Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales décembre 2021.
I - Textes officiels
1 - La Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) de produits et matériaux de construction, ne concerne pas (encore) les monuments funéraires.
Décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021 relatif à la Responsabilité Élargie des Producteurs pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment.
La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a créé la filière à Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) de produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment (le 4° de l’art. L. 541-10-1 et l’art. L. 541-10-23 du Code de l’environnement).
Le décret, en vigueur le 1er janvier 2022, organise la filière (art. R. 543-288 et suivants du Code de l’environnement). Depuis cette date donc, les "metteurs sur le marché" national de matériaux et de produits de construction sont tenus de pourvoir à la reprise gratuite et au traitement des déchets qui sont issus de ces produits lorsqu’ils sont collectés séparément.
Mais ils ne le feront que via un ou plusieurs éco-organismes dont l’agrément interviendra à l’issue d’une concertation (lancée fin novembre 2021) sur leur cahier des charges, et après des conventionnements avec les collectivités et acteurs privés de la gestion des déchets de construction, afin de pouvoir enclencher au plus tard le 1er janvier 2023 les soutiens financiers.
Mais dans le détail, le décret définit les matériaux concernés par la REP et ceux qui en sont expressément exclus dont, notamment les terres excavées et les monuments funéraires (art. R. 543-289.-IV.- 4). Les acteurs du secteur funéraire ne sont donc pas encore concernés (nota, la REP s’applique aux autres "constructions" du secteur, funérarium, crématorium, pôle funéraire, murs du cimetière, etc.).
2 - Les enfants nés sans vie peuvent être inscrits sur les registres de décès.
Loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 visant à nommer les enfants nés sans vie.
Au journal officiel du 7 décembre 2021 est parue la loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 visant à nommer les enfants nés sans vie. Ce texte comportant un article unique est issu d’une proposition de loi portée par madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier.
En substance, l’art. 79-1 du Code civil, relatif aux actes de naissance et actes de décès, est complété comme suit : "Peuvent également y figurer [sur les registres de décès], à la demande des père et mère, le ou les prénoms de l’enfant ainsi qu’un nom qui peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique".
Ce texte - particulièrement attendu et voté à l'unanimité des deux chambres du Parlement - a pour objet d’accompagner le deuil des parents d'enfants nés sans vie, sans pour autant accorder de droits supplémentaires, puisque, précisément, le texte ne reconnaît pas de personnalité juridique à l’enfant né sans vie.
3 - Prorogation du régime applicable aux cercueils en bois ou carton.
Décret n° 2021-1641 du 13 décembre 2021 modifiant le décret n° 2018-966 du 8 novembre 2018 relatif aux cercueils.
Ce décret prolonge jusqu’au 1er juillet 2023 la possibilité de rester sur le marché pour les cercueils en bois mis sur le marché "dans les conditions réglementaires antérieures au décret n° 2018-966 du 8 novembre 2018, ainsi que les agréments délivrés en application des mêmes dispositions dans leur rédaction antérieure au même décret".
Enfin, le décret prévoit que les entreprises ayant mis sur le marché des modèles de cercueils (bois ou carton) avant l’entrée en vigueur du décret du 8 novembre 2018 et qui ne disposent pas de l’attestation de conformité doivent la solliciter avant le 1er avril 2022.
Les agréments délivrés aux matériaux constitutifs des cercueils et des garnitures étanches, en application de l’art. R. 2213-25 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dans sa rédaction antérieure au décret du 8 novembre 2018 restent donc valables jusqu’au 1er juillet 2023.
4 - Où l’on parle encore de la taxe funéraire.
Au Journal officiel Sénat du 21 décembre 2021 - numéro 296 – parmi les informations parlementaires - figure une proposition de loi présentée par M. Cédric Perrin, visant à réintroduire la taxe funéraire.
Le texte (NOR : INPS2138351X - N° 184 (2021-2022)) a été envoyé à la commission des finances, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.
À suivre...
II - Jurisprudence
Monuments funéraires, expertise judiciaire (ou non) et responsabilité de l’entrepreneur.
Cour de cassation, 2e chambre civile, 16 décembre 2021 – n° 20-16.653
Cour d’appel, Nancy, 1re chambre civile, 13 décembre 2021 – n° 21/00217.
Une décision de la Cour de cassation et un arrêt de la Cour d’Appel (CA) de Nancy sont venus rappeler en décembre certains principes en matière d’expertise judiciaire et de responsabilité pour un monument funéraire. La Cour de cassation dans sa décision du 16 décembre 2021 rappelle que le juge saisi d’une demande en référé expertise n’a pas à apprécier le bien-fondé de l’action intentée au titre de l’art. 145 du Code de procédure civile, ni à vérifier les désordres allégués.
Le juge des référés ne se prononce pas sur le fond et n’apprécie pas l’intérêt ou non d’une demande d’expertise formulée par une partie dès lors que cette demande est légalement admissible. Le juge doit seulement vérifier que le demandeur produit des éléments crédibles susceptibles de justifier l’exercice d’une action judiciaire ; il n’a pas à évaluer la gravité des manquements que le demandeur reproche à son cocontractant et à se prononcer sur leur qualification de désordres.
Dans cette affaire, il était constaté :
- Que plus de quatre ans après l’exécution de la commande, l’entreprise n’avait toujours pas procédé au changement des lettres du nom du défunt inscrit sur la pierre tombale, lesquelles avaient été posées au moyen de caractères de dimensions différentes ;
- Que l’année de naissance d’un ascendant du défunt était, au surplus, erronée ;
- Qu’une pierre tombale doit être conçue et posée dans les règles de l’art sans phénomène de stagnation d’eau, qui est susceptible de constituer un vice de construction, peu important l’absence de référence dans la commande à une pente d’écoulement ;
- Que les semelles présentaient des hauteurs différentes, ce qui était susceptible de caractériser un autre désordre, peu important que ce vice n’ait pas été dénoncé immédiatement.
La CA de Nancy a quant à elle admis le rejet de la demande subsidiaire de désignation d’un expert du fait qu’il a été fait droit à la demande principale de la demanderesse, l’expertise n’ayant par conséquent aucun intérêt. La CA de Nancy a en effet retenu que le juge de première instance a pu apprécier la situation sur la base de rapports d’huissier de rapports d’huissier.
Pour exclure la demande d’expertise, le tribunal a relevé que, selon les constats d’huissier, les angles gauche et droit à l’arrière du monument ne reposaient pas sur une semelle en béton mais directement sur le sol et qu’une ceinture en béton d’une épaisseur de 14 centimètres et d’une hauteur de 22 centimètres était présente sous la pierre tombale ; des photographies confirmaient l’absence de semelle contrairement aux sépultures voisines. Néanmoins, le tribunal a relevé que le monument était édifié sur un caveau servant de fondation et d’assise pour ce monument et que la semelle n’était dès lors pas nécessaire, étant relevé que la ceinture en béton armé prévue au contrat a bien été réalisée et que le devis de l’entreprise excluait expressément la pose d’une semelle sur les côtés, à l’avant et à l’arrière du moment.
Cependant, concernant la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du remplacement du monument funéraire, le tribunal a relevé que l’ouvrage laissait apparaître le caveau d’une trentaine de centimètres, alors que le monument funéraire a pour fonction principale de recouvrir le caveau qui accueille le cercueil du défunt et que l’entreprise, en tant que professionnel, ne pouvait légitimement ignorer cette évidence qui constituait un élément essentiel du contrat.
L’entreprise a manqué à son devoir de conseil et aurait dû attirer l’attention de la cliente sur les conséquences des dimensions contractuellement prévues et même refuser son concours à l’exécution d’une telle prestation manifestement contraire aux règles de l’art.
À retenir :
• Un ouvrage funéraire :
a) peut faire l’objet d’une expertise comme tout autre ouvrage de construction,
b) doit être réalisé dans les règles de l’art.
• Le juge saisi d’une demande en référé n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé et la nécessité d’une expertise ;
• Le juge du fond peut, en fonction des éléments fournis, apprécier lui-même les manquements les plus flagrants aux règles de l’art.
III - Questions / Réponses ministérielles
Les règles déterminant le recours au drap mortuaire tricolore.
Question écrite n°42079 de M. Loïc Kervran (Cher – AE), publiée au JO AN du 26 octobre 2021 – page 7770.
Réponse de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, publiée au JO AN du 21 décembre 2021 – page 9033.
Interrogée sur la possibilité d’étendre le droit de voir le cercueil recouvert du drapeau tricolore aux médaillés militaires, la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants a répondu par la négative. Il a été estimé que, sans remettre en cause les mérites des titulaires de la médaille militaire ou des membres de l’ordre de la Légion d’honneur ou de L’ordre national du Mérite, le droit de voir le cercueil recouvert du drapeau tricolore correspond à un particulier "honneur au risque pris pour le service de la Nation dans un contexte de combat".
Dès lors, il n’est pas envisagé de modifier les textes applicables (i.e les articles 45 et 48 du décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires et l’art. 4 du décret n° 2004-1101 du 15 octobre 2004 relatif au cérémonial militaire) pour étendre le droit de voir le cercueil recouvert du drapeau tricolore à d’autres personnes que les anciens combattants titulaires de la carte du combattant, de la carte de combattant volontaire de la Résistance ou du titre de reconnaissance de la Nation, les réfractaires du Service du Travail Obligatoire (STO) ayant obtenu la médaille commémorative française de la guerre 1939-1945 et les civils, fonctionnaires de la police nationale et sapeurs-pompiers tués dans l’accomplissement de leur devoir et au cours de circonstances exceptionnelles.
Biblio
La Défenseure des droits favorable à une évolution de la législation funéraire.
AJ Collectivités Territoriales 2021 p. 560
Résumé :
La Défenseure des droits, Claire Hédon, dans son rapport "La personne défunte et ses proches face au service public "funéraire". Des droits gravés dans le marbre ?" rendu public le 26 octobre 2021, porte un regard critique sur certaines dispositions de la législation "funéraire", parfois jugées archaïques. Elle formule ainsi certaines recommandations destinées à l’évolution de cette législation.
La gestion des sépultures à l’état de ruine.
AJ Collectivités Territoriales 2021 p. 589
Résumé :
La loi du 19 décembre 2008 relative à la législation "funéraire" avait introduit une procédure spécifique permettant au maire d’intervenir sur les sépultures menaçant ruine qui risquaient de compromettre la sécurité ou n’offraient plus les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique.
L’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, applicable depuis le 1er janvier 2021, y substitue une nouvelle police administrative spéciale à l’art. L. 511-1 du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH). L’art. L. 511-3 du même Code intègre les édifices et monuments "funéraires" dans le champ d’application de la police, dès lors que ces derniers n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité.
État civil - De l’importance des symboles en droit : le cas de l’individualisation des enfants nés sans vie. À propos de la loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 visant à nommer les enfants nés sans vie.
La Semaine Juridique Édition Générale nos 51-52, 20 décembre 2021, 1347
Résumé :
L’encadrement de la question des enfants nés sans vie est complexe car il implique de concilier l’absence de personnalité juridique de ces êtres et la reconnaissance sociale et juridique du deuil périnatal. - La loi du 6 décembre 2021 entend développer cette reconnaissance en permettant l’attribution d’un nom à ces enfants et en facilitant la possibilité préexistante d’un prénom. Pour autant, l’absence de personnalité juridique et de lien de filiation n’est pas remise en cause.
ADALTYS
Résonance n°176 - Janvier 2022
Résonance n°176 - Janvier 2022
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