y comme ayant qualité pour décider du lieu de dépôt de l’urne. Ils soutenaient que le juge de première instance avait commis une erreur d’interprétation des éléments portés au dossier en considérant à tort que la défunte n’aurait pas exprimé son choix sur le lieu de dépôt de son urne.
Les parties sont d’accord sur le fait que les urnes de leurs trois aïeuls soient réunies au même endroit, leur désaccord portant justement sur ledit endroit, à savoir soit le caveau familial, soit le nouveau columbarium.
Mme Y soutient en défense que "si sa mère lui avait parlé de colombarium, elle l’aurait convaincu d’y renoncer […]". M. Z, M.r B et Mme A soutiennent quant à eux que la défunte ne souhaitait pas être mise sous terre et que son urne soit enterrée, préférant ainsi le colombarium.
Ces deux positions antinomiques rappelées, et en l’absence de volonté clairement et expressément exprimée par la défunte sur les modalités de ses funérailles, il convient de "désigner la personne qui, par un lien stable et permanent l’unissant à elle (la défunte), peut être présumée la meilleure interprète de ses volontés". En d’autres termes, il convient de désigner la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et pour appliquer la volonté, ou du moins déterminer la volonté, du défunt. Le juge va dès lors apprécier les éléments portés à sa connaissance afin de désigner la personne étant la plus à même d’interpréter les volontés de la défunte.
En première instance, il s’est avéré que Mme Y était la seule à avoir un lien régulier avec sa mère alors que son frère M. Z et sa sœur Mme A n’avaient que peu de contacts. Cet élément avait justifié la désignation de Mme Y comme étant la meilleure interprète des volontés de la défunte.
En appel, M. Z et Mme A, enfants de la défunte, ainsi que M. B, petit-fils de la défunte, soutiennent que la personne devant être désignée pour pourvoir aux funérailles est en réalité M. B.
Plusieurs éléments sont portés à l’appréciation de la cour en appel :
- M. B a été élevé par sa grand-mère et a vécu avec elle,
- M. B a été désigné comme "personne de confiance" par sa grand-mère lors d’une hospitalisation au cours de l’été 2021,
- M. B avait procuration sur les comptes bancaires de sa grand-mère,
- M. B a reçu la quotité disponible de la succession de sa grand-mère,
- M. B était présent lors du premier rendez-vous avec les pompes funèbres.
Au regard de ces éléments d’appréciation, la cour d’appel de Colmar a désigné M. B, petit-fils de la défunte, comme étant la personne étant la plus à même d’interpréter la volonté du défunt et par conséquent, la plus à même de décider du lieu de destination de l’urne de la défunte, ainsi que de celles de son époux et de la mère de la défunte.
À retenir
Dans cet arrêt, la cour d’appel de Colmar rappelle :
- Que la loi exige de déterminer au mieux la volonté du défunt et non la volonté des ayants droit ;
- Qu’il convient de désigner la personne la plus à même d’interpréter cette volonté au regard des éléments pouvant démontrer "un lien affectif et de confiance".
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2 - Cour d’appel, Paris, Pôle 4, chambre 13, 1er février 2022 – n° 20/00709
En l’absence de lien biologique, l’âge n’est pas un critère d’appréciation dans la détermination du "plus proche parent du défunt"
L’arrêt de la cour d’appel de Paris apporte un éclairage nouveau sur la détermination du "plus proche parent du défunt". Dans les faits de l’espèce, M. M est l’unique titulaire d’une concession funéraire au cimetière du Montparnasse à Paris, dans lequel sont notamment inhumés M. G et Mme R, avec lesquels M. M n’a aucun lien de filiation ou d’alliance directe.
M. M a sollicité du maire de Paris d’être désigné ès qualité de "plus proche parent" des deux défunts, en l’absence de descendance directe de ces derniers, afin d’obtenir leur exhumation temporaire le temps d’effectuer certains travaux sur la concession. La mairie lui a opposé un refus. M. M a alors saisi le tribunal judiciaire afin d’être désigné ès qualité de parent le plus proche des défunts aux fins de pouvoir solliciter l’exhumation des deux défunts.
Le tribunal judiciaire a apporté une appréciation stricte de la notion de "plus proche parent" en considérant :
- Que la notion de parent supposait un lien de parenté au sens du Code civil (descendant, ascendant, conjoint, frère ou sœur) ;
- Même en cas d’interprétation plus large de la notion de "parent", le demandeur ne pouvait pas être considéré comme le plus proche étant donné la survivance d’autres membres plus âgés que lui qui pourraient prétendre à ce titre.
La cour d’appel de Paris a annulé le jugement de première instance en rappelant que :
- S’il n’appartient pas au maire de désigner le plus proche parent, cela relève de la compétence du juge qui peut désigner le plus proche parent, et en l’absence de descendance ou de personne ayant un lien de parenté, de désigner la personne qui peut être tenue comme étant plus proche parente ;
- En l’absence de parenté biologique ou d’alliance, le seul fondement de l’ancienneté ne permet de justifier à lui seul la désignation ès qualité de "plus proche parent" ;
- M. M est l’unique titulaire de la concession et a intérêt à être désigné ès qualité de plus proche parent afin de solliciter l’exhumation temporaire des défunts présents dans ladite concession.
À retenir :
- Le juge a compétence pour désigner "un plus proche parent" qui n’aurait pas nécessairement un lien de parenté, un lien biologique ou un lien d’alliance au sens du Code civil ;
- L’ancienneté d’une personne en matière d’âge par rapport à un autre n’est pas un critère suffisant pour désigner la personne.
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III - Questions/Réponses ministérielles
Pas d’avantage fiscal pour l’entretien des monuments funéraires
Question écrite n° 38086, 13 avr. 2021 - M. Bruno Duvergé, député…
Réponse de Mme la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion publiée dans le JO Assemblée nationale du 15 févr. 2022.
M. Bruno Duvergé a interrogé Mme la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion sur le régime fiscal applicable à l’entretien des monuments funéraires. L’objet était de rendre éligibles aux mécanismes de réduction d’impôts (crédit d’impôt et exonération de charges patronales) les frais qui auraient été engagés sur facture ou CESU, par des personnes, pour l’entretien des monuments funéraires.
La demande était motivée par le constat que "l’éclatement des familles provoqué par l’évolution des modes de vie, l’augmentation du nombre de personnes âgées isolées et les coûts importants liés aux prestations d’entretien des monuments funéraires [qui] entraînent bien souvent un délaissement sinon un abandon des sépultures quand bien même les concessions sont réglées voire renouvelées".
En outre, il était avancé que "faciliter l’entretien des monuments funéraires à la charge des particuliers, ainsi que leur fleurissement, relève également de considérations d’intérêt général, puisque cela contribue, avec l’entretien des parties communes à la charge des municipalités, à la lutte contre la détérioration des cimetières et au maintien d’un cadre digne et serein pour les vivants comme pour les morts."
Mais la ministre a répondu qu’en l’état du texte, le régime fiscal avantageux ne concerne que les dépenses engagées au domicile du contribuable (art. 199 sexdecies du Code général des impôts). Il ne s’étend donc pas aux autres biens ou locaux dont le contribuable est propriétaire et il n’est pas envisagé de modifier ces règles et d’étendre davantage le champ de l’avantage fiscal.
Biblio
Droit funéraire - Clarifier, sécuriser, transformer : pour une réforme du droit funéraire - Étude par Ariane Gailliard
Droit de la famille n° 2, février 2022, étude 3
Intitulé "Des droits gravés dans le marbre ? La personne défunte et ses proches face au service public funéraire", le rapport de la Défenseure des droits du 27 octobre 2021 appelle, ainsi qu’il est précisé dans son communiqué de presse, à "une réforme profonde en faveur des droits des défunts et de leurs proches".
ADALTYS
Résonance n° 178 - Mars 2022
Résonance n° 178 - Mars 2022
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