Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales juillet et août 2021.
I - Textes officiels
Arrêté du 2 juillet 2021 portant extension d’un accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des pompes funèbres (n° 759). Mise en place de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation.
Journal officiel du 13 juillet 2021 - Numéro 161
Conventions collectives Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion Arrêté du 2 juillet 2021 portant extension d’un accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des pompes funèbres (n° 759) NOR : MTRT2119766A La ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Vu le Code du travail, notamment son art. L. 2261-15 ; Vu l’arrêté du 17 décembre 1993 et les arrêtés successifs portant extension de l’accord du 6 mai 1993 relatif à l’adoption de la convention collective nationale des pompes funèbres du 1er mars 1974, et des textes qui l’ont complétée ou modifiée ; Vu l’accord national du 1er décembre 2020 portant sur la mise en place de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation, l’organisation et les moyens accordés au dialogue social, conclu dans le cadre de la convention collective susvisée ; Vu la demande d’extension présentée par les organisations signataires ; Vu l’avis publié au Journal officiel du 12 mars 2021 ; Vu les avis recueillis au cours de l’enquête ; Vu l’avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (sous-commission des conventions et des accords) rendu lors de la séance du 1er juillet 2021, Arrête : Art. 1er : Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d’application de la convention collective nationale des pompes funèbres du 1er mars 1974, tel que modifié par l’accord du 20 mai 1998, les stipulations de l’accord du 1er décembre 2020 portant sur la mise en place de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation, l’organisation et les moyens accordés au dialogue social, conclu dans le cadre de la convention collective susvisée. Le 3e alinéa de l’art. 3.3.3 est exclu de l’extension comme étant contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., soc., 1er décembre 1998, n° 98-40104). Le 2e alinéa de l’art. 4.1 est étendu sous réserve du respect des dispositions de l’art. L. 2261-19 du Code du travail et du principe d’égalité tel qu’interprété par la Cour de cassation (Cass. soc. 29 mai 2001, Cegelec). Le 1er alinéa de l’art. 10.3 est exclu de l’extension comme étant contraire d’une part, à l’interprétation constante retenue par la Cour de cassation des articles L. 2231-1 et L. 2261-7 du Code du travail combinés et d’autre part, comme étant contraire aux dispositions du II de l’art. L. 2261-7 du Code du travail. Art. 2 : L’extension des effets et sanctions de l’accord susvisé prend effet à compter de la date de publication du présent arrêté pour la durée restant à courir et aux conditions prévues par ledit accord. Art. 3 : Le présent arrêté sera publié au Journal officiel de la République française. Fait le 2 juillet 2021 Pour la ministre et par délégation : Le directeur général du travail, P. Ramain Nota : Le texte de l’accord susvisé a été publié au Bulletin officiel du ministère, fascicule conventions collectives n° 2021/9 disponible sur le site www.journal-officiel.gouv.fr/bocc. Source : Journal officiel |
II - Jurisprudence
1 - La sculpture "Le Baiser" restera au cimetière du Montparnasse
Source : Conseil d’État, 10e - 9e chambres réunies, 02/07/2021, 447967
Le Baiser de Brancusi ne fait qu’un seul bloc avec la tombe
Au cœur du cimetière du Montparnasse de Paris, le sort juridique d’une sculpture agite le marché de l’art depuis de nombreuses années. Cette sculpture n’est pas des moindres puisqu’il s’agit d’une des sculptures de la série "Le Baiser" de l’artiste Constantin Brancusi, un bloc de calcaire représentant un couple enlacé et estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros.
Au début du XXe siècle, une jeune Russe Tania Rachewskaïa étudiante en médecine se suicide, par amour, à l’âge de 23 ans. Son amant propose à la famille de la défunte d’orner sa tombe d’une sculpture et commande une œuvre à un de ses amis, un jeune artiste du nom de Brancusi.
Depuis une bataille juridique oppose les ayants droit de la famille de la défunte, qui plaident pour une dissociation de la tombe et de la sculpture, et l’État français. Le préfet de Paris a fait classer en 2010 la fameuse sculpture et la tombe comme monument historique, les considérant comme indissociables et formant un seul immeuble, l’œuvre étant pour lui, en droit, un immeuble par nature.
Suite à la demande des héritiers de faire desceller la statue de la tombe de leur aïeule et au refus opposé par le préfet de Paris, le tribunal administratif de Paris a, dans un premier temps, en 2016, confirmé la position du préfet de Paris et rejeté la demande des ayants droit.
En décembre 2020, la Cour administrative d’appel a, à l’inverse, considéré que la sculpture et la tombe pouvait être dissociables, la statue ne pouvant être qualifiée d’immeuble par nature, l’œuvre n’ayant pas été créée à cette fin par l’artiste et la preuve n’ayant pas été établie par l’État qu’elle ne pouvait pas être descellée de la tombe sans porter atteinte à son intégrité.
Le Conseil d’État, dans sa décision du 2 juillet 2021, met fin au débat portant sur la qualification juridique de la statue en se fondant sur les dispositions du Code civil et en considérant que "un monument funéraire érigé sur un caveau servant de fondation, fût-il construit par un autre que le propriétaire du sol, doit être regardé globalement, avec tous les éléments qui lui ont été incorporés et qui composent l’édifice, comme un bâtiment".
Ainsi, le Conseil d’État considère que la statue est un immeuble par nature, cette dernière étant intégrée à l’édifice funéraire. Il faudrait donc comprendre de la décision du Conseil d’État que quel que soit le régime de la concession (perpétuelle ou temporaire), tout monument funéraire ou tout élément composant cet immeuble est immeuble par nature.
Conséquence non négligeable, surtout au cas particulier, de ce régime juridique, les ayants droit, en tant que concessionnaires perpétuels, demeurent propriétaires du monument funéraire, mais l’inscription de l’ensemble composé de la tombe, de la stèle et de l’œuvre en qualité de monument historique empêche tout déplacement et toute "désolidarisation" d’une partie de l’immeuble par nature.
L’arrêt ne dit pas si le Conseil d’État a été sensible à la dimension romantique de l’hommage de l’amant à sa bien-aimée pour sceller définitivement le sort de la statue...
Résumé de l’arrêt
Un monument funéraire érigé sur un caveau servant de fondation, fût-il construit par un autre que le propriétaire du sol, doit être regardé globalement, avec tous les éléments qui lui ont été incorporés et qui composent l’édifice, comme un bâtiment, au sens et pour l’application de l’art. 518 du Code civil.
Éléments retenus pour qualifier d’immeuble l’ensemble, tombe et œuvre
• Sépulture comportant une stèle faisant socle qui porte épitaphe et supporte la troisième version de la sculpture intitulée "Le Baiser", œuvre de Constantin Brancusi réalisée en 1909.
• Volonté du père de la défunte, titulaire de la concession perpétuelle qui lui a été consentie au cimetière du Montparnasse par la Ville de Paris après le décès de l’intéressée en décembre 1910, d’ériger sur sa tombe un monument funéraire qui accueille "Le Baiser", acquis auprès de l’artiste sur la recommandation de l’amant de sa fille disparue, en hommage à la jeune femme.
• Père de la défunte ayant fait réaliser par un marbrier, en pierre d’Euville tout comme l’oeuvre b, une stèle faisant socle, implantée sur la tombe, portant épitaphe et sur le lit d’attente de laquelle le groupe sculpté a été fixé et scellé en avril 1911
• Dès lors, la sculpture "Le Baiser" qui surmonte la tombe de l’intéressée est un élément de cet édifice qui a perdu son individualité lorsqu’il a été incorporé au monument funéraire, sans qu’importe la circonstance ni que l’œuvre n’ait pas été réalisée à cette fin par Constantin Brancusi, ni qu’elle ait été implantée quelques semaines après le décès de la jeune femme…
2 - Contestation funérailles - Dernières volontés du défunt : le faisceau d'indices réaffirmé
Source : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 août 2021, n° 21/12638
Dernières volontés du défunt : le faisceau d’indices réaffirmé
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a eu à se prononcer sur la question de la volonté du défunt, problématique qui surgit régulièrement sur fond d’opposition des proches du défunt et en l’absence de dernières volontés clairement exprimées. En l’espèce, les filles du défunt et leur belle-mère s’opposent quant à la volonté du défunt tant sur la méthode des funérailles (crémation ou inhumation) que sur le lieu.
La cour a rappelé qu’en l’absence de volonté explicite ou en cas de désaccord de la famille, "le juge doit chercher par tous moyens à identifier quelles avaient été les intentions du défunt et, à défaut, à désigner la personne la mieux placée pour régler l’organisation du rite funéraire, en fonction notamment de la durée de la vie commune et des liens affectifs ayant uni le défunt à cette personne".
L’arrêt de la cour d’Aix-en-Provence a cela d’intéressant qu’il rappelle in fine le raisonnement par "faisceau d’indices", laissant une marge d’interprétation au magistrat afin de s’approcher et de déterminer la volonté au moment du décès, en soulignant que la religion ne saurait présupposer de l’opinion, d’une part, et que la position du défunt peut évoluer au cours de sa vie, d’autre part, comme en l’espèce, où le défunt, opposé farouchement à la crémation à une période de sa vie, avait changé d’avis après le décès de son frère et sa crémation. Ainsi, il s’agit bien de déterminer les dernières volontés du défunt.
Enfin, concernant la désignation de "la personne la mieux placée pour régler l’organisation du rite funéraire", la cour rappelle également que la durée de vie commune et les liens affectifs sont d’autant de critères à prendre en considération.
Par conséquent, comme souvent en matière de conflit entre les enfants issus d’une première union et le conjoint survivant, ce dernier apparaît comme étant plus légitime à connaître les dernières volontés du défunt.
3 - Contestation funérailles - L'expression des dernières volontés priment le contrat d'obsèques
Source : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 4 août 2021, n° 21/11743
L’expression des dernières volontés malgré le contrat d’obsèques
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a dû trancher dans cet arrêt entre l’application des modalités de funérailles telles qu’indiquées par le défunt dans un contrat d’obsèques et les dernières volontés telles que rapportées par la famille et les proches du défunt. En l’espèce, la défunte avait exprimé ses volontés à la souscription d’un contrat d’obsèques en 2014.
Néanmoins, à son décès, sa famille et ses proches ont rapporté au tribunal que les volontés de la défunte avaient évolué.
En première instance, le tribunal s’est borné à l’application des volontés de la défunte telles que prévues au contrat d’obsèques, preuve n’étant pas faite de la modification ultérieure desdites volontés.
La cour d’appel a quant à elle admis les témoignages apportés par les demandeurs, considérant que "si une partie ne peut normalement s’établir elle-même d’éléments de preuve, il est manifeste qu’en l’espèce, seuls les intimes de la personne décédée - et particulièrement ses descendants - sont en mesure de recueillir ses dernières volontés exprimées verbalement".
En conséquence, et en l’absence de contestation sérieuse des différentes attestations sur l’honneur produites, la cour a admis les dernières volontés de la défunte telles que rapportées par les descendants et non telles qu’exprimées précédemment dans un contrat d’obsèques.
Cette affaire peut inciter les professionnels du secteur à rappeler à leurs clients de contrats d’obsèques de mettre à jour leurs dernières volontés en cas de changement.
4 - Attribution d’une concession funéraire : attention à la présence de restes mortels
CAA Douai, 2e chambre, 20 juillet 2021, 20DA00935, Inédit au recueil Lebon
Résumé de l’arrêt :
L’engagement de la responsabilité d’une commune pour faute dans l’attribution de concessions funéraires fait depuis quelques temps l’objet d’une jurisprudence abondante (pour d’attribution par erreur d’un emplacement à deux concessionnaires différents cf. CAA Bordeaux, 19 novembre 2020, n°18BX04466 ou plus étonnamment CAA Versailles, 10 février 2021, n° 19VE01868), que l’arrêt commenté vient enrichir.
En l’espèce, le titulaire d’une double concession trentenaire conclue en 1999 a confié à une société de pompes funèbres l’inhumation de son fils selon le rite islamique. Celle-ci a d’abord été retardée par l’inondation de la fosse lors de son creusement. Le second creusement réalisé le lendemain a mis au jour des restes mortels, immédiatement exhumés par les agents municipaux. C’est dans ces difficiles conditions que s’est déroulée la mise en terre, peu après. Le père du défunt a recherché la responsabilité contractuelle de la commune lui ayant attribué la concession funéraire, tandis que sa seconde épouse et ses autres enfants fondaient leur action sur le terrain quasi délictuel.
Au regard des dispositions du Code des communes applicables à la date de l’attribution de la concession, désormais codifiées aux articles R. 2223-20 et R. 223-21 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), la cour administrative d’appel de Douai a fort logiquement condamné la commune à indemniser le titulaire de la concession de son préjudice moral. La juridiction a estimé que la commune avait commis une faute contractuelle en attribuant au père du défunt une concession temporaire non correctement débarrassée des restes inhumés par application d’une concession précédente.
Répondant à un moyen original soulevé par les requérants, la cour a pertinemment considéré que "la présence de restes mortels dans la concession funéraire familiale n’est pas en elle-même de nature à rendre impropre à sa destination la parcelle concédée", qui a précisément vocation à accueillir des corps de défunts. Il convient de préciser que les demandes fondées sur la responsabilité quasi délictuelle de la commune, au motif de manquements au règlement du cimetière par les agents municipaux, ont été rejetées faute de preuves.
À retenir :
Commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité une commune qui attribue une concession funéraire alors que l’ensemble des restes mortels inhumés dans le cadre d’une concession antérieure n’ont pas été exhumés.
III - Réponses Ministérielles
Suppression des taxes communales sur les opérations funéraires, la taxe sur la dispersion des cendres aussi.
Question écrite n° 20962 de M. Jean-Pierre Decool (Nord - INDEP) publiée dans le JO Sénat du 18/02/2021 - page 1073.
Question écrite n° 39365, 8 juin 2021 - Communes - M. Fabien Gouttefarde.
Réponse du ministère auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance - Comptes publics - publiée dans le JO Sénat du 12/08/2021 - page 4952.
L’art. 121 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, publiée au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2020, supprime les taxes sur les opérations funéraires à compter du 1er janvier 2021. Si l’article précise que les taxes portant sur les convois, les inhumations, et les crémations seront supprimées, il ne mentionne pas la taxe sur la dispersion des cendres.
Interrogé, le ministre rappelle que le CGCT qui autorisait la perception de taxes pour les convois, les inhumations et les crémations ne prévoyait pas de taxe pour la dispersion des cendres, mentionnée uniquement dans la circulaire du 12 décembre 1997 du ministre de l’Intérieur sur la gestion des régies municipales des pompes funèbres, qui précise que les taxes d’inhumation de l’art. L. 2223-22 "comprennent [...] éventuellement la dispersion des cendres dans le jardin du souvenir". Mais pas de doute, la taxe de dispersion des cendres, adossée à la taxe d’inhumation, est concernée par la suppression des taxes funéraires citées par la loi de finances pour 2021.
À retenir :
Suppression des taxes communales sur les opérations funéraires, la taxe sur la dispersion des cendres est bien concernée
Biblio
Panorama des évolutions du droit funéraire
AJ Collectivités Territoriales/Bertrand Hédin - AJCT 2021. 362 - 20 juillet 2021
Résumé :
Panorama des évolutions du droit funéraire La période d’état d’urgence sanitaire impose depuis quelques mois l’adaptation des normes funéraires, les acteurs publics et privés en charge des obsèques devant ainsi aménager leurs pratiques afin de garantir le meilleur service aux familles endeuillées.
ADALTYS
Résonance n° 173 - Septembre 2021
Résonance n° 173 - Septembre 2021
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