Cette notion de point de bascule revient beaucoup en ce moment dans les propos tenus en public par les uns et les autres. Point de bascule dans nos relations avec l’Afrique, avec les BRICS, les USA, point de bascule avec ce que nous étions jusqu’à ce jour au regard des émeutes que nous avons vécues ces derniers mois, et probablement aussi point de bascule dans les grands équilibres économiques.
Il est facile d’en déduire que le financement des funérailles sera de plus en plus problématique pour de nombreuses familles. Il faudra s’adapter, adapter nos entreprises, nos produits et services… C’est dans ce contexte global qu’un autre point de bascule émerge dès cette fin d’été : nous allons en effet entrer dans une situation inédite de droit du suicide médicalement assisté. Ce n’est pas encore l’euthanasie telle que le fameux film de fiction, "Soleil vert", des années 70, nous l’annonçait, mais nous nous en rapprochons.
Ne croyez surtout pas que ces présents propos relèvent d’un sursaut de pudibonderie religieuse, quand bien même le catholicisme s’oppose farouchement à toute pratique mettant artificiellement fin à la vie. De ce point de vue, tout un chacun devrait s’attacher au fond de la question, et non se cabrer sur la forme (c’est mon avis personnel…).
De toute évidence, notre société affûte sans cesse notre individualisme et flatte le sentiment de puissance sur soi, pour ne pas dire sur les autres. La navigation sur Internet exacerbe cette tendance, phénomène qui a pour caractéristique de toucher la grande majorité des personnes au monde, alors qu’auparavant, les cultures locales et les milieux de vie maintenaient des différences de perception de soi, indépendamment des orientations originales, psychologiques et intellectuelles de chacun.
C’est pourquoi la revendication de "mourir dans la dignité" s’étendra probablement et petit à petit à toutes les nations humaines. La France, ces prochaines semaines, rejoindra ainsi le peloton de tête des pays qui libéralisent la mort donnée en blouse blanche.
Et alors, me direz-vous, en quoi cela concerne les professionnels funéraires si ce n’est à la périphérie très éloignée du contexte des funérailles ? Détrompez-vous si vous croyez qu’une telle distance sépare le sujet de l’accompagnement du mourant et votre quotidien concernant les funérailles. Un changement aussi fondamental s’accompagnera d’une évolution globale concernant les professionnels de santé, et tout autant ceux du funéraire.
N’oubliez pas, en effet, que les professionnels de santé et ceux du funéraire sont sollicités pour répondre au besoin de dignité physique et morale de l’individu, les uns pendant la vie et les autres après la mort. Dans la décision d’abréger la vie, la dignité de l’individu se joue dans la continuité de la vie à la mort. Cette décision n’entraîne pas qu’une conséquence liée aux circonstances de la mort, car elle nécessite de se positionner bien à l’avance de l’événement, et entraîne ensuite des conséquences qui joueront notamment sur le contenu du dernier hommage, et même sur la manière de se souvenir du défunt.
En franchissant le Rubicon de la mort donnée au lieu de se contenter, comme encore aujourd’hui, de la mort reçue, notre société va ouvrir la boite de Pandore d’où surgiront de nombreuses questions éthiques, morales et affectives, pour ne pas dire spirituelles.
Pour accompagner le grand pas législatif qui va intervenir, Résonance m’a permis d’aborder en votre compagnie plusieurs angles d’approche du sujet :
- Ce mois-ci, nous approfondissons la notion de sépulture, et ce, dans ce qu’elle sous-tend du point de vue relationnel entre les humains et leurs défunts, sur fond de conception individuelle de la mort ;
- Dans un prochain numéro, un tour complet vous sera proposé concernant l’ensemble des questions et possibilités légales disponibles à toute personne désirant prévoir les modalités de sa mort et de ses obsèques. Peut-être qu’à ce stade, nous pourrons aussi commenter la nouvelle loi dont on nous annonce l’examen à la rentrée parlementaire…
Olivier Géhin
Professionnel funéraire et journaliste repenti
Résonance n° 195 - Septembre 2023
Résonance n° 195 - Septembre 2023
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