Nous avons enfin la capacité de vous apporter des pistes de réflexion sur ce sujet passionnant ! Mis à part un rapport de 2017 (Rapport SFVP/Verteego, octobre 2017), la littérature sur l'écologie dans le funéraire est quasi inexistante. Pour cette étude, nous avons pu échanger avec de nombreux acteurs du funéraire qui nous ont éclairés sur ses différents aspects. Elle s'appuie à la fois sur un sondage réalisé auprès des professionnels du funéraire et sur un panel de personnes intéressées par le sujet.
Sondage BtoB (professionnels) : réalisé le 13 avril 2023, auprès d'une base de 200 personnes, professionnels du funéraire, souscripteurs de la newsletter de Meilleures Pompes Funèbres ou abonnés du magazine Résonance.
Sondage BtoC (particuliers) : réalisé le 4 avril 2023, auprès des 378 participants d'un webinaire, public composé de personnes âgées de plus de 60 ans (à 97 %) et essentiellement féminin (88 %).
Nous avons travaillé sur ce sujet en collaboration avec Manon Moncoq, anthropologue du funéraire et de l'environnement, consultante et intervenante qui rédige actuellement une thèse sur les funérailles écologiques.
1. Le parcours obsèques
Pour les besoins de cette étude, le parcours obsèques des familles a été simplifié en 4 points clés, étapes qui ont une conséquence sur le bilan carbone : le choix entre crémation et inhumation (le sujet le plus important), le choix du cercueil, l'avenir des cendres et enfin le transport. Ce dernier point ne sera pas traité, d'une part car il est très peu documenté, et surtout parce que l’apparition des véhicules électriques est trop récente pour pouvoir avoir du recul.
2. Le sujet intéresse-t-il ?
On perçoit clairement un décalage entre ce que dit la presse sur le sujet et la réalité du terrain. En effet, on peut remarquer que selon la plupart des professionnels (+ de 80 % des cas), le sujet est peu fréquemment évoqué par les familles. On peut supposer que la génération actuellement confrontée au funéraire est peu intéressée par le sujet, ou ne considère pas le funéraire comme un sujet écologique. En revanche, la génération suivante se sent plus concernée, et celles d'après encore davantage. La demande est-elle en émergence ? Nous le verrons dans la seconde partie de l'article. En ce qui concerne l'offre, on verra qu'elle n’est pas encore optimale.
Enfin, faut-il s’interroger sur le fait que le secteur du funéraire (au sens large) s'intéresse peu au sujet de l'écologie ? En effet, si nous nous référons à un chiffre précis, soit le taux d'ouverture de la newsletter de Meilleures Pompes Funèbres, la newsletter dédiée à l'écologie a réalisé l'un des pires scores depuis un an. Nous avons du travail !
3. Connaissance de l'impact carbone des familles confrontées au funéraire
Ce sondage s'appuie sur un public potentiellement client de services funéraires du fait de son âge, et particulièrement intéressé par le sujet de l'écologie. Logiquement, la majorité des personnes interrogées peut donc être sensible aux considérations écologiques dans leur choix entre crémation et inhumation. On touche là au sujet essentiel de la connaissance de l’impact carbone et de son influence dans les choix. Cette connaissance est par nature imparfaite et sujette à interprétation, comme pour de nombreuses thématiques.
Le rapport de Verteego/SFVP nous apprend que le caveau est l'élément qui a le plus fort impact carbone. Logiquement cette information est peu connue car on a généralement tendance à penser que la pose d'une pierre tombale comme ayant un bilan carbone nettement plus important que la création d'un caveau.
4. Connaissance de l'impact carbone des professionnels du funéraire
Cette partie questionne le niveau de connaissance des professionnels sur l’impact carbone. En effet, la documentation sur le sujet est légère et la thématique est peu abordée dans les écoles de formation.
Il apparaît que la majeure partie des sondés a répondu correctement pour la crémation : c'est le gaz qui a le plus d'impact. À l'inverse, la réponse n'est pas la bonne pour l'inhumation : ce n'est pas l'implémentation d'une tombe, mais la construction d'un caveau qui a un impact carbone plus important. Il y a un besoin évident de formation sur ce sujet et avant cela, il faut même s'interroger sur les contenus à concevoir. Une nouvelle étude sur la question serait la bienvenue.
5. Écologie au quotidien des professionnels du funéraire
Quel est le rôle des entreprises dans l'approche écologique ? On perçoit clairement que les sondés considèrent qu'elles doivent s'impliquer. Néanmoins, il faut garder en tête que les personnes qui ont répondu à ce sondage s'intéressent au sujet, ce qui biaise les résultats.
Un sujet fait consensus : le papier ! Il y a beaucoup trop de papier et, cela ne vous surprendra pas, l'administratif est devenu très (trop ?) présent. Un travail de simplification et surtout d'optimisation semble nécessaire. Les fédérations du funéraire ont du pain sur la planche.
Sur le terrain, le cercueil en carton a du mal à s'imposer, et même à s'implanter. Mais l'attrait pour l'offre d'un cercueil écologique est nettement identifiable chez les professionnels du funéraire. Cette solution semble la plus réalisable. Pour aller plus loin, on peut se demander quel type de cercueil écologique les professionnels du funéraire seraient prêts à proposer : cercueil en bois français et/ou issu de forêts durables ? Cercueil sans peinture ni vernis ? Cercueil en carton ? en osier (si légalisé en France) ? en champignon (si légalisé en France) ?
Par ailleurs, les fournitures biodégradables (capitons et urnes) semblent des offres avec lesquelles les professionnels sont moins à l'aise. Pourtant, elles restent sans doute les fournitures écologiques les plus présentes aujourd'hui dans les catalogues proposés aux familles. Les sondés seraient-ils déjà familiarisés avec cette offre alternative ? Ce sujet doit être pris en main par les fournisseurs, notamment en apportant les éléments concrets à donner aux familles pour justifier leurs choix.
Sur les solutions avec lesquelles les professionnels semblent moins à l'aise, les résultats sont très intéressants. Ils montrent l'importance accordée aux principaux éléments du rite funéraire traditionnel contemporain : cercueil d'apparat, soins de conservation et caveau. La transition funéraire ne semble pas si proche, mais les regards internes évoluent sur la question. Des propositions plus écologiques pour les soins de conservation et les caveaux sont à l'étude, et apparaissent comme un compromis intéressant pour les familles et les professionnels.
Avec la loi Labbé, l'interdiction des produits phytosanitaires dans les cimetières impose une transition écologique aux usagers et vient totalement rompre l'aspect minéral de ces lieux. Si certains ont dénoncé un manque de respect pour les défunts, on voit ici que dans les retours faits aux professionnels, ce changement est majoritairement bien accepté par les familles (59 %). Un bon présage pour les autres transformations à venir.
On pourrait penser que des services funéraires écologiques sont moins onéreux que des services funéraires standards. En réalité, tout professionnel vous confirmera que des funérailles écologiques coûtent plus cher (notamment le cercueil, mais aussi le transport avec un corbillard électrique, etc.). C'est pourquoi nous nous sommes interrogés sur le coût supplémentaire (en pourcentage) qu'une famille serait prête à payer pour des funérailles écologiques. Globalement, selon les professionnels, les familles ne sont pas disposées à augmenter leur contribution de plus de 10 %. En réalité, il faut expliquer le coût supérieur des funérailles écologiques, qui rendent la vente extrêmement compliquée.
6. La connaissance sur le sujet peut-elle influencer les choix des familles ?
Voici la synthèse du webinaire (voir graphique ci-dessous), qui reprend les éléments de l'étude Verteego. Pour simplifier, l'impact carbone est similaire entre la crémation et l’inhumation seulement si on parle d'une pleine terre avec un monument français. Mais si la famille fait le choix d'un caveau avec un monument importé, l’impact carbone est démultiplié. Il faut savoir que certains cimetières imposent le caveau et que, par ailleurs, il est possible que le coût d'un monument français soit sensiblement plus élevé.
Bien évidemment, il faudrait aller plus loin dans les questions et les réponses : lors d'un webinaire, nous sommes contraints de simplifier les questions et analyses. La maîtrise du sujet peut-elle faire changer d'avis ? Une majorité de sondés répond positivement. Le rôle des experts du funéraire est prépondérant dans l'explication et la pédagogie, ainsi que dans l'accompagnement des choix des familles. Ce n'est pas uniquement le rôle des conseillers funéraires, mais l'ensemble de la profession est concerné.
7. Le cimetière écologique
L'intérêt pour les cimetières écologiques ne semble pas évident. Pour aller plus loin, il faudrait étudier s'il s'agit d'un désintérêt pour l'inhumation, pour l'approche écologique ou simplement une méconnaissance du sujet. Il n'en reste pas moins que la transition écologique des cimetières a déjà commencé et surtout qu'elle est nécessaire. L'accompagnement et la pédagogie deviennent des missions majeures pour les professionnels du funéraire afin d'accompagner ce changement environnemental.
8. Prospective : comment imaginer l’avenir ?
La tendance de fond est une solide croissance du taux de crémation. À long terme, la profession s'attend à un taux supérieur à 60 % (contre 42 % aujourd'hui).
À propos de l'humusation, un sujet récemment relayé dans la presse, nous avons cherché à savoir ce qu'en pensent les familles. Notre question était précise et impliquait volontairement une personne chère dans le choix du sondé.
La crémation s'impose clairement comme une nouvelle norme dans le rite funéraire français, au détriment de l'inhumation, transformant totalement notre rapport au corps mort, au souvenir et à l'espace de mémoire. Ce mode de sépulture répond à de nouvelles exigences de mobilités géographiques et écologiques. Sera-t-il dépassé par l'humusation, présentée comme encore plus respectueuse de l'environnement, venant une nouvelle fois impacter nos pratiques et représentations liées à la mort ?
Bien que, dans leur majorité, les sondés ne soient pas convaincus de choisir l'humusation pour leur maman, ce mode de sépulture alternatif semble le plus à même d'être pratiqué dans 30 ans. En effet, il est probablement porteur d'une symbolique plus forte que l'aquamation (crémation par l'eau) ou la promession (réduction par le froid) et représente un processus plus proche de notre inhumation traditionnelle.
L'aspect matériel (impact environnemental notamment) des funérailles écologiques semble être bien pris en compte à la fois par les professionnels du funéraire et des familles. En complément, il pourrait être pertinent de questionner l'aspect symbolique des funérailles écologiques. Cette approche nous permettrait peut-être d'accélérer la transition.
Conclusion
Nous aurions aimé réaliser notre meilleure newsletter sur l'écologie, et rallier plus de personnes répondant à notre sondage avec passion et engouement. En effet, ce sujet est important pour toute notre société, pour les seniors comme pour les jeunes et les moins jeunes, pour les familles comme pour les professionnels du funéraire.
Selon nous, il est de la responsabilité de chacun de s'y intéresser, de poser des questions (aux familles, aux fournisseurs et aux collègues), d'enrichir la documentation sur le sujet et d’apporter des éléments concrets sur l'impact des choix. Quoi qu'il en soit, nous sommes ravis d'avoir pu travailler sur ce sujet
et nous espérons que ce n'est qu'une première étape.
Manon Moncoq
Anthropologue du funéraire et de l’environnement, consultante et intervenante
Charles Simpson
Fondateur de Meilleures Pompes Funèbres
Résonance n° 191 - Mai 2023
Résonance n° 191 - Mai 2023
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